Une loi en Israel pour interdire la commemoration de la Nakba – deux textes: un de l’association arabe pour les droits humains et un de Zohrot

Poursuivant sa politique d’épuration ethnique, l’Etat d’Israël examine un projet de loi visant à interdire toute commémoration du jour de la Naqba.
Nous vous communiquons ci-dessous les textes de 2 associations réagissant à cette situation et réaffirmons notre double volonté de soutenir le droit au retour des Palestiniens expulsés lors de la création de l’Etat d’Israël et d’appeler au BDS (Boycott Désinvestissement et Sanctions) face à la politique d’apartheid et d’épuration ethnique d’Israël.
Les 2 associations sont l’Association Arabe pour les Droits Humains et Zochrot.

*Le gouvernement soutient le projet de loi visant à interdire la commémoration de la Nakba.* HRA

L’association arabe pour les droits humains se présentera au Conseil d’association UE-Israël qui doit se réunir le 15 juin 2009, afin de demander l’inscription de cette question à l’ordre du jour, étant donné que l’adoption de la loi est une violation flagrante des termes de l’accord d’association entre les deux parties –
– Mohammad Zeidan (directeur de l’association arabe pour les droits humains, le 27 mai2009).
Au début de cette semaine, le comité ministériel législatif a ratifié à la majorité absolue un projet de loi soumis par huit membres du parti d’extrême droite Israël Beteinou, visant à amender la Loi du jour de l’indépendance de manière à ce que quiconque commémorerait la Nakba serait passible de trois ans d’emprisonnement !!?

L’argumentaire était le suivant : « il est proposé que la loi interdise toute action qui revient à faire du jour de l’indépendance ou de l’établissement de l’Etat un jour de deuil et que soient sévèrement pénalisés ceux qui exploitent le caractère démocratique et éclairé de l’Etat d’Israël pour le déstabiliser de l’intérieur ».
L’association arabe pour les droits humains, en même temps qu’elle rejette sans équivoque ces lois, considère le soutien du comité ministériel (gouvernemental) à cet amendement comme un l’adoption de fait du programme des partis fascistes de droite de ce gouvernement. Ces partis adoptent des programmes racistes qui appellent à la restriction des droits fondamentaux de la personne et du citoyen et aux libertés fondamentales de la minorité palestinienne de ce pays, sous prétexte de déloyauté envers l’Etat.
HRA voit cette décision comme l’adoption officielle par le gouvernement des programmes des partis racistes. En effet, un bon nombre de propositions de lois du même genre ont été faites au cours des derniers mois, toujours avec le soutien de la majorité des membres du gouvernement actuel et de la Knesset. Il y a là une menace réelle contre les droits fondamentaux et les libertés, en particulier le droit élémentaire de s’exprimer librement, de s’associer et de manifester qui sera directement et substantiellement affecté si ces lois passent.
A ce sujet, Mohammad Zeidan, directeur de HRA a déclaré: « l’augmentation du racisme dans la partie juive et les appels croissants, dans les dernières années, au rejet de la présence palestinienne dans le pays tant au plan officiel que vécu, expliquent la présence de programmes racistes aux niveaux légal et législatif, lesquels sont un défi fondamental qui exige une réponse ferme de la communauté internationale et, pour le moins, l’adoption d’un rejet sans équivoque ».
Zeidan a ajouté: « Continuer à tenir des réunions dans les capitales du monde avec Lieberman (le ministre des affaires étrangères) est absurde alors que lui et son parti sont les leaders et le symbole de cette approche et de l’idéologie fasciste et raciste qui produit, propose e adopte une législation raciste contraire aux droits humains et aux principes du droit international
Il est inconcevable que l’Union européenne continue à avoir des liens aussi forts avec Israël et s’emploie à les rehausser et à les développer en dépit de ces revers et des violations des droits humains élémentaires.
Zeidan a affirmé que ‘L’association arabe pour les droits humains se présentera au Conseil d’association UE-Israël qui doit se réunir le 15 juin 2009, afin de demander l’inscription de cette question à l’ordre du jour, étant donné que l’adoption de la loi est une violation flagrante des termes de l’accord d’association entre les deux parties et des conventions universelles sur les droits humains et, avant tout, de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et de la Convention Internationale sur les droits civils et politiques. »
 » Zeidan a egalement declare: « L’association arabe pour les droits humains appelle à poursuivre la commémoration de la Nakba, afin que l’action populaire soit une réponse aux lois racistes, parce que l’histoire et la mémoire humaine, individuelle comme collective, ne se soumettent pas aux lois ni aux politiques conçues dans un état d’esprit raciste ou dans une atmosphère fasciste hostile. »

L’association arabe pour les droits humains
Nazareth – – 25 mai 2009

Une réponse à la proposition d’interdiction de la commémoration de la naqba le Jour de l’indépendance -Eitan Bronstein – Zochrot-

La proposition d’une loi interdisant la commémoration de la Naqba le jour de l’indépendance d’Israël montre la nervosité grandissante en Israël devant l’inévitable confrontation avec la Naqba palestinienne et la compréhension de la part que la Naqba tient dans l’identité israélienne. Il y a peu encore, on ne craignait pas la mention la Naqba. Pas besoin de combattre ce démon réprimé, qui pouvait faire une apparition soudaine et rompre le calme apparent de l’harmonieuse démocratie juive. Mais la Naqba n’est pas un démon, ni le fruit d’une imagination malade, et l’on ne peut alors sous-estimer le défi que doit affronter la société israélienne : reconnaître le rôle d’Israël dans l’expulsion en 1948 de la majorité des habitants palestiniens du pays, la destruction de la plupart des localités palestiniennes (plus de 500), la destruction de la civilisation palestinienne dans les villes, et les dizaines de massacres, viols, incidents violents, et expropriation. Se regarder dans un miroir aussi sombre apporte courage et maturité, comme le prouvent les travaux de chercheurs comme Morris, Gelber, Milstein, Khalidi, Pappe, et autres, tout autant que les journaux de Netiva Ben Yehuda et Yosef Nahmani.
On ne s’étonnera pas que la  » réponse sioniste adéquate », soit d’inscrire cette oblitération d’une horreur humaine par une loi, soit l’œuvre des milieux d’extrême droite. Ils ont toujours eu la franchise de leur racisme contre les arabes d’Israël, si on les compare avec la gauche qui marchande devant le monde et devant nous son honnête (et illusoire ) désir de paix.
Voici quatre vingt ans, Jabotinsky, le leader historique de la droite, sans doute le penseur sioniste le plus réaliste, disait clairement qu’un état juif demanderait que ses citoyens soient à jamais des soldats protégés par un « Mur d’acier ». Jabotinsky comprenait qu’une existence juive dépendait de l’usage d’un force violente, être tué ou tuer dans une région où les Arabes prédominaient et ne voudraient pas les accepter. Il y a
un an, Tzipi Livni, sa disciple, a suggéré, dans le cadre d’un accord de paix général, que les Palestiniens bannissent le mot Naqba de leur vocabulaire.
Le philosophe grec Thrasymaque nous a enseigné que « la loi est ce qui est bon pour le plus fort », mais aucune loi, pas même celle de la démocratique Knesset juive, ne peut gommer les horreurs de l’histoire. Les traces de ces horreurs sont toujours visibles, dans les mémoires collectives et individuelles, et dans l’oubli. En Israël, les « sabras », ces buissons épineux de cactus, sont devenus les monuments vivaces et torturés de la Naqba palestinienne. Les Palestiniens avaient fait venir du Mexique cette plante obstinée pour borner et défendre leurs terres. Le sabra n’a pas fait que persévérer dans le paysage bien après qu’Israël ait chassé ceux qui l’avaient plantée, il est devenu sauvage en dépit de tous les efforts pour l’éradiquer. Peut-être, en réponse, le gouvernement israélien pourrait-il rendre illégale la consommation de ses fruits.
Pendant ce temps le souvenir de la Naqba grandit et a s’enracine dans les fissures du Mur d’acier. Les réfugiés palestiniens – la majorité des Palestiniens sont de fait des réfugiés – portent le deuil depuis le premier jour de la Naqba, et demandent justice. Après les accords d’Oslo, quand ils ont réalisés que leurs demandes seraient renvoyées aux calendes grecques, ils sont entrés en lutte contre l’indifférence du monde envers leur tragédie; Quoi qu’il en soit, la proposition d’une loi d’oubli de la Naqba est de fait une réponse aux changements culturels et politiques à l’intérieur de la société israélienne juive pour tenir compte de ce désastre. Ce qui menace vraiment le Mur d’acier colonialiste est qu’une majorité de ses soldats refuse d’obéir au commandement de ne pas se souvenir. Ces dernières années, des milliers de juifs en Israël ( et dans le monde), ont participé à la commémoration de la Naqba au moment de la commémoration de l’indépendance d’Israël. Ces dernières années, des centaines d’Israéliens se sont adressés à Zochrot – une organisation qui travaille à inscrire la mémoire de la Naqba dans la conscience des Juifs israéliens – pour s’informer. Des journalistes, des écrivains, des architectes, ainsi que des gens venus du cinéma, de la télévision et du théâtre qui ont été nourris des bonnes vieilles histoires d’Israël veulent découvrir leur passé refoulé. Des enseignants ont acquis le matériel éducatif sur la Naqba que propose Zochrot. Des anciens soldats du Palmach se sont adressés à Zochrot pour raconter, avant que leur vie ne finisse, ce qu’ils ont fait et vu en 1948.
Qui sait, peut-être que le jour n’est pas loin où le choix central du débat politique sera Israël tel qu’il est aujourd’hui, contre la reconnaissance de la Naqba et le droit au retour des réfugiés palestiniens. Quand nous en serons là, les citoyens d’Israël pourront choisir entre deux perspectives claires : la séparation et la violence perpétuelle, ou la vie en égalité avec les autres habitants du pays et les réfugiés. Pour faire advenir ce jour, nous devrions créer un nouveau mot en hébreux : » dé-colonisation ».

Eitan Bronstein
Zochrot
Translation: Yuval Orr (and Talia Fried) et en français ujfp (JJ)
Tel Aviv, May 2009