Recension de l’ouvrage « Témoins de paix en Palestine », par Dominique Natanson.
De Lucienne Gouguenheim, Claire-Lise Ott, Jacques Toureille et Danièle Vergniol, et avec une préface de Dominique Vidal.
Éditions Temps Présent, 2017, 168 pages, 14 €.
Livre récit à plusieurs voix : cinq « témoins de paix » comme ils se nomment ont vécu trois mois avec des Palestiniens et des Israéliens. Ils sont venus à la suite d’un appel de chrétiens palestiniens au Conseil œcuménique des Églises. Ils figurent parmi les 1600 volontaires de 25 nationalités qui se sont succédé depuis 2002. Ils-Elles sont catholiques ou plus souvent protestants – une d’entre eux est la fille d’un pasteur du Chambon- sur-Lignon. Ils se déploient dans tous les territoires occupés, Naplouse, Vallée du Jourdain, Bethléem, Hébron, Jérusalem et sa région, à l’exception de Gaza.
Check-points, files d’attente, contrôles militaires, ces témoins gênants de la vie sous occupation se sont donné pour but d’observer, de débattre avec tous les pacifistes, mais aussi de représenter une présence protectrice auprès des populations les plus vulnérables. Ils fonctionnent en petites équipes, de nationalité différentes. Appareil photo, jumelles et chaussures de marche sont la base de leur équipement. Sur leurs ordinateurs portables, des fiches-type permettent de décrire les incidents dont ils sont témoins, les violations quotidiennes des droits humains qu’ils constatent. Ces rapports quotidiens sont envoyés à EAPPI et aux associations de terrain comme Médecins sans frontières, la Croix-Rouge, l’Unicef, ainsi qu’à l’ONU.
Un de leur modes de fonctionnement est l’organisation de marches quotidiennes. Elles ont le but de manifester une présence rassurante auprès de la population palestinienne et dissuasive à l’égard des forces d’occupation israéliennes. Marche du matin, marche du soir, et dans la journée, présence régulière dans et aux abords des écoles car les violations des droits des enfants sont une de leurs préoccupations – certains incidents qu’ils relatent ont lieu dans la cour de récréation même où pénètrent des soldats israéliens. Ils accompagnent aussi, parfois, des enfants qui vivent dans une enclave située dans une « seam zone » située entre la ligne de cessez-le-feu et le mur et qui doivent franchir tous les jours un check point pour aller à l’école de l’autre côté. « Nos enfants dorment bien quand vous êtes là » explique un maire palestinien. Leur participation à la cueillette des olives est faite dans le même esprit de proximité avec la population palestinienne et de protection dans ce moment crucial du cycle agricole.
Un des incidents les plus graves qu’ils relatent, se produit quand des colons et l’armée viennent détruire des installations – des poteaux électriques alimentant la trayeuse et la réfrigération d’une ferme laitière palestinienne, à Tawayiel près de Naplouse. Leur intervention express grâce à la rapidité des informations communiquées par les Palestiniens, leur permet d’arriver sur les lieux avant le bouclage du secteur par l’armée. Leur présence crée un incident diplomatique avec le consulat de Belgique et, bien que les poteaux électriques aient été soigneusement tronçonnés par l’armée, ils seront réinstallés.
Ils reviennent marqués par des événement traumatiques comme la destruction de plusieurs mai- sons palestiniennes – et de deux pigeonniers – dans Jérusalem-Est, mais aussi par la solidarité inter- religieuse, comme lors d’attaques de mosquées par des colons. Leur conviction est que l’occupation est néfaste à la fois aux Palestiniens et aux Israéliens.
Leur dialogue avec les Israéliens est plus difficile : presque impossible avec les colons de Cisjordanie, possible avec des limites importantes avec des étudiants que les témoins de paix décrivent comme « élevés la peur au ventre, la peur des attentats en allant à l’école », fructueux avec les quelques associations pacifistes comme l’Alternative Information Center ou Combatants for peace.
Revenus en France et en Belgique, les « témoins de la paix » réinvestissent leur expérience dans des associations de solidarité.
La présence de chrétiens, venus en tant que tels en Palestine, démontre paradoxalement que le « conflit » n’a rien de religieux comme voudraient nous le faire croire certains.
Un livre à recommander, pour les témoignages sur la vie quotidienne sous occupation et pour la sincérité tonique de ces témoins de paix.