En Israël, le titre de Président de l’État d’Israël est certes essentiellement honorifique. Il n’empêche : en déclarant le 29 novembre « qu’Israël n’a rien à faire avec les néo-fascistes qui soutiennent le pays », le Président Rivlin a essayé (en vain) de rappeler à l’ordre la coalition d’extrême droite qui gouverne le pays.
Hors d’Israël, les voix juives officielles qui vont dans ce sens sont rares. Citons Pinchas Goldschmidt, Président (suisse) de la Conférence des rabbins européens qui a mis en garde dans une interview au Times of Israel l’État d’Israël contre le « réchauffement [des liens avec] des partis d’extrême droite », affirmant que l’État juif ne doit jamais faire passer des gains politiques à court terme avant la vérité historique.
À l’UJFP, notre combat pour le vivre ensemble dans l’égalité des droits et contre le colonialisme nous rend particulièrement vigilants. Il est impossible d’oublier que le fascisme et le nazisme sont nés sur un terreau ultranationaliste, raciste, eugéniste, suprématiste et que leur arrivée au pouvoir a provoqué une guerre incroyablement meurtrière et l’extermination programmée de millions de personnes : Juifs, Roms, slaves, communistes, homosexuels …
Par son horreur et son amplitude, le judéocide a pris une place essentielle dans les différentes formes d’identités juives. Voir aujourd’hui les dirigeants israéliens ou ceux de plusieurs communautés juives organisées devenir les meilleurs amis de racistes ou négationnistes avérés ou proférer eux-mêmes les pires déclarations racistes a quelque chose d’obscène.
Toute énumération des antisémites et/ou néofascistes amis d’Israël ne peut être exhaustive.
Citons les Chrétiens sionistes états-uniens. Ces évangélistes professent que les Juifs doivent retourner en terre sainte pour hâter le retour du Christ, en chasser les Arabes, puis se convertir à la « vraie foi » sous peine de disparition. Ces antisémites ont participé financièrement à la colonisation de la Palestine de façon décisive. Lors de l’inauguration de l’ambassade états-unienne à Jérusalem, il y avait parmi les invités d’honneur deux Chrétiens sionistes éminents : Robert Jeffress et John Hagee. Le premier pense qu’aucun Juif ne peut être sauvé (de l’enfer) et le second estime qu’Hitler a accompli la volonté de Dieu. Comment est-il possible d’accepter de tels amis ?
Il y a le Premier ministre hongrois Viktor Orban qui réhabilite le régime pro nazi de l’Amiral Horthy, celui qui a participé de façon décisive à l’extermination des Juifs Hongrois. Non seulement, Nétanyahou a manifesté son amitié avec Orban, mais il a approuvé la campagne antisémite menée en Hongrie contre Georges Soros en qualifiant ce dernier d’ennemi d’Israël.
Mentionnons ensuite l’État polonais qui vient de promulguer une loi criminalisant toute personne estimant que des Polonais ont collaboré dans l’extermination des Juifs. L’existence de tels collaborateurs est une évidence historique de même que l’existence de nombreux Polonais morts pour avoir sauvé ou tenté de sauver des Juifs. Nétanyahou a approuvé cette loi et s’est attiré les foudres de la direction du musée Yad Vashem de Jérusalem.
Citons également le cas de l’Autriche. Autrefois, lors de l’affaire Waldheim ou lors de la première entrée au gouvernement du FPÖ (parti « libéral » qui regroupe essentiellement des nostalgiques du Troisième Reich), toute fréquentation de cette extrême droite était impensable. Aujourd’hui, le Chancelier Kurz a 6 ministres du FPÖ. Il est le meilleur ami d’Israël, du Congrès juif européen et de François Kalifat, président du CRIF (et ancien membre du Betar) qui lui ont rendu visite.
On pourrait continuer avec les principaux dirigeants de l’extrême droite européenne de l’Est comme de l’Ouest. La visite de Roberto Salvini à Jérusalem le 11 décembre en est l’exemple.
Nétanyahou lui-même a proféré de façon répétée des déclarations négationnistes, déclarant devant le Congrès sioniste en 2015 « qu’Hitler ne voulait pas exterminer les Juifs » et que « c’est le Grand Mufti de Jérusalem qui lui avait donné l’idée ».
Au moment où l’attentat de Pittsburgh ou les profanations répétées de tombes juives en Alsace nous rappellent que l’antisémitisme meurtrier des suprématistes n’a jamais disparu, celle collusion récurrente avec les complices ou les nostalgiques du génocide nazi est d’une indécence totale.
Nous nous adressons à toutes celles ou ceux, Juifs ou non, pour qui cette complicité doit cesser, en leur demandant de s’exprimer. Nous pensons à toutes celles ou ceux qui veulent défendre la démocratie, l’humanisme et le refus du racisme.
Votre silence n’est pas acceptable.
Il peut y avoir entre nous des divergences fondamentales sur la question palestinienne ou le colonialisme.
Mais se taire face à ce qui ressemble de plus en plus à une fascisation et à une fraternisation avec les nostalgiques d’une idéologie fasciste, raciste et antisémite, de la part d’institutions, en Israël et à travers le monde, prétendant représenter les Juifs, n’est pas acceptable.
Le Bureau national de l’UJFP, le 5 janvier 2019