Un atelier pour renforcer la santé mentale des femmes déplacées, soutien psychologique pour les femmes du camp Al-Asdiqaa
Depuis le début de la guerre et la transformation des maisons en souvenirs suspendus dans l’air, les femmes déplacées se sont retrouvées face à un quotidien plus lourd que ce que l’on peut supporter. Avec la persistance de la crise humanitaire et l’absence des besoins fondamentaux, la femme s’est retrouvée portant sur ses épaules des charges multipliées : la charge de survivre, de protéger ses enfants, et d’affronter une société qui ne lui laisse aucune place pour la fragilité. Chaque jour qui passe, leurs voix étouffées cherchent une occasion d’être entendues, un espace sûr pour retrouver une part de soi épuisée par des expériences successives. L’atelier mis en œuvre par les équipes de l’UJFP est venu offrir une pause au milieu du chemin : un moment où les femmes peuvent retrouver une partie de leur force intérieure et découvrir que l’âme peut respirer même au cœur des grandes pertes.
Les femmes, d’âges et d’expériences variés, se sont réunies, portant toutes des histoires lourdes. Elles sont venues apprendre comment une personne peut se protéger de la rupture intérieure, et comment de petits pas peuvent bâtir un mur de sécurité autour du cœur malgré la violence des tempêtes.
Vingt-sept femmes déplacées se sont réunies dans le camp Al-Asdiqaa, à l’ouest de Deir al-Balah. Chacune portait dans son regard une fatigue longue, jamais exprimée. Leur présence n’était pas ordinaire ; elle ressemblait à une tentative de sauver ce qui restait de leur esprit après des années de peur et d’égarement, comme si chacune d’elles venait avec un petit espoir qu’elle voulait préserver de l’extinction.
L’atelier a commencé par l’activité Mon corps est ma demeure sûre. L’animatrice a parlé du corps et de tout ce qu’il supporte lorsqu’une femme doit cacher sa douleur, et de l’importance de se défaire des tensions qui s’accrochent aux muscles comme la poussière à la mémoire. Les femmes écoutaient avec une attention profonde, comme si chaque mot touchait un endroit douloureux en elles. Sans hésitation, elles ont commencé à pratiquer des exercices simples de massage des mains et des épaules. Une femme âgée s’est penchée légèrement vers sa main, la regardant comme si elle la voyait pour la première fois après des années de travail épuisant. Elle a dit d’une voix rauque : « Je n’ai pas l’habitude de toucher ma main de cette manière… j’ai l’impression que c’est la main d’une autre femme. » Une autre, dans la quarantaine, a fermé les yeux un instant et a dit : « C’est la première fois que je sens que je prends soin de mon corps depuis que nous avons quitté notre maison. » Pour la première fois depuis longtemps, certaines femmes ont senti que leurs corps n’étaient pas seulement des fardeaux faits pour supporter la douleur, mais des parties d’elles-mêmes qui méritent aussi de l’attention.
Elles ont parlé de leur fatigue physique constante depuis le déplacement, des rôles qu’elles continuent d’endosser malgré l’épuisement, des nuits sans sommeil, et de ces tâches quotidiennes interminables. Une jeune femme a dit : « Parfois j’ai l’impression de bouger sans conscience… comme une machine… pas comme un être humain. » Une autre a ajouté : « Même quand je suis épuisée, je ne m’autorise pas à me reposer… qui va s’occuper des enfants ? Qui va chercher l’eau ? Qui va rassembler les morceaux de notre vie ? »
Ensuite, l’activité suivante a commencé : Mon esprit est ma forteresse. L’animatrice a expliqué la notion de respiration consciente puis a demandé aux femmes d’essayer de respirer profondément, comme si elles aspiraient une nouvelle vie dans l’air. Certaines ont fermé les yeux immédiatement, d’autres ont commencé à respirer d’abord rapidement puis plus lentement, mais toutes ont ressenti quelque chose de différent. Une femme d’une trentaine d’années a dit : « Je ne savais pas que la respiration seule pouvait me calmer… j’oubliais même de respirer normalement. » Une autre a laissé échapper un petit rire, a essuyé une larme : « J’ai l’impression que ma poitrine était fermée… et qu’elle vient de s’ouvrir un peu. »
L’équipe a ensuite parlé de la pleine conscience et de la manière dont une femme peut vivre le moment présent sans rester prisonnière du passé ou de l’avenir. Elles ont discuté de petites choses qui peuvent faire une grande différence : un moment de silence avant de dormir, un verre d’eau fraîche à la fin d’une journée épuisante, le sourire d’un enfant malgré la faim, un mot gentil d’une voisine.Une femme dans la cinquantaine a partagé : « J’ai l’impression que la vie est devenue très dure, mais aujourd’hui j’ai découvert que j’ai de petits moments que j’ignorais, des moments qui méritent d’être appréciés. »
Entre les activités, les femmes ont commencé à parler de souffrances dépassant la capacité humaine : la pauvreté, la perte de sécurité, la pression constante, et le sentiment d’être enfermées dans des responsabilités plus grandes qu’elles. Une jeune femme a dit, : « Nous voulons seulement vivre… rire sans qu’on nous dise que ce n’est pas approprié… être comme des enfants, bouger spontanément… faire des erreurs sans être jugées. » Une autre a répondu : « Nous manquons d’intimité… nous voulons seulement un endroit où nous pouvons respirer librement. »
Puis l’activité suivante a démarré : Ma journée à ma façon. L’animatrice a expliqué l’importance pour une femme de créer un temps pour elle-même, même une seule minute par jour. Lire, coudre, écrire, écouter quelque chose qu’elle aime, prendre une courte pause de ses responsabilités, ou simplement s’asseoir en silence pour clarifier son esprit. Quand l’animatrice a dit qu’une femme pouvait créer pour elle-même un « espace personnel », même temporaire, les femmes ont senti que cette suggestion ressemblait à un petit rêve qu’elles n’osaient pas imaginer. Une jeune femme : « J’imagine que j’aie un moment rien qu’à moi… même cinq minutes. » Une autre a ajouté : « J’ai besoin d’un espace pour pleurer sans que personne ne me voie… juste pour laisser mon âme se reposer. »
Les femmes ont commencé à échanger des idées sur la façon d’organiser leur journée pour se donner un peu de répit malgré les conditions difficiles. L’une voulait écrire un journal, une autre souhaitait apprendre quelque chose de léger à faire chaque jour, une troisième a dit qu’elle réserverait un moment avant de dormir pour penser à elle – uniquement à elle – et non à tous ceux qui dépendent d’elle.
À l’approche de la fin de l’atelier, les équipes ont senti un changement dans les voix des femmes : elles étaient devenues plus courageuses, plus sincères et plus proches d’elles-mêmes. Une femme âgée a dit : « Je pensais que ma force était de supporter… aujourd’hui j’ai compris que ma vraie force est de m’autoriser à me reposer. » Une autre a dit : « Cet atelier m’a fait sentir que j’existe, je ne suis pas seulement une femme qui essaie de survivre. »
Lorsque l’atelier s’est terminé, les femmes sont sorties plus proches de leurs propres êtres qu’elles ne l’étaient le matin. Chacune portait une nouvelle idée, un sentiment différent, une conscience que la force ne réside pas toujours dans l’endurance, mais dans la manière de préserver son être malgré tout ce qui se passe autour. Pour elles, l’atelier a été une petite fenêtre vers la sécurité intérieure, une étape simple mais réelle sur un long chemin qu’elles continuent de parcourir avec un courage digne d’un cœur de femme qui ne s’est pas rendue.
Photos et vidéos ICI
(Voir aussi les chroniques et articles postés par Brigitte Challande du Collectif Gaza Urgence déplacé.e.s quotidiennes sur le site d’ISM France et du Poing, article hebdomadaire sur le site d’Altermidi, et sur l’Instagram du comité Palestine des étudiants de Montpellier..)



