Pourquoi un chasseur de nazis israélien accueille-t-il à bras ouverts les néonazis allemands ?

Par Ali Abunimah, le 4 février 2018

Alors que le gouvernement israélien continue à feindre l’indignation devant la loi polonaise protégeant tacitement une révision et un déni de l’Holocauste, les politiciens nazis actuels et leurs homologues israéliens continuent à resserrer leurs liens.

Dans l’incident le plus récent exposant leurs affinités idéologiques, Rafi Eitan, l’agent du Mossad crédité de la capture du Nazi majeur Adolf Eichmann en 1961, a enregistré une vidéo louant « Alternative für Deutschland » [Alternative pour l’Allemagne], le parti néo-nazi qui s’est emparé de près de 100 sièges aux élections générales en Allemagne en septembre dernier.

AfD – le mouvement étant connu par les initiales de son nom en allemand – a fièrement posté la vidéo sur sa page Facebook, en en citant des passages clés.
AfD publie aussi le texte du message d’Eitan au parti à l’occasion de la Journée internationale pour la mémoire de l’Holocauste.

« Je souhaite de tout mon coeur que vous soyez assez forts pour mettre fin à la politique des frontières ouvertes, que vous arrêtiez l’islamisation croissante de votre pays et que vous protégiez ses citoyens du terrorisme et du crime », déclare Eitan dans la vidéo (voir le lien ci-dessus). « En Israël, en Allemagne, en Europe. Faisons-le ensemble. »

Eitan souhaite qu’AfD ne soit pas seulement une « alternative pour l’Allemagne », mais aussi une « alternative pour l’Europe ».

Se décrivant comme un « ami de l’Allemagne », Eitan exhorte les Européens à « fermer leurs frontières aussi vite que possible contre l’immigration musulmane massive » et à « créer les alliances internationales offrant des solutions aux demandeurs d’asile, hors de leur pays ».

« Il n’y a pas d’autre façon de garder votre pays en sécurité », affirme Eitan.
Le vétéran du Mossad envoie ses salutations aux dirigeants du parti, dont Beatrix von Storch, qui a récemment été l’objet d’une investigation de la police allemande à cause de ses explosions contre les Musulmans sur les réseaux sociaux.

Embarras

Le message de Eitan a déclenché immédiatement une crise dans les relations publiques en Israël, l’état juif auto-proclamé qui se vend comme le gardien de la mémoire des millions assassinés par Adolf Hitler et ses complices dans toute l’Europe.
« Je suis en désaccord total avec la déclaration de Rafi Eitan », a twitté l’ambassadeur israélien en Allemagne Jeremy Issacharoff. « Je trouve difficile d’imaginer comment l’homme qui a capturé Eichmann et l’a ramené en Israël pour son procès félicite des Allemands qui sont fiers de leur passé nazi et espère que de tels points de vue pourraient être une alternative pour l’Europe ! Triste et honteux. »

Et compte tenu de cet embarras, Eitan a succinctement reculé.

Mais il n’est pas si difficile de comprendre les affinités entre Eitan et l’AfD, de même que son message exprime parfaitement ce qui lie aujourd’hui Israël et les néo-nazis européens : une islamophobie partagée dans laquelle la provocation et la haine contre les Musulmans sont devenues les remplacements à peine acceptables de l’anti-sémitisme européen.

Une amitié vieille et neuve

Aujourd’hui les néo-nazis européens et américains affichent leur soutien d’Israël et utilisent la bénédiction de personnalités comme Eitan et le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu pour blanchir leur antisémitisme et leur suprémacisme blanc.
Eichmann incarne parfaitement la manière dont l’alliance entre nazis et sionistes est ancienne.

Comme l’a remarqué le professeur de Columbia Joseph Massad, l’enlèvement d’Eichmann en Argentine en 1961 par l’agence d’espionnage du Mossad, son procès et son exécution à Jérusalem n’ont pas été sa première visite en Palestine.
En 1937, Eichmann s’était rendu en Palestine comme envoyé des nazis et en était revenu, comme le dit Massad, « plein d’histoires fantastiques sur les réalisations du kibboutz ashkénaze racialement séparatiste, dont il avait visité un exemple sur le Mont Carmel à l’invitation des sionistes ».

De plus, en 1934, Der Angriff [L’assaut], le journal du chef de la propagande d’Hitler Joseph Goebbels, publia une série d’articles et fit frapper une médaille pour commémorer une visite commune aux colonies sionistes de Palestine l’année précédente, par l’officier SS Leopold von Mildenstein et par le responsable de la Fédération sioniste Kurt Tuchler. D’un côté la médaille porte l’étoile de David et la légende « Un Nazi voyage en Palestine », et de l’autre côté elle porte une croix gammée.

« Des racines nazies »

Parallèlement, l’analogue de l’AfD en Autriche, le Parti de la liberté, démontre que l’accolade est mutuelle.

Heinz-Christian Strache, le chef du Parti de la liberté et maintenant vice-chancelier d’Autriche, a invité à Vienne Yehuda Glick, le législateur du Likud, le parti dirigeant de Netanyahu, une personnalité dirigeante du mouvement soutenu par le gouvernement israélien qui vise à construire une synagogue à l’endroit où la mosquée al-Aqsa de Jérusalem et le Dôme du Rocher se trouvent actuellement.
Selon le journal Haaretz, le gouvernement israélien « n’a pas encore adopté une position claire à propos de rencontres entre de hauts responsables israéliens et le nouveau vice-chancelier qui dirige un parti aux racines nazies ».

Ils ont certainement eu le temps d’y penser, puisque Strache et Glick sont de vieux amis qui se sont déjà rencontrés.

Glick aurait twitté qu’il se réjouissait de rencontrer « un des plus vieux amis d’Israël en Europe ».

En réponse, Ksenia Svetlova, une législatrice du parti d’opposition de l’Union sioniste, s’est alarmée de ce que « des rencontres avec des dirigeants de partis anti-sémites et néo-nazis accordent une légitimité aux militants qui clignent d’un oeil vers Israël tout en acquiesçant de la tête à ceux qui haïssent Israël ».

Elle propose un décret « qui refuserait l’entrée d’Israël aux personnes qui nient l’Holocauste ou qui ont proféré des expressions anti-sémites ».

De manière significative, Haaretz a rapporté que Svetlova avait découvert qu’aucun membre de droite de la Knesset qu’elle avait approché n’avait accepté de la soutenir ».

Israël blanchissant ceux qui nient l’Holocauste

La raison est claire : cela laisserait à l’extérieur beaucoup trop d’amis d’Israël. Beaucoup des soutiens les plus forts d’Israël aujourd’hui sont les gouvernements européens d’extrême-droite et des partis nostalgiques du passé fasciste, avides d’y occulter le rôle de leurs pays. Soutenir Israël est le chemin le plus rapide vers l’ absolution.

Mais pour quelques uns des plus dévoués soutiens d’Israël, c’est dur à avaler.
Efraim Zuroff, le directeur du bureau de Jérusalem du Centre Simon Wiesenthal, un groupe de pression pro-Israël basé aux États-Unis, a déclaré au Jerusalem Post que les critiques récentes de la Pologne par le gouvernement Netanyahu étaient hypocrites.

« Netanyahu et d’autres Premiers ministres israéliens ont toléré une ‘distorsion de l’Holocauste’ depuis 15 ans en Lithuanie, en Lettonie, en Estonie, en Croatie et en Ukraine », a dit Zuroff au journal.

« On pourrait facilement ajouter la Hongrie et la Pologne à cette liste. »
« Cela n’a pas commencé aujourd’hui— cela dure depuis des années et Israël est resté totalement silencieux » a dit Zuroff.

Et en plus, Israël est trop occupé à passer des lois destinées à tenir à l’écart des défenseurs des droits humains qui haïssent le racisme et luttent pour la complète liberté et égalité des Palestiniens en mettant fin à l’occupation israélienne, à l’apartheid et au colonialisme.

Traduction: Catherine G. pour l’Agence Média Palestine

Source: Electronic Intifada

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