« Urgence Gaza, aide aux déplacés », le journal de la solidarité

Gaza 16mai

Notes d’Abu Amir, coordinateur des actions de l’UJFP à Gaza

Rappel du contexte et des orientations de l’action « Gaza, Urgence Déplacés ».

Les bombardements israéliens qui ont pilonné les quartiers denses de la bande de Gaza pendant onze jours, du 10 au 21 mai, ont été particulièrement destructeurs, effaçant des quartiers entiers, ciblant les immeubles de grande hauteur, faisant un maximum de destruction. Cette volonté de frapper et terroriser la population civile se lit clairement dans la proportion d’enfants parmi les tués, ainsi que dans le nombre de familles qui se retrouvent sans abri : c’est quelques 50 000 personnes qui ont dû fuir sous le feu, s’entassant pour beaucoup dans les écoles de l’UNRWA, seules structures pouvant proposer un abri minimal.

Urgence Gaza, aide aux déplacés

À ce caractère particulièrement destructeur s’ajoute une attitude des agences onusiennes contrastant avec leur intervention après la vague meurtrière de 2014 : si les écoles ont été ouvertes devant les familles fuyant hors des quartiers pilonnés, aucune aide (à l’exception de pain) ne leur a été apportée, rendant la survie des familles réfugiées dans les écoles quasiment impossible. Sans autres solutions que de retourner près de leur habitat endommagé ou détruit, sans revenus possibles à court terme, elles ont un besoin vital d’aide immédiate : pour sa part, l’UJFP a aussitôt appelé au soutien des solidaires français par un bouton HelloAsso sur son site.

La réponse des solidaires, forte et rapide, ne permet certes pas de nourrir les déplacés : « ce sont les forces d’un, ou mieux de deux pays, qu’il y faudrait ! », rapporte Abu Amir, épouvanté par le dénuement des déplacés, lui qui a pourtant vécu les trois vagues précédentes de bombardement. L’équipe gazaouie, constituée des jeunes rassemblés autour d’Abu Amir et des volontaires du centre Ibn Sina 1, a décidé l’arbitrage suivant :

– arpenter toute la bande pour privilégier les quartiers les plus dévastés, les lieux où la survie des habitants est la plus menacée, essentiellement dans le nord et l’est de la bande.

– pendant les trois jours écoulés, l’argent venant de la collecte a permis d’acheter des colis de nourriture (et lait et couches pour les petits) distribués sélectivement dans ces zones (quartiers des communes de Beit Lahia, Beit Hanoun, Jabalia, puis viendront Zeitoun et Nusseirat). La moitié du montant au 25 mai de la collecte y a été mobilisé, ce qui ne constitue qu’une goutte d’eau dans la mer des besoins.

– mobiliser leur savoir-faire : ils ont l’expérience de l’engagement, en particulier  auprès des enfants et adolescents. L’objectif des jours d’immédiat après cessez-le-feu est pour eux : amener, au moins pour quelques heures, un sourire sur le visage des enfants.

Car c’est de la reconstruction des enfants que dépend la justice et la survie de la Palestine. Et les résultats sont à la hauteur des espoirs.

Le journal d’Abu Amir

23 mai, par mail et drive :

Nous commençons la journée du 22 mai par le quartier Al-Atatara, dans l’ouest de Beit Lahia, quartier habité par des personnes très pauvres, parce qu’ici le terrain est bon marché, quartier déshérité où la majorité des habitants sont sans travail. Nous y allons en priorité parce que la plupart des maisons ont été écrasées sous les bombes, et la situation y est si tendue, les gens tellement à cran, qu’il n’a pas été facile de distribuer nos colis de nourriture de manière raisonnée – en nombre beaucoup trop faible, 25 colis, un peu de couches et beaucoup de lait. Pendant que nous cherchions en urgence 25 autres colis, le reste de l’équipe a été étroitement maintenue sous leur hospitalité par les habitants ! Mais quand l’activité récréative a commencé pour les enfants, cela a été un vrai bonheur.

Pourtant, la distribution prévue de petits cadeaux en fin de distribution (nous tendons le micro à chaque enfant avec une petite question, et nous donnons alors un petit objet) a aussi été bousculée par l’impatience des enfants.

Nous avons géré, et nous sommes décidés à soutenir ces zones, c’est là que se trouvent les besoins les plus immenses.

Note :

– La plupart des zones très sévèrement bombardées ne sont pas encore accessibles pour les institutions. C’est pourquoi il est très important pour nous d’y recueillir l’information des habitants.

– La compagnie de clowns qui travaille ici avec nous a une expérience de 16 années dans ce domaine. Leur nom est : « le théâtre palestinien », une troupe très populaire à Gaza, qui organise des activités pour les enfants et fabrique aussi ses propres jouets. Je les ai rencontrés en 2014, lorsque après les bombardements nous sommes allés ensemble dans les hôpitaux pour apporter du réconfort aux enfants blessés. Les membres de la troupe habitent les camps de réfugiés de Al-Burej et Nusseirat.

24 mai 18:30, par téléphone

Il faut bien considérer que les quartiers où nous intervenons grâce à l’opération « Gaza – urgence déplacés » sont extrêmement pauvres, des lieux où les habitants se battaient déjà jour après jour pour nourrir leur familles. Maintenant ils n’ont, au sens strict, plus rien. Si on compare à une situation moyenne à Gaza, eux sont en dessous du niveau zéro….

A Al-Atatara, nous avions donc distribué 50 colis de nourriture, les besoins étaient bien supérieurs, et cela va se passer de même pour les autres quartiers pauvres comme à Beit Hanoun.

Nous avons effectué une superbe journée enfants hier 23 mai, pour porter notre activité « un sourire sur le visage des enfants », d’abord 2 heures à Al-Burej, puis 2 heures à Nusseirat. Cela a été magnifique, avec des enfants si beaux !

Ensuite nous sommes allés dans l’est de Beit Hanoun, situation catastrophique. Là, les maisons n’ont pas été écrasées par les F16, mais rendues inutilisables (murs ouverts) par de l’artillerie au sol, installée de l’autre côté de la barrière de séparation. Nous avons visité 10 familles, dans une ambiance où l’un des habitants a dit : «  si vous allez là, ils sont tellement sans rien, ils vont vous manger ! ».

Aujourd’hui 24, nous sommes allés dans Beit Hanoun, dans une rue nommée Al-Baali. Épouvantable de survivre là, pas de morts, mais des centaines de blessés, les enfants à bout, ressemblant, vous comprendrez mon image, dans leur rage, à de petits criminels.

Là nous avons rencontré des journalistes gazaouis (certains travaillant pour des chaînes You Tube privées, l’un pour une chaîne irakienne, un autre pour une chaîne turque), tellement satisfaits de croiser notre équipe connaissant le terrain, qu’ils nous ont accompagnés toute la journée, nous suivant au camp de Jabalia, et sont demandeurs de continuer : « où se tiendra la prochaine activité ? » .

À Al-Baali donc, nous avons distribué des petits jouets aux enfants, avec le même système de leur tendre le micro avec une petite question pour les faire s’exprimer. Mais les enfants ont attaqué la personne qui portaient les jouets ! Nous avons néanmoins su mener une belle activité, mais il faut comprendre que ces gens ont besoin de tout.

Un bref bilan des distributions : nous avons acheté 100 colis de nourriture, il en reste juste 20 pour le camp de Jabalia. 100 colis de lait, il en reste 18, et 32 colis de couches. Ces distributions sont le poste le plus onéreux, nous utilisons les envois WU (3 000 euros), et j’ai même anticipé sur l’arrivée du transfert bancaire en disant au fournisseur : « dès que cela arrive, tu seras payé ». Nous ne pourrons pas aller très loin dans cette direction.

Nous voulons privilégier les activités comme « le sourire des enfants », tout en développant parallèlement d’autres secteurs d’intervention. Le premier que nous voulons organiser dans les jours qui viennent est la possibilité de consultations médicales. Après discussion avec l’équipe d’Ibn Sina, nous choisissons, si nous y arrivons, d’organiser une sorte de « clinique volante », avec la présence de médecins et de pharmaciens pour des consultations gratuites (nous demandons l’autorisation de Ministère de la Santé), dans les quartiers eux-même, en cherchant des lieux provisoires, plutôt que d’appeler à venir dans les locaux d’Ibn Sina. Sinon seul le voisinage du centre sera couvert, les plus pauvres dans les autres quartiers ne se déplaceront pas jusqu’à lui. Pour les toucher, il faut se placer directement dans ces zones de Jabalia et de Beit Hanoun.

Le deuxième secteur d’intervention que nous voulons mettre sur pied, une fois organisées les consultations médicales, est l’intervention de psychologues (c’est déjà une activité principale d’Ibn Sina avant les bombardements). Il y a dans la bande de Gaza de très nombreux jeunes diplomé(e)s et sans travail, que nous pouvons mobiliser pour des consultations / interventions dans les locaux d’Ibn Sina. Nous réfléchissons aussi aux besoins criant en lunettes et ophtalmologues.

Un dernier mot sur la situation des paysans à Khuza’a. Les déplacements des paysans sont rendus très difficiles par la quasi interdiction de la route parallèle à la barrière de séparation. Et avec 3 heures d’électricité sur 24, électricité qui de plus est très faible (du 150V au lieu du 220), le château d’eau a du mal à faire face, même en utilisant le solaire. Seule une des pompes peut fonctionner… C’est très insuffisant. Plus d’information jeudi après rencontre avec les intéressés.


Note-s
  1. Le centre pour enfants et adolescents Ibn Sina (Avicennes), que les solidaires connaissent bien pour avoir arraché sa survie en décembre dernier, est situé dans le camp de réfugiés de Jabalia.[]