Principes pour le démantèlement de l’antisémitisme, une réponse juive progressiste à la JDA (Déclaration de Jérusalem sur l’antisémitisme)

Une réponse juive progressiste à la Déclaration de Jérusalem

Un texte initié par Jewish Voice for Peace et signé par l’UJFP

Nous croyons en un monde où nous serions tous et toutes en sécurité et apprécié·e·s pour qui nous sommes, c’est-à-dire un monde débarrassé du racisme, de l’antisémitisme et de l’islamophobie. À l’heure où plusieurs gouvernements et partis politiques fascistes, racistes et autoritaires gagnent du pouvoir un peu partout dans le monde, nous sommes plus que jamais engagé·e·s à construire un monde où la justice, l’égalité et la dignité sont garanties à chaque personne, sans exception.

C’est animé·e·s d’une vive inquiétude que nous écrivons cette déclaration, au moment où le gouvernement israélien tente une fois de plus d’échapper à la responsabilité de ses violations des droits de la personne et du droit international en lançant des accusations d’antisémitisme à l’endroit de la population palestinienne et de quiconque se porte à la défense des droits du peuple palestinien. Non seulement ces efforts cherchent à faire taire la population palestinienne et ses allié·e·s, mais ils compromettent aussi la sécurité de la population juive et la lutte nécessaire contre l’antisémitisme.

L’exemple le plus saillant de cette dangereuse campagne est la tentative d’imposer aux gouvernements, institutions publiques, universités et sociétés civiles la définition erronée et largement discréditée de l’antisémitisme utilisée par l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (IHRA). La définition de l’IHRA n’est pas conçue pour protéger les communautés juives contre la recrudescence du racisme et des attaques anti-juives, qui sont principalement perpétrées par de jeunes suprémacistes blancs. Elle a plutôt été employée dans plusieurs pays comme une matraque pour réprimer la défense de droits et la liberté académique. Un grand nombre d’organisations palestiniennes et israéliennes, d’organismes de la société civile et de groupes de défense des droits de la personne de partout dans le monde, ainsi que des universitaires, des auteurs·trices et des militant·e·s, dont l’auteur original de la définition de l’IHRA, ont dénoncé ses répercussions antidémocratiques et ses effets répressifs.

Dans ce contexte, nous accueillons favorablement la Déclaration de Jérusalem sur l’antisémitisme (JDA), qui se présente comme un correctif utile à la définition dangereusement erronée mise de l’avant par l’IHRA. Si une institution estime qu’elle a besoin d’une définition, la Déclaration de Jérusalem constitue une nette amélioration par rapport à la définition de l’IHRA. Rédigée et endossée par plusieurs des plus éminent·e·s spécialistes des études juives au monde, cette déclaration ouvre la porte au débat, promeut la liberté d’expression et réfute les aspects les plus trompeurs de la définition de l’IHRA. Toutefois, en cherchant à remédier aux fausses prétentions de la définition de l’IHRA, la JDA tombe à son tour dans le piège de situer la question israélo-palestinienne au cœur des conversations sur l’antisémitisme. Si ses auteurs·trices estimaient devoir examiner minutieusement la question pour répondre de manière exhaustive à l’IHRA, il aurait fallu incorporer des perspectives et des analyses représentatives de la position palestinienne dans l’élaboration du document, car sans celles-ci la JDA reste incomplète. L’accent disproportionné placé sur cette question risque de contribuer au contrôle intense des discours concernant Israël et la Palestine et de détourner l’attention des réels dangers que constituent aujourd’hui pour les Juifs et les Juives les mouvements d’extrême droite et suprémacistes blancs.

Mais surtout, nous sommes parfaitement conscient·e·s que l’exercice consistant à définir l’antisémitisme ne fait rien pour réellement démanteler l’antisémitisme. Légiférer sur une définition statique d’une forme ou une autre d’intolérance peut en fait affaiblir les efforts menés au sein de notre société pour combattre la discrimination dans différents contextes et au fil du temps. Plutôt que de codifier des définitions de l’antisémitisme, nous demandons aux progressistes de partout dans le monde de s’engager à démanteler l’antisémitisme en même temps que toutes les autres formes d’oppression et d’intolérance. Pour garantir la sécurité et la liberté de tous et de toutes, y compris celles des Juif·ve·s, nous proposons ces principes et ces mesures concrètes :

Ne dissocions pas l’antisémitisme des autres formes d’oppression.

Situons nos efforts pour démanteler l’antisémitisme dans le cadre d’une lutte plus large contre toute forme de racisme et d’oppression. L’antisémitisme est intégré à la suprématie blanche et fait partie d’une mécanique de division et de peur employée pour nous isoler les un·e·s des autres et nous rendre vulnérables. La même mécanique est employée pour cibler la population noire et d’autres populations racisées, les personnes musulmanes, les immigrant·e·s, les communautés autochtones et plusieurs autres groupes. Le fait d’isoler l’antisémitisme contribue à marginaliser la menace principale à laquelle sont confrontées ces communautés dans le cadre suprémaciste blanc, à invisibiliser l’expérience des Juif·ve·s noirs et d’autres Juif·ve·s de couleur, et à atomiser une lutte qui, pour aboutir, devra nécessairement être commune et solidaire. Que nos actions soient guidées par le principe suivant : l’oppression est intersectionnelle et la justice est indivisible.

Contestons les idéologies politiques qui excitent le racisme, la haine et la peur.

Rejetons et combattons les idéologies fascistes, suprémacistes blanches et d’extrême droite qui conduisent à la violence meurtrière. Ces croyances complotistes toxiques sont employées pour diviser les communautés et y semer la peur, et pour maintenir et renforcer la suprématie blanche. Ne cédons aucun terrain aux leaders, aux institutions et aux politicien·ne·s qui promeuvent ce type d’idéologies et accèdent au pouvoir en fomentant la violence antisémite, raciste, islamophobe et xénophobe.

Créons des milieux qui accueillent et célèbrent toutes les expressions de la vie culturelle et religieuse.

Adoptons des politiques et des pratiques qui ne se contentent pas de tolérer la diversité culturelle et religieuse, mais qui l’assument avec enthousiasme. L’hégémonie chrétienne blanche ordonne une grande partie de nos sociétés, de nos vies, de nos relations et de nos institutions. Le fait de concevoir comme « autres » les communautés qui ne sont pas blanches et chrétiennes contribue à perpétuer l’exploitation, la haine et la discrimination. Il nous faut rejeter cette conception nocive en examinant les politiques de nos communautés et de nos organisations et en créant des espaces positifs et inclusifs où les communautés juive, musulmane, sikhe, hindoue, bouddhiste et d’autres communautés confessionnelles puissent se sentir bienvenues et s’épanouir.

Faisons du démantèlement de toutes les formes de racisme et d’intolérance à la fois une politique fondamentale et une pratique quotidienne.

Faisons de la justice raciale, de l’inclusion religieuse et de l’égalité sociale des éléments centraux de l’élaboration des politiques et des processus décisionnels, autant au sein de nos organisations et de nos institutions que sur le plan législatif. Jusqu’à ce que notre société soit tout entière transformée au point où le racisme et l’antisémitisme seront complètement éradiqués, la responsabilité nous appartient de créer des espaces ouverts où sont intégrés à nos pratiques quotidiennes des projets pédagogiques, des programmes éducatifs et des cadres théoriques antiracistes. Si nous n’intégrons pas à notre vie quotidienne l’objectif de démanteler la suprématie blanche, dont le racisme anti-Noirs, l’antisémitisme et l’islamophobie, nous ne pourrons jamais réaliser l’avenir équitable que nous désirons.

Renforçons la sécurité par la solidarité, et non par l’ordre policier.

Résistons aux appels à répondre à la violence contre la population juive par une plus grande présence policière. Une intensification de l’ordre policier ne peut que nuire à certains des membres les plus vulnérables de nos collectivités, y compris les personnes juives de couleur. Investissons plutôt dans des stratégies, des pratiques et des plans qui renforcent la protection de toutes nos communautés sans accroître le pouvoir et la présence de forces policières de plus en plus militarisées. Notre histoire prouve que la liberté et la sécurité de chacun d’entre nous dépendent de notre liberté et de notre sécurité à tous et à toutes.

Signataires

Jewish Voice for Peace (US)
Independent Jewish Voices (Canada)
Manchester Jewish Action for Palestine (UK)
Jewish Liberation Theology Institute (Canada)
Sh’ma Koleinu – Alternative Jewish Voices (New Zealand)
Boycott from Within (Israeli citizens for BDS)
Jewish Voice for a Just Peace in the Middle East (Germany)
Jews against the Occupation (Australia)
French Jewish Peace Union (Union Juive Française pour la Paix) (France)
Jews Say No! (USA)
Collectif Judéo Arabe et Citoyen pour la Palestine (France)
International Jewish Anti-Zionist Network
Een Andere Joodse Stem – Another Jewish Voice (Flanders, Belgium)
Scottish Jews Against Zionism (Scotland)
As the Spirit Moves Us (a Jewish Justice organization)
Tikkun Olam Chavurah


PRINCIPLES FOR DISMANTLING ANTISEMITISM: A PROGRESSIVE JEWISH RESPONSE TO THE JERUSALEM DECLARATION

We believe in a world where we are all safe and cherished—a world without racism, without antisemitism, and without Islamophobia. As fascist, racist, and authoritarian governments and political parties increasingly amass power around the world, we are more committed than ever to the work of building a world where justice, equality, and dignity are accorded to all people without exception.

We write this statement with urgent concern about the ongoing attempts of the Israeli government to evade accountability for its human rights abuses and violations of international law by levying accusations of antisemitism at Palestinians and those who advocate for Palestinian rights. Not only does this silence Palestinians and their advocates, but it also jeopardizes Jewish safety and the struggle to dismantle antisemitism.

The most prominent example of this dangerous campaign is the attempt to impose the flawed and widely discredited International Holocaust Remembrance Alliance (IHRA) working definition of antisemitism on governments, public institutions, universities, and civil society. The IHRA definition is not designed to protect Jewish communities from the rising bigotry and racist attacks we face, predominantly carried out by white supremacists. Instead, it has been employed in many countries as a bludgeon to suppress advocacy and academic freedom. Scores of Palestinian, Israeli, civil society, and human rights organizations from across the globe, as well as academics, writers, and activists—including one of the IHRA’s original authors—have condemned its anti-democratic and repressive impact.

In this context, we welcome the Jerusalem Declaration on Antisemitism (JDA) as a useful corrective to the dangerously flawed IHRA definition. If an institution believes it needs a definition, the Jerusalem Declaration is a vastly improved replacement for the IHRA. Drafted and endorsed by many of the world’s most preeminent Jewish studies scholars, it opens space for debate, champions freedom of speech, and refutes the most misleading aspects of the IHRA definition. However, in attempting to remedy the deceptive claims of the IHRA definition, the JDA falls into the trap of situating Israel-Palestine at the centre of conversations about antisemitism. If the drafters required this special scrutiny to respond fully to IHRA, then they should have included representative Palestinian perspectives and analyses in shaping the document, without which the JDA remains incomplete. This disproportionate focus risks contributing to the intense policing of discourse on Israel-Palestine, and distracting from the real dangers we face as Jews today from white supremacists and the far-right.

Most importantly, we are acutely aware that defining antisemitism does not actually do the work of dismantling antisemitism. Legislating a static definition for any particular form of bigotry weakens our society’s efforts to combat discrimination across different contexts and over time. Instead of trying to codify definitions of antisemitism, we call on progressives around the world to commit to dismantling it alongside all forms of oppression and bigotry. To create safety and freedom for all people, including Jewish people, we offer these principles and practical steps:

  1. Do not isolate antisemitism from other forms of oppression.
    Situate your work to dismantle antisemitism within the broader struggle against all forms of racism and oppression. Antisemitism is embedded in white supremacy, and is part of the machinery of division and fear used to keep us isolated and vulnerable—the same machinery that is used to target Black people and other people of color, people who are Muslim, immigrants, Indigenous communities, and others. Isolating antisemitism ignores the central threats faced by these communities under white supremacy, erases the lived experiences of Black Jews and other Jews of color, and atomizes a struggle that must be united to succeed. Act from the principles that oppression is intersectional and that justice is indivisible.
  2. Challenge political ideologies that foment racism, hate, and fear.
    Refuse and challenge fascist, white nationalist, and far-right ideologies leading to murderous violence. These conspiratorial and dangerous beliefs are wielded to divide and sow fear across communities, and to reinforce and maintain white supremacy. Cede no ground to the leaders, institutions, and politicians who promote these ideologies and gain power by breeding violent antisemitism, racism, Islamophobia, and xenophobia.
  3. Create environments that affirm and celebrate all expressions of cultural and religious life.
    Institute policies and practices that actively embrace, not just tolerate, cultural and religious diversity. White Christian hegemony structures many of our societies, lives, relationships, and institutions. By framing all communities that are not white and Christian as the “other,” this feeds exploitation, hatred, and discrimination. Push back on this harmful reality by assessing your community or organization’s policies and building affirming, inclusive spaces where Jewish, Muslim, Sikh, Hindu, Buddhist and all other faith communities can thrive and belong.
  4. Make undoing all forms of racism and bigotry both policy and daily practice.
    Establish racial justice, religious inclusion, and social equity as central pillars for setting policy and making decisions—in organizations, institutions, and legislation. Until our entire society is transformed to the point where racism and antisemitism are truly eradicated, it is up to all of us to create open spaces, rooted in the fabric of daily practice, for anti-racist educational initiatives, curriculums, and frameworks. If we do not make undoing white supremacy, including anti-Black racism, antisemitism and islamophobia, a part of our daily lives, we will never achieve the just future we want.
  5. Practice safety through solidarity, not law enforcement.
    Resist calls to respond to violence against Jewish people by increasing police presence. Increased policing will harm some of the most vulnerable members of our communities, including Jewish people of color. Instead, invest in strategies, practices, and plans that build protection and safety for all our communities, without increasing the power and presence of increasingly militarized law enforcement. Our history shows that freedom and safety for any of us depends on freedom and safety for all of us.

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Spanish and Arabic coming soon.