Union juive française pour la paix

Témoignage d’Abu Amir, le 24 octobre 2025 – Gaza telle que je la vois

Gaza apres le cessez le feu image1170x530cropped 1731624815 Témoignage d'Abu Amir, le 24 octobre 2025 - Gaza telle que je la vois

À Gaza, la tristesse se lève avant le soleil. Les yeux s’ouvrent sur des sons qui ne ressemblent pas à la vie. Le jour commence par une prière douloureuse et se termine dans l’attente d’un miracle qui ne vient pas. Les maisons gardent le nom de leurs propriétaires, même lorsqu’elles deviennent des décombres. Les murs seuls connaissent l’histoire et témoignent de ce qui n’a jamais été raconté.

Un enfant cherche son jouet parmi les ruines, il trouve un morceau brisé et sourit malgré le désastre, comme s’il s’excusait auprès de la joie. Et une mère serre ses enfants contre son cœur inquiet, leur raconte une histoire de paix, mais la voix des avions l’interrompt, et la sécurité s’échappe de son récit.

La nuit à Gaza est très longue. Les mères y comptent les explosions du ciel, craignant qu’une voix d’enfant ne disparaisse dans le vacarme de la mort. Un vieil homme serre contre lui les photos de ses fils, en essuie la poussière comme s’il touchait leurs âmes, et dit à la terre : « rends-les-moi ». La terre répond par le silence.

Sur la plage, un pêcheur épuisé s’assied. Le poisson n’atteint plus ses filets, et le blocus étouffe la mer comme il étouffe ses petits rêves. Une fillette dessine un cœur sur le sable pour offrir au monde un peu d’amour, mais la vague efface son dessin, comme la guerre efface son enfance.

À l’hôpital, les histoires sont nombreuses : une douleur que les médicaments ne suffisent pas à contenir, des lits qui attendent un destin inconnu, et des visages épuisés par les larmes. Les infirmiers sont des héros silencieux ; ils portent la souffrance sur leurs épaules, plantent l’espoir dans chaque pansement et sourient malgré le sang.

Un jeune homme porte son sac d’école vers une école sans fenêtres, des classes sans rires, et un drapeau qui ne se courbe pas, quoi qu’il arrive. Les livres ont les pages déchirées, mais le savoir ne peut être bombardé, et l’espoir ne s’effondre pas avec les murs, il renaît des cendres.

À Gaza, les enfants grandissent trop vite ; la guerre leur vole leurs années et leur enseigne la peur trop tôt, et pourtant… ils rêvent. Une jeune fille regarde le ciel avec prudence, craignant qu’il ne lui tombe dessus, et demande : « Le ciel a-t-il un cœur ? Ou n’est-ce qu’une pierre au-dessus de nos têtes ? »

Un homme a perdu sa maison deux fois, et pourtant il continue à planter des roses. Il dit : « La vie a des droits sur nous, même si elle nous oublie parfois ». Une grand-mère raconte l’histoire du pays, porte les clés des anciennes maisons et dit : « Nous nous retrouverons là-bas, quand la patrie sera libre ».

Les rues connaissent leurs pas, elles savent qui est parti, se souviennent de ceux qui ne sont pas revenus et gardent tous les noms dans le silence. Une ambulance se précipite à chaque instant, l’air y est lourd, comme les cœurs qu’elle transporte : il n’y a pas de temps pour pleurer.

Une mosquée a perdu son minaret, mais l’appel à la prière ne s’arrête pas ; la voix monte vers le ciel et porte l’espérance avec elle. Au marché, les boutiques sont fermées, les portes pleurent l’absence des visiteurs ; le pain rêve d’être mangé et les enfants rêvent de pain.

Un père vérifie chaque soir le nombre de ses enfants, craignant qu’il n’en manque un brusquement. Il embrasse leurs fronts avant de dormir comme une possible dernière étreinte. À Gaza, les murs entendent plus que les humains, pleurent lorsqu’on ne les voit pas, et se penchent sur les âmes errantes comme une mère qui cherche son enfant.

L’électricité est un invité de passage, elle arrive sans prévenir et repart sans dire au revoir, laissant l’obscurité nous consoler. Chaque instant ici porte une nouvelle question, et chaque cœur porte mille peurs, mais les âmes restent debout et refusent de se briser.

Un journaliste tient sa caméra comme un bouclier, il documente la vérité à travers ses larmes, craignant de devenir lui-même la nouvelle, mais il ne recule pas. Un petit garçon donne un coup de pied dans une pierre comme si c’était un ballon, il dessine son rire à partir de rien, et rend la rue plus vivante.

Sur les toits, les vêtements qui sèchent flottent comme des drapeaux de patience, racontant l’histoire d’une famille qui résiste encore malgré toutes les tempêtes. Un garçon fixe la mer avec un grand rêve : voyager loin, mais il sait que les frontières sont sa prison, alors il se contente d’imaginer la liberté.

Les cimetières à Gaza sont jeunes, remplis des noms des enfants. La terre pleure pour eux chaque nuit et les serre dans ses bras comme le ferait une patrie-mère. Les oiseaux ne migrent pas, ils savent que Gaza est leur maison, ils chantent malgré le feu et rêvent d’épis de blé.

Gaza est une ville qui ne meurt pas ; elle saigne et se relève, elle pleure et sourit dans le même instant, et dit : « Je resterai ». À Gaza, les martyrs naissent héros, ils s’en vont sans bruit, laissant derrière eux une lumière et des souvenirs qui ne brûlent pas.

L’espoir ici est un enfant têtu, il refuse de disparaître, lutte contre tout et revient plus fort à chaque fois. Gaza ne demande pas grand-chose : un peu de paix, un peu d’enfance, et un cœur qui la comprenne.

(Voir aussi les chroniques et articles postés par Brigitte Challande du Collectif Gaza Urgence déplacé.e.s quotidiennes sur le site d’ISM France et du Poing, article hebdomadaire sur le site d’Altermidi, et sur l’Instagram du comité Palestine des étudiants de Montpellier..)

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