À Gaza, les enfants ne naissent pas pour grandir, mais pour lutter afin de survivre. Les femmes ne s’endorment qu’en gardant un œil sur le plafond qui peut s’effondrer à tout moment. Les hommes ne rentrent pas chez eux rassurés, car la mort, dans la bande de Gaza, ne demande pas la permission : elle ne distingue ni jeune ni vieux, ni ceux qui portent les armes, ni ceux qui ne lèvent que les mains vers le ciel.
Gaza n’est pas un simple point sur une carte que l’on bombarde et envahit. C’est un lieu habité par des âmes qui s’accrochent à la vie envers et contre tout. Un espace qui rêve, depuis plus de 75 ans, d’une vie simple, juste… simple.
Depuis la Nakba de 1948, les Palestiniens n’ont jamais demandé l’impossible. Ils n’ont pas exigé toute la terre, ni revendiqué toutes les armes, ni rêvé d’un empire. Tout ce qu’ils ont voulu – et veulent encore – c’est qu’on leur laisse ce qui reste de leur patrie. Qu’on leur rende la souveraineté sur leur quotidien, leur pain, et les rêves de leurs enfants.
Mais au lieu d’écouter leurs voix, les décisions sont prises au-dessus de leurs têtes. Leurs cartes sont redessinées sur des tables étrangères, et leurs terres morcelées par des ordres où ils n’ont pas leur mot à dire.
Ce que veulent les habitants de Gaza aujourd’hui, ce n’est ni un luxe, ni un privilège. C’est ce que tout être humain désire : vivre sans être enterré vivant. Que le ciel ne pleuve pas de bombes, que les maisons ne deviennent pas des tombes collectives, qu’ils ne soient pas encerclés par les avions au-dessus, les chars en dessous, et la faim entre les deux.
Ils veulent voir leurs enfants aller à l’école, non être portés sur les épaules. Que le père se préoccupe de réparer la porte de sa maison, et non de creuser la tombe de son fils. Que l’olivier fleurisse au lieu de disparaître sous les chenilles des bulldozers.
Gaza ne veut ni accords politiques conclus dans des hôtels de luxe, ni conférences urgentes qui se terminent par des communiqués fades. Gaza veut que les décisions du monde soient prises avec elle, qu’elle soit entendue, et non confisquée, qu’elle soit vue, et non réduite à un chiffre ou une brève au journal télévisé.
Ses habitants ne veulent pas d’ordres d’évacuation, mais des garanties pour rester. Ils ne veulent pas d’une trêve pour réparer des tentes provisoires, mais une véritable fin de l’agression pour pouvoir revenir chez eux – ou du moins reconstruire une vie sur leur terre encerclée par la mort.
Ils ne veulent pas d’une relocalisation dans le désert, mais veulent rester dans les quartiers où ils ont grandi, même s’ils sont en ruines. Ils ne veulent pas d’une nationalité de rechange, ni d’un nouveau drapeau, mais leur drapeau à eux, leur identité, leur dialecte, les chansons de leurs mariages, et les broderies traditionnelles héritées de leurs grands-mères déplacées.
À Gaza, il est impossible de trouver une personne qui ne rêve pas. Entre les pierres éparpillées dans les rues, il y a le rêve que l’électricité revienne. Dans les files d’attente des femmes devant les centres de distribution, un rêve d’un repas chaud. Dans la voix éraillée du muezzin, un rêve que la mosquée tienne encore debout. Dans les yeux des pêcheurs sur la plage, un rêve d’un bateau qui ne se fera pas tirer dessus. Et même dans le silence d’un enfant qui a perdu toute sa famille, il y a un rêve qu’un jour, quelqu’un l’appellera de nouveau par son nom.
Mais au lieu que ces rêves se réalisent, on impose aux habitants de Gaza la mort… sous une nouvelle forme à chaque fois : une fois par une bombe, une fois par une politique, une fois par un déplacement forcé, une autre par un plan international visant à les « réintégrer » dans des pays qui ne sont pas les leurs. Comme si leur présence sur leur terre était un crime. Comme si défendre leur maison était un acte de terrorisme. Comme si revendiquer leurs droits était un refus de vivre, alors que c’est justement une demande de vie.
Les habitants de Gaza ne veulent pas être une simple affaire discutée par des porte-paroles, ni un « sujet » dans le journal de 20 heures. Ils veulent simplement être vivants. C’est tout. Respirer, aimer, rire, gagner leur vie, se marier, avoir des enfants, construire une maison, planter un arbre, rentrer chez eux sans sang sur leurs vêtements.
À Gaza, ce qu’on leur impose, c’est la mort. Ce qu’ils veulent, c’est la vie. Ce qu’on leur propose, c’est l’exil. Ce qu’ils demandent, c’est le droit de rester. Ce que l’on dit au monde, c’est que la bande de Gaza doit être vidée. Alors que la vérité est que chaque pierre y raconte une histoire, chaque mur détruit porte une mémoire, et chaque palmier témoigne de ceux qui ont résisté… non seulement par les armes, mais aussi par l’amour, l’espoir et l’appartenance.
Alors à ceux qui décident du sort de Gaza derrière des portes closes : écoutez ce que veulent vraiment ses habitants. Ne pariez pas sur leur silence, ni sur leur fatigue, ni sur leur exode. Gaza, malgré toute cette destruction, continue de dire au monde : nous ne sommes pas que des victimes… nous sommes les détenteurs d’un droit, et nous voulons vivre.
(Voir aussi les chroniques et articles postés par Brigitte Challande du Collectif Gaza Urgence déplacé.e.s quotidiennes sur le site d’ISM France et du Poing, article hebdomadaire sur le site d’Altermidi, et sur l’Instagram du comité Palestine des étudiants de Montpellier..)
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