Une nouvelle loi cherche à inscrire le Plan Prawer controversé dans la loi israélienne. Si la Knesset passe la loi, cela permettra à Israël d’intensifier son effort pour déposséder les Bédouins du Néguev et les déporter dans des municipalités misérables. Ce projet de loi a été totalement ignorée des médias locales et internationales.
Les Bédouins s’opposent au Plan Prawer qui a pour objet d’arracher 30 000 à 40 000 Bédouins à leur terre et de les relocaliser dans des agglomérations. Le Cabinet israélien a approuvé le Plan Prawer en septembre 2011.
Le 3 janvier, le gouvernement israélien a publié un projet de loi intitulée « Régulation de l’installation des Bédouins dans le Néguev », qui décrit les étapes nécessaires à la déportation de la majeure partie des habitants des villages non reconnus du Néguev et à la confiscation d’environ deux-tiers de la terre qui leur appartient encore.
Comme on peut le comprendre, le gouvernement israélien s’attend à ce que ce projet de loi rencontre de la résistance et il a donc inclus dans la loi des mesures violentes pour garantir sa mise en oeuvre. Cette loi suit actuellement le cours de la procédure législative de la Knesset et devrait être bientôt votée.
Nous en appelons à tous nos amis pour qu’ils nous aident à empêcher la Knesset et le gouvernement de voter cette loi désastreuse.
Voici un bref historique de cette loi, puis une court aperçu de la loi elle-même qui souligne ses aspects les plus dangereux :
(On peut trouver le projet de loi à cette adresse (seulement en Hébreu) : http://www.tazkirim.gov.il/Tazkirim_Attachments/41151_x_Atta…)
Un bref résumé de la situation actuelle
Urbanisation forcée :
Israël mène des politiques destructrices contre la minorité bédouine depuis des décennies. Les conséquences de ces politiques se concrétisent dans sept villes bédouines qui sont les municipalités les plus pauvres d’Israël et où se cumulent un délitement social, un chômage terrible et l’absence de rôle positif traditionnel ou moderne pour les femmes. Israël a créé ces villes sans aucun respect des traditions et des besoins de la communauté avec, comme seul but, celui de réduire la surface de terre dont la communauté peut disposer. Au cours du siècle dernier, Israël a réussi à « installer » la moitié de la communauté bédouine dans ces villes-campements innommables.
Politique de non-reconnaissance de leurs villages : L’autre moitié de la communauté bédouine a refusé de renoncer à ses terres traditionnelles et à sa culture et le gouvernement lui a fait payer le prix fort en refusant de lui fournir les services et infrastructures de première nécessité en vertu de sa politique de non-reconnaissance. 45 villages de 1 000 à 10 000 résidents chacun ne sont pas reconnus, ce qui oblige les habitants à vivre sans routes, sans électricité, sans eaux courante, sans égouts, avec des services de santé et d’éducation insuffisants et pire encore, sans administration à qui demander des permis de construire ce qui rend toutes les habitations « illégales » et donc condamnées à la démolition.
Occupation de la terre :
Avant 1948 les Bédouins étaient quasiment les seuls habitants du Néguev. En 1952 il ne restait que 12 000 Bédouins : on avait persuadé les autres d’une manière ou d’une autre de quitter le pays. Aujourd’hui il y a environ 200 000 Arabes-Bédouins qui constituent le tiers de la population du Néguev et qui occupent 320 000 dunams de terre sur les 13 millions de dunams du Néguev. La nouvelle loi va réduire encore plus l’espace dont ils vont disposer—à moins de 150 000 dunams.
Pour faire une comparaison : les fermiers juifs du Néguev disposent de 1 million de dunams de terres cultivables, tandis que les Bédouins ne disposent que de 195 000 dunams, et la nouvelle loi va réduire cela à pratiquement rien. Et pourtant, il y a plus de gens qui gagnent leur vie comme fermiers dans la communauté bédouine que parmi les Juifs du Néguev. Il est inutile de préciser que la nouvelle loi va augmenter la pauvreté de la communauté bédouine et la rendre plus dépendante du gouvernement qu’elle ne l’est déjà ; et cela décimera encore davantage la communauté.
La loi :
Le projet de loi commence par un appel à tous les Bédouins pour qu’ils demandent la ratification de leurs titres de propriétés sur leurs terres si leurs pères ou leurs grands-pères ont entamé une procédure pour faire valoir leurs titres de propriétés auprès du gouvernement israélien selon la procédure créée dans les années 1970. Ensuite les modes de propriété de la terre sont examinés par le gouvernement : Leurs ancêtres occupaient-ils ou cultivaient-ils la terre dans les années 1970 ? Leurs descendants l’utilisent-ils toujours aujourd’hui ? Tous les enfants et les cousins ont-ils demandé la ratification de leur titre de propriété ? Et encore d’autres conditions. Si toutes les conditions sont remplies, le gouvernement promet à la personne qu’elle recevra un terrain correspondant à la moitié au plus de celui auquel elle accepte de renoncer. Mais le gouvernement ne respectera sa promesse que si le Bédouin débarrasse lui-même la terre qu’il occupe actuellement de toutes les constructions, occupants, animaux et arbres comme l’exige le gouvernement ; de plus la terre qu’il reçoit en dédommagement sera située dans un lieu que le gouvernement lui-même choisira.
Les menaces que la loi fait peser sur la communauté bédouine :
La loi a pour but de confisquer la terre : Comme il a été montré précédemment, la loi réduit l’accès des Bédouins aux terres cultivables qui constituent une ressource capitale pour les habitants des villages bédouins qui vivent encore principalement du travail de la terre. Cela est d’autant plus choquant que les Bédouins sont reconnus par l’ONU comme un peuple autochtone et ont droit, en tant que tel, à une compensation équivalente en terre (entre autres compensations) — et est donc interdit de les dépouiller de leur terre.
Elle augmente le pouvoir des instances gouvernementales : Les articles #71- #73 autorisent l’Autorité pour le Replacement de Bédouins (après une requête formelle au Premier Ministre) à ordonner l’évacuation immédiate d’un lieu, la démolition des constructions et l’évacuation de tous ses occupants sans commission rogatoire comme cela est nécessaire aujourd’hui. De plus la loi stipule que le tribunal a très peu de pouvoir pour empêcher la mise en oeuvre d’une telle opération. Tous les villages bédouins doivent subir le même sort.
Elle engendre d’inutiles querelles familiales : Les articles #42-#43 stipulent que le pourcentage de terre qu’une personne recevra, dépendra du pourcentage du titre de propriété initial qui a été ratifié. Ce qui veut dire en clair que si tous les cousins (le grand-père étant à l’origine de la demande de ratification) entrent dans la procédure, alors (si tous les autres critères sont remplis) ils recevront tous une compensation en terre (que les Bédouins préfèrent de loin à la compensation financière) qui ira jusqu’à 50% de la surface de la terre dont ils revendiquent la propriété. Par contre, si un cousin refuse de se joindre au processus, les autres recevront moins de terre en compensation. Cette mesure a pour but de forcer les descendants de ceux qui ont entamé une procédure pour faire valoir leurs droits sur la terre à entrer dans le processus et à renoncer à leurs droits sur la terre. Les conflits que cela engendrera au coeur de la plupart des familles bédouines du Néguev, détruiront encore davantage le tissus social déjà bien détérioré par l’urbanisation forcée et la dislocation. Il est incroyable qu’un gouvernement puisse voter une loi si dommageable à la vie familiale dans le seul but de forcer les gens à renoncer à un peu plus de leurs droits historiques sur la terre.
Elle diminue la protection judiciaire des Bédouins : La loi prescrit qu’en cas de conflit avec d’autres lois, cette loi prévaut sur les autres lois israéliennes existantes, réduisant de la sortes la possibilité qu’ont les membres de la communauté bédouine d’obtenir justice auprès des tribunaux.
Une autre mesure clairement raciste de la loi est que les Bédouins ne peuvent pas recevoir en compensation des terres qui se situeraient à l’ouest de la route #40 mais bien plutôt dans un périmètre établi par la loi à l’exemple des réserves ou « Bantoustans ».
Aucune souci de planification de l’habitat : Qui plus est, la loi n’inclut aucune discussion ou procédure concernant la reconnaissance des villages, ni de procédure pour implanter des villages, ni la possibilité pour les gens de la communauté de choisir le lieu de leur résidence et la nature de leur communauté. Aussi quand l’évacuation décrite dans les articles 71-73 sera effectuée, le gouvernement décidera seul de l’endroit où seront transférés les dizaines de milliers de personnes.
Une concertation qui n’en est pas une : Le gouvernement a nommé le ministre Beni Begin pour s’occuper des réclamations des Bédouins et pour aménager la loi en fonction des besoins et des souhaits de la communauté bédouine. Cependant, nous avons entendu ce que le ministre Begin a dit et malheureusement nous avons constaté qu’il n’a pas de qualification, ni de désir d’écouter les membres de la communauté bédouine. Au contraire, à notre sens, il met son éloquence au service du gouvernement en s’efforçant de convaincre les membres de notre communauté d’accepter cette loi destructrice.
La mise en oeuvre de cette loi engendrera de grandes souffrances : Nous pensons que cette loi ne doit pas être appliquée car son but — réduire encore la possibilité de garder ce qui nous reste de nos terres ancestrales— est une abomination pour les membres de la communauté bédouine. Mais si la loi passe et si elle est mise en oeuvre, la communauté bédouine endurera de grandes souffrances : les bulldozers raseront les villages, la terre sera confisquée par la force, beaucoup de gens seront emprisonnés à cause de leur refus de renoncer à leur terre, et si la loi atteint son but, ce sera l’urbanisation totale, la perte de la terre comme source de revenu pour le peuple bédouin et la destruction de leur culture.
Des milliers de Bédouins ont manifesté à Beer Sheva et à Jérusalem pour protester contre ce projet de loi. Les médias israéliens, qui collaborent avec le gouvernement, ont complètement ignoré ces manifestations.
Dr. Yeela Raanan
(Alternative News)
Traduction : Dominique Muselet