Sur le procès BDS Sakina Arnaud 13/01/10 Bordeaux

Le procès de Sakina a eu lieu le mercredi 13 janvier à Bordeaux. Carrefour partie civile pour « dégradation » (deux autocollants sur des emballages !). La Chambre de commerce France-Israël et « Avocats sans frontières » pour incitation à la haine raciale et discrimination.
Le verdict devrait être rendu le mercredi 10 février.
Le procès a donné lieu à un rassemblement où de nombreuses organisations ont pris la parole : Ligue des Droits de l’Homme, Europalestine, AFPS, Génération Palestine, Solidaires, FSU, NPA,…
Des dizaines de militants venus de Paris (souvent des anciens du Caire) y ont participé.
Nous publions l’intervention de l’UJFP :

[i]Cher(e)s amis, cher(e)s camarades,

J’interviens ici en tant que co-président de l’Union Juive française pour la Paix et au nom de son Bureau national.

Je ne vais pas vous dire longuement ce que vous savez déjà : il n’y a pas d’antisémitisme à examiner la politique d’un Etat, l’Etat israélien en l’occurrence, à constater qu’il se comporte en Etat criminel, à constater que les Etats dominants lui laissent poursuivre cette politique criminelle en toute impunité, et à choisir en citoyens du monde attachés aux droits humains d’appeler à faire ce que nos gouvernants ne font pas, avec la volonté de créer un mouvement pour peser afin que nos gouvernants soient obligés de le faire : sanctionner le crime. C’est cela, la campagne Boycott Désinvestissement Sanctions.
Il s’agit bien de dire aux citoyens israéliens : vous ne pouvez pas continuer à tolérer ou à soutenir des gouvernements qui violent ainsi les droits humains et commettent de tels crimes. Avec les organisations de la société civile palestinienne, car il y a une société palestinienne et vous devez en reconnaître l’existence, nous vous appelons solennellement à respecter le droit international, à lever le blocus de Gaza, à cesser l’occupation de la Cisjordanie, à démanteler les colonies et le mur de la honte, à reconnaître le droit au retour des réfugiés, à cesser d’annexer Jérusalem Est, etc.
Il s’agit bien de dire aux citoyens israéliens : au delà des différences, c’est un régime d’apartheid que votre Etat impose au peuple palestinien. Oui, c’est bien avec le souvenir d’avoir contribué modestement à la chute du régime d’apartheid sud-africain, en soutien à la résistance du peuple noir d’Afrique du Sud discriminé, que nous participons à cette campagne BDS.
Le BDS (pas seulement le boycott) est un outil citoyen et politique,  qui a fonctionné contre l’apartheid en Afrique du sud. L’écho de cette campagne en Israël même est un premier résultat.
Il s’agit bien de dire au Président de la République française, à son gouvernement, à son Ministre des Affaires Etrangères : ça suffit. Vous n’avez pas le droit de soutenir en notre nom une politique criminelle.
Il s’agit bien de dire aux responsables de l’Union Européenne : vous devez suspendre l’accord d’association avec Israël tant que cet Etat ne respectera pas le droit international.
Et des pays européens commencent à en tenir compte. En Norvège, en Suède, en Belgique, au Royaume Uni ou en Espagne, des mesures claires de désinvestissement  ont été prises par des entreprises, en particulier pour ce qui concerne les investissements dans les colonies, mais pas seulement. Allons nous les traiter d’antisémites ?  Quand la Suède refuse de participer à une rencontre  aéronautique parce qu’Israel y est inscrite, elle boycotte. Quand la Norvège, suivie de la Suède, refuse d’inclure des entreprises israéliennes dans ses programmes de fonds de pension, quand Dexia se retire des colonies, c’est du Boycott. Quand la justice britannique menace de poursuivre les criminels de guerre israéliens et que Tzipi Livni en conclut qu’il vaut mieux qu’elle évite de venir, c’est un point marqué par la campagne. La France doit suivre.

C’est un intolérable chantage que dans un colloque de l’Union des Patrons Juifs de France visant la pénalisation de l’antisionisme, un colloque qui a réuni tout ce que le gotha intellectual et médiatique rassemble de néoconservateurs et de promoteurs de l’islamophobie, le sinistre de l’Intérieur Hortefeux invité d’honneur ne s’y inquiète que de l’augmentation des actes antisémites (et seulement d’eux) et y déclare que l’antisémitisme, et seulement lui, est le poison de la République.
Allons plus loin : à l’heure où le gouvernement pénalise le syndicalisme, pourchasse les réfugiés économiques et politiques et leurs enfants, criminalise la solidarité à leur égard, impose un débat sur l’identité nationale chargé de stigmatiser encore une fois les musulmans « non intégrables», les citoyens français, toutes origines confondues, seraient sommés de se taire sur les crimes israéliens ? Et il faudrait croire au hasard quand ce sont Alima, Omar et Sakina qui sont les premiers choisis pour être poursuivis parmi les dizaines de français interpellés dans les mêmes actions ?

Je voudrais dire autre chose : en tant que Juifs, en tant que porteur d’une parole juive laïque, je vous dis : non seulement il n’y a pas d’antisémitisme à critiquer l’Etat israélien, mais ce sont ceux qui traitent aujourd’hui d’antisémite la campagne BDS qui sont les premiers responsables du regain d’antisémitisme. Si la Justice cautionne l’idée que critiquer Israël, c’est être antisémite, alors comment lutter contre l’antisémitisme devant les crimes de guerre et les crimes contre l’Humanité commis par l’armée d’Israël ? Si nos gouvernants instaurent l’idée que critiquer le sionisme qui justifie la dépossession des Palestiniens de leur terre, c’est de l’antisémitisme, comment imaginer que les peuples du monde, solidaires de la résistance du peuple palestinien, ne soient pas tentés de se dire antisémites ?

Les Juifs d’Israël, et ceux des Juifs qui en France se sentent en empathie avec les Juifs d’Israël, doivent enfin comprendre que la politique d’Israël n’est pas seulement criminelle, elle est suicidaire pour les Juifs du monde entier. Le CRIF, qui se veut « représentatif » des Juifs de France, n’a pas le droit de parler en notre nom et de justifier les bombardements et le blocus de Gaza.
La politique que mènent les gouvernements israéliens successifs est une politique de guerre permanente. Le discours sur le processus de paix est un écran de fumée sur une poursuite de l’annexion et de la dépossession des Palestiniens. Les Juifs ne peuvent espérer vivre en Paix en Palestine en menant cette politique de la guerre sans fin.
Il y a d’ailleurs un mouvement en Israël même pour le comprendre et le dire haut et fort
Neve Gordon, universitaire connu, Udi Aloni , le fils de Shulamit ancienne ministre de l’éducation s’expriment clairement pour le boycott par voie de presse  internationale et israélienne, et sont soutenus par une partie  non négligeable des universitaires . La coalition des femmes pour une paix juste, le Centre d’Information Alternative AIC, et de nombreux israéliens juifs et palestiniens participent à la campagne « boycott from within » le boycott de l’intérieur.
Avec les anticolonialistes israéliens qui ont compris cela, nous ne sommes pas ici pour excuser Sakina et les boycotteurs de leur action. Nous sommes là pour les remercier de tenter par leur action, une action dont nous sommes pleinement partie prenante, de hâter le moment où la paix pourra être instaurée, parce que les principes de Justice seront respectés.

Et puis certains veulent à tout propos parler du génocide des Juifs. Les médias ne cessent de revenir sur la question : qui savait quoi en 40, en 42, en 44 ? Que savait Pie 12 ? Qui a l’époque a dit quoi à qui ? Et qu’aurait-il pu dire ?
Aujourd’hui, nous savons, et nous savons que tout le monde sait. Nous savons ce qu’endurent les Gazouis. Nous savons que nous sommes déjà dans la catastrophe humanitaire. Faudra-t-il attendre que tous les chefs d’Etat du monde soient morts pour qu’on puisse les accuser de complicité de crime contre l’humanité ? Oui, c’est bien de Sarkozy, d’Obama ou de Blair que je parle.

Il y a 40 ans, la jeunesse française défilait en disant « Nous sommes tous des Juifs allemands ». Cela me faisait sourire, moi dont le père était Juif polonais et la mère Juive roumaine. Aujourd’hui, ce sont toutes les générations qui doivent dire ensemble : « Nous sommes tous des Gazouis ! Nous sommes tous des Palestiniens ! »[/i]

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