15 juillet 2015
Par Michèle Sibony, Union Juive Française pour la Paix (UJFP), Verveine Angeli, Union Syndicales Solidaires, Ramzi Kébaili, Parti de Gauche (PG), Gisèle Felhendler, Sortir du Colonialisme, Alain Pojolat, Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA), Gustave Massiah, Initiatives Pour Un Autre Monde (IPAM).
Le CRIF se pose en donneur de leçon en évoquant un camp de la paix qu’il n’a jamais cessé d’attaquer. Instigateur de manifestations de soutien aux opérations meurtrières de répression contre Gaza, le CRIF a pour seul combat la défense forcenée du régime israélien. Ce qui est devenu une officine pro-israélienne en France est donc fort mal placé pour prétendre éduquer à la solidarité internationale et à la paix. Il veut oublier l’engagement de dizaines d’ organisations membres de BDS France, dans toutes les luttes contre le racisme le fascisme et le colonialisme hier et aujourd’hui dans le monde, et ici leur soutien aux sans papiers, aux migrants, aux Rroms.
Reprenons les qualificatifs [note]http://www.liberation.fr/monde/2015/06/21/illegal-injuste-inefficace-illegitime-les-quatre-i-du-boycott-d-israel_1334223 attribués par Roger Cukierman.
Lui qui en 2002 se réjouissait de la percée du FN « un message aux musulmans leur indiquant de se tenir tranquilles » récidivait en janvier 2015, réitérant ses accusations contre les musulmans et son soutien au FN.
Injuste ? Le BDS relaie l’appel de plus de 170 organisations de la société civile palestinienne lancé il y a exactement 10 ans. A l’instar du boycott international pratiqué contre l’apartheid sud africain, il ne vise que les institutions du régime, et non ses citoyens. Il est l’expression d’une volonté pacifique mais déterminée de faire comprendre à Israël que le régime colonial d’occupation et de discriminations qu’il a mis en place, et renforce tous les jours plus violemment, ne peut rester sans conséquences. Des sanctions devraient être appliquées à aux innombrables violations du droit international et des traités dont Israël est signataires, et ne le sont pas. Pourtant de nombreux États subissent aujourd’hui des sanctions internationales, l’Irak, l’Iran, la Russie, le Soudan (dont les dirigeants sont jugés pour crimes de guerre, comme l’ont été ceux de l’ex-Yougoslavie). Ainsi, la liste des pays subissant des sanctions financières internationales publiée en 2014 montre sans équivoque que bien des États subissent aujourd’hui des sanctions, mais pas Israël.
Ce qui est injuste aux yeux d’une opinion publique mondiale de plus en plus scandalisée, c’est le régime qu’Israël inflige en toute impunité à ses propres citoyens arabes, et à la population civile des territoires qu’il occupe, colonise, bombarde, emprisonne et tue tous les jours, et le sort des millions de réfugiés palestiniens théoriquement protégés par le droit international que cette volonté de conquête a fabriqués.
Illégal ? Israël distribue en Europe principalement, les produits illégaux de colonies illégales, dans les secteurs agricole, militaire, industriel et de la haute technologie et refuse jusqu’à présent de signaler la provenance des produits issus des colonies malgré les demandes réitérées de l’Union Européenne. Ces productions sont dénoncées y compris en Israël par les militant-e-s du BDS de l’intérieur « boycott from within » et par le site très documenté «Who profits?».
Contre cette illégalité: Zéro sanction. Pourtant, des «directives européennes», enfin gagnées par la pression des sociétés civiles, recommandent aux entreprises de ne pas travailler avec les entreprises coloniales. Roger Cuckierman cite des articles de loi qui viseraient un boycott de type raciste contre une nation ou une ethnie et pratique l’amalgame. Mais ainsi que la plupart des tribunaux l’ont reconnu, le BDS est un outil politique citoyen et pacifique qui n’entre pas dans cette définition. La circulaire Alliot-Marie qui veut pénaliser le BDS français est unique au monde, pour preuve la campagne qui se déploie en Europe, aux Etats-Unis et au Canada. La volonté est de détourner la loi de son sens dans un but politique de soutien à l’« allié israélien ».
Illégitime ? Cuckierman donne ici une vision falsifiée du statut de citoyen palestinien d’Israël, occultant sciemment les multiples lois discriminantes [note]Pour consulter la liste de ces lois: http://www.adalah.org/en/content/view/7771 votées à la Knesset qui réduisent leurs droits dans tous les domaines. Il nie la violence des discours racistes proférés contre les députés arabes «tolérés» dans ce parlement. Il feint d’oublier les expulsions des citoyens israéliens arabes du Néguev et les destructions de leurs villages, afin de les remplacer par des villes réservées aux Juifs.
Il ne s’agit à aucun moment, ni dans l’appel du BDS palestinien ni dans la campagne internationale du BDS de remplacer une injustice par une autre, un racisme par un autre, il s’agit au contraire de dire stop aux injustices: voici venu le temps des limites, et le temps de la réparation, pour qu’un avenir autre que sanglant soit possible dans cette région du monde. Ainsi, le boycott de l’Afrique du Sud a permis la fin du régime de l’apartheid et non celle de l’État.
Ce qui est illégitime, c’est la volonté aveugle de poursuivre cette politique qui tue tous les jours, et n’offre aucun horizon aux populations qui vivent sur ce territoire quelque soit leur origine.
Inefficace ? Quant à l’inefficacité de la campagne internationale du BDS, qu’il nous soit permis de sourire, puisqu’elle est le seul outil qui depuis l’offensive de 2000 a réussi à inquiéter véritablement le régime israélien d’extrême droite. La montée au créneau de ses agences et services dans le monde comme ici le CRIF, en est la preuve la plus flagrante. Nous continuerons à lutter pour le respect et la reconnaissance des droits du peuple palestinien par l’outil citoyen pacifique du BDS qui est le nôtre.