Septembre pour les Palestiniens – Un mois meurtrier aux événements douloureux

Ziad Medoukh

La signature officielle de l’accord de normalisation des relations diplomatiques entre les deux pays arabes : les Emirats-Arabes et le Bahreïn avec l’occupation israélienne le mardi 15 septembre 2020 à la Maison Blanche sous l’égide des Etats-Unis , considéré comme un accord historique par le président Trump, et une trahison historique par les Palestiniens, va participer sans aucun doute à isoler de plus en plus les palestiniens.

Les Palestiniens se sentent abandonnés par beaucoup de dirigeants arabes, et trahis par leurs frères qui ont choisi de suivre le plan américain dit « Deal du siècle » et céder aux pressions sans prendre en considération les revendications légitimes du peuple palestinien en quête de sa liberté depuis plusieurs décennies.

Une semaine avant, le mercredi 9 septembre dernier, et lors d’une réunion urgente des ministres des affaires étrangères de la Ligue arabe, suite à la demande de l’Autorité palestinienne, les pays arabes ont lâché de nouveau les Palestiniens, en refusant de dénoncer ou condamner l’accord de normalisation entre les Emirats -Arabes et l’état d’apartheid conclu mi-août dernier.

Ce qui a accru la colère des Palestiniens c’est l’absence de réaction populaire dans les pays arabes, même dans les pays considérés comme un grand soutien pour la cause palestinienne. Aucune manifestation ni rassemblement important n’ont été organisés dans aucune capitale arabe pour dire au moins non à cette normalisation gratuite avec un état colonial qui continue à occuper les territoires palestiniens.
Les Palestiniens sont de plus en plus isolés tant sur le plan stratégique que sur le plan diplomatique. Ils sont en train de perdre leurs alliées, y compris dans les pays arabes, et le conflit israélo-palestinien cesse de devenir une priorité pour beaucoup de dirigeants arabes.

Il est vrai que dans beaucoup de ces pays arabes, il y a des changements politiques, il y a des conflits internes et externes, il y a les conséquences de la crise sanitaire liée à la Covid-19 , mais la cause palestinienne a été toujours une cause nationale pour ces pays.

Un petit rappel, quand l’Egypte du défunt président Sadate a signé un accord de paix avec les Israéliens en septembre 1979, la réaction arabe tant au niveau officiel, qu’au niveau populaire, a été immédiate et vive. La Ligue arabe s’est réunie en urgence. Elle a décidé de suspendre provisoirement l’Egypte de la Ligue arabe, et de transférer le siège de la Ligue arabe du Caire à Tunis, mais surtout des manifestations populaires ont envahi presque tous les pays arabes, y compris dans les pays du Golfe pour protester contre cette trahison.

Ce nouveau drame pour les Palestiniens en ce mois de septembre , montre que ce mois est devenu pour ce peuple un mois triste et d’horreur, un mois marqué par des évènements sanglants et douloureux pour ce peuple toujours sous occupation .
L’histoire récente de la Palestine depuis un siècle jusqu’à nos jours nous indique que beaucoup d’évènements terribles se sont produits en septembre. Nous allons essayer de donner une liste non-exhaustive des plus dramatiques :

29 septembre 1929

A commencé effectivement la mise en pratique du texte du mandat britannique sur la Palestine .A partir de cette date, les Britanniques ont ouvert la voie à l’immigration juive, et à l’achat des terres appartenant aux Palestiniens.
L’achat des terres organisé par le mouvement sioniste, a servi de base économique et politique pour le futur état colonial.

19 septembre 1970

« Septembre noir » pour les Palestiniens en Jordanie, des affrontements militaires très violents entre l’armée jordanienne et les factions militaires de l’Organisation de libération de la Palestine (O.L.P) dirigées par Yasser Arafat, des affrontements qui ont fait des milliers de morts palestiniens, et l’expulsion des combattants palestiniens vers le Liban.

28 septembre 1970

Mort du président égyptien Nasser ,un allié stratégique pour les Palestiniens.

18 septembre 1978

Une première trahison arabe officielle à la cause palestinienne
La signature du traité de Camp David entre le président égyptien Anouar El Sadate, et le premier ministre israélien Manahem Begin, en présence du président américain Jimmy Carter, et le début de la normalisation officielle entre l’Egypte et l’occupation israélienne sans accord des Palestiniens, et sans mention de la création d’un Etat palestinien.

16 septembre 1979

Le gouvernement israélien lève l’interdiction pour les juifs d’acheter des terres en Cisjordanie occupée, conséquences graves : l’accélération de la colonisation israélienne dans les territoires palestiniens, et la perte de beaucoup de terrains appartenant aux palestiniens, notamment dans les villes de Jérusalem et d’Hébron.

22 septembre 1981

Le gouvernement israélien annonce le projet d’ »Administration civile » pour les territoires palestiniens occupés en 1967, c’est-à-dire que dans les villages et villes palestiniens, les autorités israéliennes pouvaient imposer des maires et des gouverneurs chargés de gérer ces communes sans être élus par la population palestinienne. L’objectif israélien était d’empêcher la présence des élus proches de l’O.L.P dans ces régions palestiniennes.

15, 16 et 17 septembre 1982

Les massacres horribles de Sabra et Chatila commis par les milices libanaises et l’armée israélienne dans les camps de réfugiés palestiniens dans la capitale libanaise Beyrouth , trois jours de terreur , avec des milliers de morts et de blessés parmi les civils palestiniens. Un vrai crime de guerre et un crime contre l’humanité qui est resté impuni.

13 septembre 1993

Le début d’un processus de paix illusoire pour les Palestiniens

La signature des accords d’Oslo dans la capitale américaine entre l’O.L.P et le gouvernement israélien, c’était le premier accord formel direct entre Israéliens et Palestiniens qui a conduit à la création d’une Autorité palestinienne en Cisjordanie et dans la bande de Gaza.

Un accord souvent respecté par les Palestiniens, mais jamais appliqué par les différents gouvernements israéliens de gauche comme à droite.

Un processus de paix illusoire, car 27 ans après, les Palestiniens n’ont rien obtenu, ni Etat, ni territoires, au contraire, ils voient tous les jours leurs villes et terres volées et morcelées par les colonies illégales, et leur territoire annexé par un état d’apartheid, ils sont jusqu’à présent occupés et privés de leurs droits les plus fondamentaux.
Et l’économie palestinienne effondrée dépend toujours de l’économie israélienne.

25 septembre 1996

Premiers affrontements entre armée israélienne et policiers palestiniens depuis l’installation de l’Autorité palestinienne après l’ouverture d’un tunnel sous l’esplanade de la mosquée Al-Aqsa à Jérusalem par les autorités israéliennes, des affrontements qui ont fait 63 morts palestiniens.

28 septembre 2000

Le déclenchement de la deuxième Intifada, ou le deuxième soulèvement palestinien contre les forces d’occupation israéliennes, après la visite de Sharon sur l’esplanade de la Mosquée Al-Aqsa de Jérusalem , cette fois-ci, cette intifada a été militaire mais légitime, elle a causé la mort de milliers de civils palestiniens.

30 septembre 2000

Mohamed Al Dura, un enfant palestinien de 13 ans, mort dans les bras de son père qui tentait de le protéger des balles de l’armée israélienne. C’était au centre de la bande de Gaza au début de la deuxième Intifada .

25 septembre 2003

Mort à New York du grand intellectuel, universitaire et théoricien littéraire et critique, le penseur palestinien Edward Said, la voix politique la plus puissante pour les Palestiniens en exil, auteur de « L’Orientalisme » considéré comme le texte fondateur des études postcoloniales.

24 septembre 2007

Mort du député Haider Abdel Shafi, figure éminente de la scène politique palestinienne, et personnalité très populaire de Gaza ,fondateur de l’Initiative nationale palestinienne contre la division et pour l’unité palestinienne.

10 septembre 2018

Les Etats-Unis ont officiellement annoncé la fermeture du siège de la mission de l’Organisation de libération de la Palestine(O.L.P) à Washington. L’administration américaine renonce à ses engagements de 1993 après la signature d’Oslo . Cette décision du président Trump a privé les Palestiniens d’un rôle politique et diplomatique important aux Etats-Unis ,et avec les instances internationales.

11 septembre 2020

Et le processus de normalisation ou de la trahison se poursuit entre les pays arabes et l’état hébreu, le président américain Donald Trump, annonce un accord de normalisation entre Bahreïn et les israéliens, deuxième pays du Golfe après les Emirats-Arabes qui normalise ses relations avec l’occupation israélienne sans consulter les Palestiniens..

C’est le quatrième régime arabe qui trahit ouvertement et officiellement la cause palestinienne. Et pire : le président américain a déclaré que quatre ou cinq pays arabes vont normaliser leurs relations avec l’occupant dans les semaines à venir.
L’histoire se répète pour les Palestiniens, avec des évènements terribles depuis plus d’un siècle. Ils sont en train de subir en septembre et toute l’année des mesures atroces par les occupants et par des régimes arabes et par une communauté internationale officielle complice. Leur souffrance s’accroît au quotidien.

Avec cette nouvelle normalisation gratuite, les rapports de force sont excessivement défavorables aux Palestiniens, ils se sentent abandonnés par leurs frères arabes avant le reste du monde .

C’est vrai, les Palestiniens ont participé à ce drame et à cet isolement du fait de leur division, et leur alliance dans des axes dans la région et avec des pays arabes. Néanmoins, leur direction et leurs partis politiques ont une responsabilité et une marge de manœuvre dont ils devraient se saisir.

Les Palestiniens face à ce contexte particulier, et cette conjoncture très difficile, devraient unir leurs institutions, accélérer les efforts de la réconciliation, changer de stratégie politique et diplomatique , opter pour une seule forme de résistance à l’unanimité de toutes les tendances du peuple et adapté au contexte, s’éloigner des axes régionaux et mener une offensive diplomatique sur la scène internationale, mais surtout revenir au peuple, redonner un espoir à cette population palestinienne fatiguée et désespérée. Le peuple est la base de toute la lutte pour réaliser les revendications légitimes de ce peuple en quête de sa liberté. Ils doivent mobiliser les forces vivantes et révolutionnaires dans les pays arabes, et dans le reste du monde.

Les Palestiniens doivent mobiliser autour de leur cause ces solidaires de bonne volonté partout dans le monde, qui soutiennent la cause palestinienne sans intérêt, ni calculs politiques, mais avec mobilisation et conviction que cette cause est avant tout une cause de justice pour toute l’humanité, une cause qui finira par triompher tôt au tard.

jeudi 1er octobre 2020 par Ziad Medoukh

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