Réponse à Michel Onfray

Le 9 août 2022

Qui ne connait Michel Onfray ce grand philosophe et essayiste. Il est l’auteur de plus de cent quinze livres, il est connu dans le monde entier. Que dire de plus ?

Tout simplement qu’il lui arrive d’écrire « n’importe quoi, pourvu que ça mousse », selon l’expression populaire. Il est vrai  que Michel Onfray est aussi un grand polémiste.

Ce célèbre écrivain vient donc de publier dans le « Journal du Dimanche » (JDD), du 31 juillet 2022, une tribune intitulée « La synagogue brûle, mais regardons ailleurs ». Il entend dénoncer ce qu’il appelle l’antisémitisme des députés de la NUPES, qui ont déposé une résolution à l’Assemblée Nationale pour demander la condamnation du régime d’apartheid en Israël, dans lequel sont – effectivement – soumis les Palestiniens. Puisque Michel Onfray semble l’ignorer, de facto, depuis la création de l’État d’Israël en 1948. De jure, depuis la loi fondamentale du 19 juillet 2018 adoptée par la Knesset (le Parlement israélien) aux termes de laquelle « Israël est l’État nation du peuple juif ». Cette loi ne reconnait le droit à l’autodétermination que pour les Juifs. Elle retire la langue arabe de son statut de langue officielle. Les Palestiniens d’Israël – appelés les « Arabes d’Israël » par le gouvernement israélien – représentent pourtant plus de 21 % de la population.

Michel Onfray se veut sans doute très concluant dans ses affirmations : « Nous sommes entrés dans le troisième temps de l’antisémitisme. (…). Voici venu le temps de sa formule antisioniste qui permet à la gauche des barbelés (?) d’inviter à la haine du peuple d’Israël depuis 1948 (rien que cela !), en invoquant colonialisme (qui est pourtant un fait indiscutable), crimes contre l’humanité (oui, dans la bande de Gaza en particulier et le Tribunal Pénal International – CPI – le reconnaîtra un de ces jours) et régime d’apartheid ». Celui-ci est d’ores et déjà établi officiellement par la loi fondamentale rappelée ci-dessus. Régime dénoncé, tant par de grandes ONG internationales, comme « Amnesty International » le 1er février 2022, s’appuyant sur les nombreux travaux d’ONG palestiniennes, internationales – la Commission internationale des Droits de l’Homme de l’ONU entre autre – et, surtout israéliennes, B’Tselem par exemple. Mais Michel Onfray dans ses lectures a-t-il lu un jour les très courageux communiqués de cette ONG, qui sont l’honneur d’Israël et du peuple israélien ?

Si les antisionistes – dont je suis depuis le premier jour (Juin 1967. Le GRAPP, animé par Maxime Rodinson, avec les professeurs Jacques Berque, Régis Blachère, Vincent Monteil,  Pierre Cot, Robert Buron, l’Abbé Moubarak, etc.) – ont toujours contesté la politique colonialiste nationaliste sioniste des dirigeants israéliens, ils n’ont jamais, sauf quelques imbéciles (au sens latin du terme), « invités à la haine du peuple d’Israël » n’en déplaise à Michel Onfray.

Mais la dramatique question israélo-palestinienne intéresse-t-elle, en définitive, ce grand philosophe ? Il affirme sa position pro sioniste sans aucune démonstration. La lecture de A à Z de son pamphlet me semble d’ailleurs davantage montrer qu’il entend utiliser celui-ci pour régler ses comptes,

– avec le président de la République (son allocution à Pithiviers à l’occasion de la commémoration de la rafle du Vel d’Hiv, n’a été « qu’une bouillie pour les chats » (sic !) ; avec les chrétiens et leur « antijudaïsme » – catholique pratiquant, je suis d’accord avec Michel Onfray sur ce point, mais c’est de l’histoire ancienne – ;

– avec les socialistes du XIX siècle, Marx et Engels ; avec le PCF – comme si la politique actuelle des dirigeants communistes avait un rapport quelconque avec la position du PCF en 1940 ;

– avec le gaullisme  (« A cause d’un mythe gaullo-communiste qui s’avère le non-dit de la politique française, alors qu’il en constitue l’axe depuis l’après guerre » (…) C’est de Gaulle qui crée ce mythe d’une France gaullo-communiste résistante » ;

– avec « la panoplie de l’homme de gauche, de l’homme « régénéré » à coups de tribunal révolutionnaire et de guillotine (…) cette même idéologie soutenue par la guillotine activée pendant la guerre d’Algérie par un ministre de l’Intérieur SFIO, qui avait pour nom François Mitterrand ». Sur ce point aussi je suis d’accord avec Michel Onfray, les pages concernant la guerre d’Algérie ne sont pas à l’honneur du futur président de la République. Mais Michel Onfray devrait tout de même savoir que François Mitterrand n’a jamais été membre de la SFIO, et, sans doute peu « socialiste » après la création du Parti socialiste, le PS, où je milite depuis juin 1971 (Congrès constitutif d’Epinay).

Mais j’entends à mon tour profiter de cette réponse pour informer nos concitoyens – et au passage Michel Onfray – de la situation du peuple palestinien.

En ce qui concerne les Palestiniens, demeurant en Palestine depuis des siècles – province de l’Empire ottoman, mise sous mandat britannique en 1922, devenue État de Palestine, puis, après le partage ordonné par les Nations Unies en 1947, devenu État d’Israël en 1948 : la Nakba (le désastre) et ses conséquences, les expulsions massives des habitants vers le Liban, la Jordanie ou la Syrie en 1948.49, puis de nouveau en 1967, après la Guerre dite « des Six jours » ; l’occupation de la terre (les Juifs possédaient 7 % du territoire en 1967. Ils en possèdent 97 % aujourd’hui ! Ces Palestiniens, même si, effectivement, ils peuvent voter aux élections nationales ne sont considérés que comme des « citoyens » et non comme des nationaux (Cf, ci-dessus). Leurs villages – lorsqu’ils n’ont pas été détruits, plus de 500 en 1947/48 – sont loin de recevoir les subventions des villes et villages israéliens. Etc.

En ce qui concerne les Palestiniens de l’État de Palestine – proclamé le 15 novembre 1988, reconnu par 138 États, dont par exemple, la Suède et le Vatican ; admis aux Nations Unies comme membre observateur depuis 2012 et formant le 194 ème État de l’ONU. Ils sont soumis à une très dure occupation totale depuis plus de 55 ans, la bande Gaza « libérée » en 2005 étant devenue une « prison à ciel ouvert » ! (Puisque Michel Onfray évoque la dernière guerre a-t-il en tête que l’occupation de notre pays n’a duré que cinq années ?). Annexion de la ville de Jérusalem, d’une superficie plus que triplée sur la terre de Cisjordanie, proclamée « capitale éternelle d’Israël ». Création de colonies interdites par le droit international. De routes d’apartheid (uniquement pour les Juifs). De murs (qualifiés de « sécurité » par les Israéliens, de la « honte » par les Palestiniens) encerclant villes et villages palestiniens devenus des  « Bantoustants », comme en Afrique du Sud au temps de l’apartheid. Arrestation massive de Palestiniens qualifiés de « terroristes ». Déni de l’Histoire de ce peuple, une véritable tentative de « sociocide » (A ne pas confondre avec un « génocide », comme la Shoah, dont ont été victimes par millions les Juifs en Europe lors de la Deuxième Guerre mondiale – pas en Palestine).

Pour terminer, je citerai un extrait d’un des derniers articles du courageux journaliste israélien Gidéon Lévy, paru le 22 juin 2022 dans le journal Haaretz, à propos des prochaines nouvelles élections en Israël :

« Jamais les pogroms des colons n’ont été aussi fréquents ici, sans que personne ne les arrête ou ne tente de protéger leurs victimes. Jamais les soldats de Tsahal n’ont tué aussi facilement que sous ce gouvernement de changement. Et ils nous font peur avec Netanyahou. Il va détruire le système judiciaire. Lequel exactement ? Celui qui est devenu depuis longtemps un méprisable tampon pour l’occupation ? Qui a besoin d’un système judiciaire indépendant, si sur la question la plus cruciale pour le caractère légal du pays, c’est un système honteux de collaborateurs ? Nous pourrions continuer à dire qu’Israël deviendra antidémocratique si Netanyahou est élu. Cela aide beaucoup de croire que sans lui, Israël, l’occupant et le tyran, est une démocratie. (Souligné par moi) Et c’est tout ce que le camp des détracteurs de Bibi veut ressentir ».

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