L’œil est dans les décombres

Apollinaire* ni Baudelaire
ne t’en auraient dit cette chose
qu’après shoah en un temps clos
viendrait de ceux-là mêmes
devenus les Dépositaires
l’industriel accablement
d’injures au ciel et à la Bible

Et dans un tel assentiment
de plaine et de dévastation
la foule vaquant à ses occupations
délasserait ses membres
en se craquant les doigts
du spectacle de la famine
en terre sainte administrée
de sable et de gravats
de son et de lumière

Ni Aragon ni Laâbi
mais peut-être Genet
rêvant dans la forme palestinienne
t’aurait pris par la main
posée là sur un paravent
entre mer et sable de hurlevent

Et l’aurait portée à ta sourde oreille
bouche bée yeux muets
ventre assis à l’esprit aboli

Sans te faire changer
citoyen Meursault d’un ïota!
l’idée folle que
la victime était au fond du char
et regardait de loin
l’assassin courir nu
prisonnier de la grève
à l’assaut de ta vie tranquille.

*Et l’image qui te possède te fait survivre dans l’insomnie et dans l’angoisse

Guy LAVIGERIE,

poème à la nuit blanche
2 février 2024