Les prisonniers
Les actes de solidarité sont nombreux à Gaza en ce qui concerne les prisonniers incarcérés en Israël, une veille permanente est assurée à la Croix Rouge et nous avons participé aux rassemblements tous les lundis matins.
100 prisonniers en détention administrative sont actuellement en grève de la faim depuis trois semaines car le mode d’emprisonnement est arbitraire, sans chef d’inculpation, sans limite dans le temps ce qui les empêche d’avoir une aide juridique et des visites.
L’UAWC (les paysans) et les pêcheurs ont organisé une marche à laquelle nous avons participé.
A cela se rajoute plus de 5000 prisonniers dont deux sont en grève de la faim depuis très, trop longtemps…
Nous avons également participé à un rassemblement organisé par le Djihad islamique en soutien aux prisonniers et eux sont prêts à engager une lutte armée et à capturer des personnes des forces israéliennes pour pouvoir ensuite faire un échange de prisonniers…
Une semaine de campagne internationale à l’appel des femmes palestiniennes prisonnières aura lieu du 7 au 13 Juin 2014 Justice Dignité et Liberté. Article et témoignages suivront.
Les points de passage entre Gaza et le reste du monde
Tout se dit et se contredit au sujet de l’ouverture de Raffah pour le passage : entrées et sorties des palestiniens et des internationaux. Le passage des pèlerins pour la Mecque se traite à part car il ne concerne qu’eux.
Il est dit que l’Egypte permet(trait) deux ou trois jours d’ouverture tous les 15 jours ou trois semaines et à ce jour la frontière n’est toujours pas ouverte depuis 19 jours et pour certains les élections prochaines en Egypte vont assouplir l’ouverture avant plus de fermeture et pour d’autres, l’argument est inversé…
En fait à Gaza on apprend à ne pas savoir, à attendre, à rêver, à savoir que toute situation contient concrètement en elle-même son contraire ou son négatif et que personne ne sait vraiment…
En tout cas sur une ouverture il y a 10 000 inscrits avec 700 passages par jour dont nécessairement 200 malades, 300 qui résident à l’étranger, il reste 200 passages libres ou aléatoires cela dépend comment on regarde les choses !
A Erez ne passent que les ONG et les malades qui doivent suivre un traitement ou une opération qui ne peut se faire à Gaza et les conditions d’accompagnement par la famille sont draconiennes (âge, sexe, membre du Hamas…)
En ce qui concerne les importations de produits pour la vie quotidienne il y avait avant 6 points de passage sur Erez et Raffah, ouverts du dimanche au jeudi, fermés pour les fêtes juives ou après des attentats, il n’en reste plus que 2 : 1 300 camions passaient, 230 passent maintenant.
De nombreuses personnes ont quitté leur domicile de fortune pour se construire un logement au moment où l’Egypte a ouvert le passage de Raffah ; depuis la fermeture, ils n’ont plus ni l’ancien ni le nouveau logement qu’ils n’ont pas eu le temps de finir puisque le matériel de construction n’a plus le droit de passer : ils attendent…un parpaing une planche une tôle du ciment…
Le 8 mai l’essence est arrivée après trois jours de fermeture nous avons vu des rues entières de file d’attente aux pompes, une journée entière ?
Du coup les taxis s’arrêtent à tout coin de rue pour se remplir à bloc et refusent les courses sans être pleins ou on paie très cher, combien de trajets pour aller aux champs nous avons faits à 9 dans la voiture !
Après l’école l’ Université
Trois Universités à Gaza et Khan Younis et depuis 2011 leur administration est mixte Fatah/ Hamas :
- Islamique sous l’autorité du Hamas
- Al Azar qui dépend de l’Autorité Palestinienne
- Al Aqsa où se trouve le département de français (seul département mixte d’une université) en lien avec le consulat français et l’institut français où nous sommes allées rencontrer les étudiants et leur directeur. 15 étudiants en majorité des filles (dont il est dit que c’est pas grave du coup si elles ne trouvent pas de travail..) en français/ langues étrangères pour une licence en 4 ans.
Mais depuis 2006 et l’élection du Hamas le consulat ne reconnaissant pas le gouvernement ne soutient plus les projets et ne vient plus dans les occasions officielles ce qui amène le Hamas à dire « vous voyez… » et par exemple, comme la Turquie est très présente l’enseignement du turc à l’école a pris la place et du coup il y a un net recul de l’enseignement du français, des débouchés pour les étudiants diplômés qui se trouvent en situation de compléter leur enseignement avec d’autres matières ou de travailler dans le privé qui paie peu et mal, de faire des traductions ou de rêver de venir en France avec d’hypothétiques dossiers de bourse remplis mais pas donnés…car les étudiants surtout les hommes risquent de ne pas revenir….
Depuis trois ans les écoles publiques ne participent plus à la fête de la francophonie : il y avait 320 francophones entre 1980 et 2000 ; il y en a une cinquantaine aujourd’hui (34 profs de français dans le public à Gaza) et il y a deux ans que le ministère a arrêté le recrutement des profs de français.
Notre échange avec les étudiants a tourné essentiellement autour de « comment ça se passe pour sortir ou rentrer à Gaza… » « comment est la vie en France avec des questions autour de la religion, du mariage, de la liberté de vie ?.. » et de la solution politique pour sortir du conflit avec un espoir teinté de scepticisme et d’attente dans le nouvel accord Fatah/ Hamas.
A Gaza tout est en chantier, Gaza est un chantier permanent à tous les sens de ce mot concret idéologique projectif mais Gaza est aussi et cela va avec un gigantesque laboratoire.
La Santé
Les médicaments ou le matériel médical ne passant pas régulièrement et de façon continue les appareils parfois ne marchent plus car il manque une pièce, un traitement est commencé puis arrêté car il n’y a plus d’approvisionnement : c’était des dons et le traitement est suspendu à l’arrêt du don ou à l’épuisement des stocks. 7 appareils de mammographie pour presque deux millions de personnes…je n’ai pas eu le courage de faire le comparatif avec l’Europe.
Les femmes accouchent à l’hôpital mais sortent au bout de quelques heures et combien d’enfants ont manqué d’oxygène à la naissance ce qui provoquent des encéphalopathies irréversibles et les enfants sont cachés dans les familles et les maisons ensuite car c’est « un déshonneur ».
Augmentation des cancers du diabète – l’eau la pollution la nourriture ce que les israéliens balancent dans l’air le stress….
Sans compter les blessés par bombes à fragmentation ou phosphore…Une femme (sage femme de formation) de Gaza me racontait qu’au moment de la guerre de 2009, elle s’était précipitée à l’hôpital Schiffa pour aider et qu’une jeune étudiante est arrivée choquée car dans la rue au moment des bombardements, elle lui a pris les constantes (tension, température, pulsations) ça allait et au bout d’une demi-heure, ses ongles sont devenus violets, sa tension est tombée, elle avait un trou dans la cuisse avec un éclat de bombe qui diffusait…la jeune fille fut envoyée d’urgence au bloc mais elle n’a jamais su si elle en était sortie vivante…
C’est une histoire parmi dans d’autres dans cette diffusion de la technologie de la mort.
Le temps, Les conditions, la vie
A Gaza, le temps est très agréable ; en mars, avril, mai, il ne fait pas encore trop chaud ou humide et le soleil est toujours là avalé par la mer tous les soirs. Une brise marine bien agréable rafraichit les journées quand on se rapproche8 de la mer.
La ville est sale très sale chaque jour quand je vois les déchets plastique ou autres jetés par terre j’ai du mal et je ramasse et garde les gobelets en plastique du café offert dans les champs parfois de longues heures dans la main avant de trouver une poubelle !
Certains jours les eaux sales des égouts dévalent les marches des escaliers qui mènent à la mer et l’odeur nous rappellent l’origine de ces eaux. Beaucoup de chats dans les rues se nourrissent des sacs plastiques bourrés déposés sur le sol mais ils ne sont pas les seuls habitants du règne animal de la ville.
C’est sans doute une difficulté à plusieurs entrées et explications que le traitement des ordures et des eaux usées dans la bande de Gaza mais je n’arrive pas à taire la nécessité pour l’homme de prendre soin de son environnement.
La sécurité ne nous accompagne plus maintenant dans la mesure où nous communiquons notre programme d’activités et de rencontres à l’avance.
Cette semaine nous avons participé à de nombreuses commémorations autour de la Nakba dans différents quartiers et villes de la bande de Gaza avec les comités populaires et le PFLP. Aujourd’hui tout particulièrement à Beit Lahiya où dans les discours officiels le représentant du Hamas et du Fatah se sont serrés la main et hier à quelques centaine de mètres du point de passage d’Erez.
Pour des internationaux vivre à Gaza, c’est une vie de militant à temps plein mais nous ne devons jamais oublier que notre présence représente un enjeu relationnel social économique très important et que les effets pervers de ce déséquilibre des places et positions de chacun ne sont parfois pas très loin. Ce matin un franco-palestinien (20 ans en France revenu depuis 2005 à gaza) me disait « à Gaza toute l’économie, la vie est en panne, c’est comme cultiver dans la mer ».
Nous avons inauguré une exposition de photos de personnes âgées où toute la vie était dans un visage, un regard et je crois que jamais je, nous avons été autant pris en photo à tout moment à tout coin de rue lors de tous nos déplacements. La lune était pleine dans le ciel de Gaza la nuit dernière et le jour c’était les ballons blancs d’observation israélienne qui crevaient le ciel bleu.