Union juive française pour la paix

La reconnaissance de l’État de Palestine : un symbole et un acte contre le génocide ?

Netanyahou desavoue a lONU La reconnaissance de l’État de Palestine : un symbole et un acte contre le génocide ?
Netanyahu prend la parole à l’ONU face à une salle au trois quart vide 2025. CAITLIN OCHS / REUTERS

« C’est comme si on nous disait : ça y est je te reconnais, tu t’appelles Palestine, tu peux t’éteindre »: Rami Abou Jamous, journaliste palestinien

Il faut rappeler que la Palestine est déjà un État observateur non-membre de l’ONU depuis 2012, et que près de 150 pays l’ont déjà reconnu, certains depuis 1988, date à laquelle les Palestiniens ont proclamé leur indépendance. De plus, dès 1947, le plan de partage de l’ONU prévoyait un État de Palestine !

La France et les autres pays qui ont franchi le pas de la reconnaissance la semaine dernière ne sont donc pas des pionniers. Même au sein de l’Union européenne (UE), d’autres ont déjà fait ce choix, certains avant la guerre à Gaza comme la Suède, d’autres au cours des deux dernières années, comme l’Espagne ou l’Irlande.

La reconnaissance de l’État de Palestine tant par la Grande Bretagne, le Canada, l’Australie et le Portugal que la France constitue malgré tout un acte symbolique important. Le peuple palestinien existe bel et bien. Mais, dans le contexte actuel, ce n’est, nécessairement, qu’un début.

Car on ne peut pas imaginer de paix durable sans que le peuple israélien reconnaisse le crime initial de la colonisation. La contradiction du discours de Macron, c’est de prétendre que le plan de partage de l’ONU de 1947 permettait l’autodétermination des peuples, alors que le peuple habitant le territoire palestinien n’avait pas été consulté.

Pire, Macron n’a pas un mot pour la façon dont l’ONU a laissé violer toutes ses résolutions par Israël, et ne dit pas le moindre mot pour le droit au retour des réfugiés. Macron imagine-t-il qu’une paix juste et durable pourrait se faire sans que ce droit au retour se matérialise d’une quelconque manière ?

Il fait semblant d’ignorer qu’est inscrit depuis 1977 dans la charte du Likoud, le parti du Premier Ministre Nétanyahou, le projet de « Grand Israël » auquel ce dernier fait désormais clairement  référence. Jamais une perspective de vie commune avec les habitants de Palestine, jamais l’égalité des droits de tous les citoyens n’ont été envisagées.

Jouant à la grande puissance prétendant régenter le monde, Macron distribue les mauvais points. Il décide de la nécessité d’éliminer le Hamas en le réduisant à l’action terroriste du 7 octobre et à ses crimes de guerre contre les civils, sans un mot sur la légitimité à briser le blocus illégal et inhumain qui ne date pas de la veille du 7 octobre ! Il s’estime en droit de dénoncer l’incurie de l’Autorité Palestinienne tout en l’instituant représentante légitime du peuple palestinien.

Surtout, négligeant ses responsabilités et obligations de Président d’un pays signataire des conventions sur le crime de génocide et des traités instituant la Cour internationale de justice (CIJ) et la Cour pénale internationale (CPI), il se refuse ici et maintenant, de fait, à organiser la force qui brisera le blocus de l’aide humanitaire et à appliquer les mandats d’arrêt contre les responsables de l’action génocidaire en cours.

Après cette conférence de l’ONU, nous n’y avons ni entendu les mots ni annoncé les actes qui pourraient mettre fin au calvaire du peuple palestinien.

En réalité, aujourd’hui, n’a-t-on pas reconnu un État fantôme, dont, sans doute, 10 % des habitants de Gaza ont été assassinés par l’armée israélienne et au moins 40 000 habitants de Cisjordanie ont été déplacés depuis octobre 2023 ?

De surcroît, cette reconnaissance est conditionnelle, assortie de conditions diplomatiques, sécuritaires et politiques et liée à la solution à deux États, telle que définie dans la Déclaration de New York1. Elle n’envisage pas de sanctionner l’État d’Israël et  le laisse en toute impunité poursuivre un génocide à Gaza en contravention avec le droit international. Elle persiste à exclure les Palestiniens, premiers concernés, et à leur dénier un État souverain, tout en blanchissant Israël de ses crimes. En effet, est-ce que les Palestiniens ont la parole ? Est-ce qu’on leur permet de donner leur avis sur leur propre avenir ? Non. Leur soumission doit être totale, leur « État » devant être démilitarisé.

La résurgence de la solution à deux États est un vieux leurre de 1947 et des accords d’Oslo qui détourne l’Assemblée générale des Nations unies (AGNU) et la diplomatie mondiale, des seules actions à mener aujourd’hui : stopper le génocide et sanctionner Israël.

Aujourd’hui, le principe de réalité oblige à constater la solution à deux États comme irréaliste, impossible et injuste :

  • Parce qu’elle refuse de voir la réalité du sionisme : une idéologie, qui dès l’origine, est un nationalisme ethnique raciste, qui infériorise l’Autre. Le choix que fit Herzl, et que ses successeurs endossèrent, fut celui du colonialisme et plus précisément du colonialisme de remplacement. Le génocide actuel est dans la continuité de cette politique ;
  • Parce que la Knesset a voté à deux reprises, depuis octobre 2023, une motion rejetant fermement la création d’un État palestinien ;
  • Parce que la Knesset, en juillet 2025, a aussi voté une motion demandant l’annexion de la Cisjordanie, y compris la vallée du Jourdain ;
  • Parce que plus de 700 000 colons – dont certains sont des fanatiques armés – sont installés en Cisjordanie et
  • Parce que Israël ne tient jamais aucun des engagements internationaux auxquels il a en principe souscrit.

L’UJFP considère que, dans le contexte actuel, la solution à deux États, telle qu’elle est présentée est un leurre – parce qu’elle n’assure pas l’égalité des droits -, contredit l’ensemble des avis et résolutions de 2024 de la CIJ et de l’ONU, notamment la résolution du 18 septembre 2024, engageant les États à adopter des sanctions contre Israël et Israël à se retirer du Territoire Palestinien Occupé, avant le 18 septembre 2025.

C’est encore et toujours un colonialisme total qui est à l’œuvre, en ce début de XXIe siècle.

La Coordination nationale de l’UJFP, le 30 septembre 2025


Note-s

  1. Cette déclaration a été établie par la France et l’Arabie Saoudite, en juillet 2025 et pose les principes d’un règlement de ce qui est nommé abusivement le « conflit israélo-palestinien » sur la base de la solution à deux États. Différents pays du monde l’ont adopté, par 142 voix pour, 10 contre (dont Israël et les États-Unis) et 12 abstentions, le 12 septembre. Cette déclaration, de fait, propose une solution « du conflit » au seul bénéfice du plus fort, Israël.[]
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