Triste dégénérescence du centre Simon Wiesenthal

Dans ses débuts, après la Seconde Guerre mondiale, Simon Wiesenthal (1908-2005) participa à la traque des criminels nazis. Même si son rôle fut parfois surestimé et sa biographie assez romancée, cette traque fut d’autant plus utile que la dénazification tardait en Allemagne et que le génocide des Juifs était encore largement passé sous silence. En 1947, il fut l’un des fondateurs d’un centre de documentation à Linz qui collecta plus de 3 000 témoignages de déportés.

S’il ne joua aucun rôle – quoiqu’il ait dit – dans la localisation d’Adolf Eichmann à Buenos Aires, il travailla activement à la préparation du jugement de Franz Stangl et contribua, dans les années 1970 et 1980, à la dénonciation du passé nazi de plusieurs personnalités du gouvernement autrichien.

Le Centre Simon Wiesenthal, fondé en 1977, poursuivit ce travail, mais, dans les années 2000, se reconvertit, faute de nazis à poursuivre, dans une lutte contre l’antisémitisme, rapidement confondue avec la lutte contre l’antisionisme et la chasse à… ceux qui soutiennent la résistance du peuple palestinien.

Ainsi, en 2007, la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris a-t-elle condamné, le directeur des relations internationales du centre Simon Wiesenthal pour diffamation envers le Comité de bienfaisance et de secours aux Palestiniens. Ce directeur avait qualifié le Comité d’« association française qui finance le terrorisme ».

 Solidarité avec Annie Ernaux

Le climax de cette dégénérescence est aujourd’hui atteint, avec une lettre pathétique du 9 octobre 2022, adressée par le Centre Simon Wisenthal, au jury du Prix Nobel, pour avoir couronné l’œuvre admirable d’Annie Ernaux, au motif qu’elle aurait qualifié Israël d’État d’apartheid et soutenu la campagne BDS.

Le grotesque est atteint quand le Centre écrit qu’ « un prix littéraire de près d’un million de dollars pourrait finir par contribuer aux activités violentes d’organisations propalestiniennes qui figurent sur la liste des mouvements terroristes ».

Oui, l’œuvre intime et engagée d’Annie Ernaux est magnifique. Oui, l’accusation d’antisémitisme à son égard est parfaitement loufoque. Non, la culture, la littérature, la chanson, la musique, le cinéma ne se plieront pas aux oukases israéliens et ne serviront pas l’apologie des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité.

Dominique Natanson, porte-parole de l’UJFP