Témoignage d’Abu Amir, le 13 septembre 2024 : nuit de terreur

Chaque nouvelle rencontre avec la guerre laisse une blessure plus profonde dans l’âme.

Au cours d’une nuit de terreur, la région de Nuseirat, en particulier dans ses zones occidentales, a connu des moments de peur et de tension qui ont fait vibrer nos cœurs aux sons de la guerre. À minuit pile, les tambours de la guerre ont commencé à battre sans relâche. Pendant deux heures et demie, la région a été le théâtre d’intenses échanges de tirs et d’obus lourds, tandis que les avions de reconnaissance et les drones quadcoptères n’arrêtaient pas de remplir le ciel et de tirer sur tout ce qui bougeait. Nous ne pouvions échapper au bruit des chars qui s’approchaient progressivement, avançant vers la zone d’une manière terrifiante. Nous ne savions pas exactement dans quelle direction ces chars se déplaçaient, mais leurs bruits étaient si proches que tous ceux qui les entendaient avaient l’impression qu’ils étaient sur le point d’envahir leur maison ou leur tente à tout moment. Plus les sons se rapprochaient, plus nos cœurs battaient en synchronisation avec le mouvement des chars.

Nous avons passé deux heures et demie dans une terreur constante, anticipant ce qui allait se passer, ne sachant pas si nous allions devoir fuir à tout moment. Il n’y avait aucun moyen de se reposer ou d’être en sécurité, la peur s’est emparée de tout le monde, en particulier des enfants, de ma fille et de ma petite-fille. Cette nuit a été plus longue pour tout le monde que toutes les autres nuits que nous avions vécues.

Le lendemain matin, les personnes déplacées et les habitants de Nuseirat parlaient de cette nuit terrifiante. Ils racontaient l’horreur qu’ils avaient vécue et les bruits d’obus, d’avions et de chars qui n’avaient pas cessé de la nuit. Nombre d’entre eux ont expliqué qu’ils étaient prêts à fuir si nécessaire, la plupart d’entre eux s’étant équipés de leurs légères possessions, prêts à quitter leurs maisons et leurs tentes si les tirs d’obus continuaient.

Il ne s’agissait pas d’une peur passagère, mais d’une peur bien concrète, due au fait que l’invasion pouvait approcher à tout moment. Bien que beaucoup d’entre nous aient déjà vécu des expériences similaires, chaque nouvelle rencontre avec la guerre laisse une blessure plus profonde dans l’âme.

Ces nuits ont un impact psychologique important sur tout le monde. Vivre sous la menace constante de la guerre entraîne des sentiments d’anxiété et de stress permanents, et accroît la pression psychologique sur les familles, en particulier sur les enfants. Ces expériences répétées font que chacun vit dans un état de préparation permanent aux situations d’urgence, ce qui affecte sa capacité à s’installer ou à se sentir en sécurité.

La nuit de terreur à Nuseirat n’était qu’une des nombreuses nuits similaires que les habitants de la bande de Gaza ont vécues pendant la guerre. La peur de l’invasion, du déplacement et du manque d’abris a maintenu tout le monde au bord du gouffre. Cette expérience reflète la dure réalité dans laquelle vivent les habitants et les personnes déplacées de Gaza, qui doivent s’adapter aux conditions d’une guerre permanente et d’une peur constante.

(Voir aussi les chroniques postées par Brigitte Challande du Collectif Gaza Urgence déplacé.e.s sur les sites d’AlterMidi et ISM France)