Compte rendu de l’atelier de soutien psychologiques à des femmes de Deir al-Balah
Au cœur des conditions difficiles vécues par les déplacés de la bande de Gaza, et parmi les tentes exiguës qui abritent la vie de centaines de familles, les équipes de l’UJFP poursuivent leur mission humanitaire, convaincues que l’être humain n’est pas seulement un corps, mais aussi une âme et un esprit qui nécessitent autant de soins que le corps a besoin de nourriture.
C’est dans ce cadre qu’a été organisé cette semaine un atelier exceptionnel intitulé « Prendre soin de la santé mentale et physique : la force de résilience de l’intérieur », destiné à vingt femmes déplacées et résidentes du camp des Amis, à l’ouest de Deir al-Balah. Cet atelier se voulait une bouffée d’espoir et un espace sûr pour reprendre son souffle au milieu de la tempête.
Dès les premiers instants, il est apparu que cet atelier n’était pas une simple rencontre passagère, mais un véritable voyage intérieur. Les participantes ont été accueillies avec des sourires sincères et des paroles chaleureuses, afin de briser le mur invisible d’anxiété qui les entourait. La séance s’est ouverte par la rubrique « Mon corps et mon esprit », où il a été demandé à chaque femme d’exprimer en un seul mot l’effet physique que le stress exerce sur elle. Les voix se sont élevées avec des mots porteurs d’une douleur enfouie : « maux de tête », « douleur au dos », « palpitations », « fatigue constante ». Chacune de ces réponses était une fenêtre ouverte sur un monde de souffrance silencieuse, souvent ignorée dans le tumulte de la survie quotidienne.
Après cette introduction, la séance a enchaîné avec l’activité « Fenêtre sur ma santé ». Les participantes, réparties en petits groupes, se sont assises face à face pour échanger leurs histoires de douleur et de défis. L’une a parlé de ses nuits blanches à répétition, une autre de la perte d’appétit depuis son déplacement, et une troisième des douleurs qui la surprennent chaque matin sans cause médicale apparente. Au fil de ces échanges, un sentiment de solidarité s’est installé, comme si chacune avait trouvé dans l’autre le miroir de sa propre souffrance.
Dans la partie pratique de l’atelier, l’équipe a animé la séance « Respirer pour retrouver le calme ». Les femmes, assises en cercle, ont vu les fenêtres de la tente se fermer pour laisser place à une lumière tamisée et à un silence complet. La formatrice a alors donné des instructions d’une voix douce : « Fermez les yeux… Inspirez profondément… Sentez l’air remplir votre poitrine… Expirez lentement, en laissant l’inquiétude sortir avec chaque souffle. » À mesure que l’exercice se répétait, toutes ont remarqué un changement : yeux clos, épaules détendues, visages retrouvant un peu de leur sérénité perdue.
Pour ajouter une touche artistique au soutien psychologique, une musique douce a été diffusée. Les mélodies se sont répandues dans les cœurs comme l’eau sur une terre assoiffée. Certaines participantes ont fermé les yeux, laissant couler des larmes en silence, comme si la musique ouvrait des portes scellées depuis longtemps dans leur âme.
L’atelier a également abordé ce que la formatrice a appelé « La pharmacie de la nature », discutant avec les femmes de l’importance des aliments simples disponibles dans les camps, tels que les lentilles, les pois chiches et les légumineuses, et de la manière dont ces produits peuvent être des remèdes naturels soutenant la santé physique et améliorant l’humeur. Les participantes ont échangé des recettes maison pour préparer des repas nutritifs malgré la rareté des ressources, et ont noté des conseils pour maintenir un équilibre alimentaire en situation de déplacement.
Au milieu de la séance, un temps a été accordé au déchargement émotionnel. Les participantes ont été invitées à écrire sur un papier les pensées ou situations les plus lourdes pour leur cœur, puis à placer ces papiers dans une boîte surnommée « La boîte des soucis ». Dans un geste symbolique, la boîte a été fermée et éloignée, comme un message collectif disant que la douleur peut être laissée derrière soi, ne serait-ce que pour un instant.
L’une des femmes, visiblement épuisée, a déclaré d’une voix tremblante : « Je ne savais pas que le stress pouvait être la cause de mes douleurs. Aujourd’hui, j’ai eu l’impression de me sauver moi-même, simplement parce que j’ai appris à respirer et à prendre soin de mon esprit. » Une jeune femme dans la vingtaine a confié avec un léger sourire : « Aujourd’hui était différent. J’ai senti que je déposais une partie de mon fardeau et que je n’étais pas seule dans cette épreuve. »
La séance s’est conclue par la rubrique « Mot d’espoir », où chaque participante a prononcé un mot ou une prière exprimant son souhait. Les réponses ont varié : « paix », « santé », « sécurité », « patience », « retour ». Les voix oscillaient entre les larmes et les sourires, mais l’atmosphère générale était chargée de l’espoir que l’équipe avait cherché à semer dès le début.
Cet atelier n’était pas seulement une séance de soutien psychologique, mais un espace pour se confier, apprendre, et retrouver une part de contrôle sur soi dans une réalité qui laisse peu de place au choix. L’expérience a prouvé que les femmes, malgré les pertes, la douleur et le déplacement, possèdent une force intérieure latente qui peut être ravivée par les soins et l’attention.
En temps de guerre et de déplacement, le soutien psychologique aux femmes n’est pas un luxe, mais une nécessité pour leur survie et celle de leurs familles. La femme qui porte le fardeau du foyer et des enfants, et affronte des pertes répétées, a besoin d’espaces sûrs pour retrouver son équilibre intérieur. Des séances comme celle-ci, combinant décharge émotionnelle, éducation sanitaire et communication humaine, peuvent faire la différence entre l’effondrement et la résilience. Ce que nous avons vu au camp des Amis en est la preuve vivante : investir dans la santé mentale des femmes, c’est investir dans la force de toute la communauté.
Tout comme la nourriture nourrit le corps, la parole bienveillante, le conseil sincère, la musique douce et les exercices de respiration nourrissent l’âme et redonnent à l’être humain la capacité d’affronter demain, aussi sombre soit-il. Dans ces temps difficiles, l’espoir reste la corde de salut, et le soutien psychologique est la main qui s’y accroche pour qu’elle ne se rompe pas.
Photos et vidéos ICI
(Voir aussi les chroniques et articles postés par Brigitte Challande du Collectif Gaza Urgence déplacé.e.s quotidiennes sur le site d’ISM France et du Poing, article hebdomadaire sur le site d’Altermidi, et sur l’Instagram du comité Palestine des étudiants de Montpellier..)