Poème de René Gaudy
Pour Gaza et les Gazaouis je n’ai que la poésie petit outil
Contre l’effacement
L’éloignement
Je n’ai que l’encre le papier les mots
Bloque stoppe flux flot radios télés photos
Dans la nuit sous la pluie fusée frappe fracas feu flamme avion explosion bombe tombe
Fumée qui monte
Couvre le monde
Silence
Approchez approchez
Visages paysages cognent à ma vitre bien fermée
Voyez la Palestine ensanglantée
Trous noirs dans les façades yeux crevés
Terre tailladée cratères ténèbres
Poussière
Blocs de béton brisés
Parpaings gravats déchets
La peau des rues est une plaie
Lits éventrés
Livres en sang sur le plancher
Où sont les oiseaux, les poissons ?
Derrière ma vitre je vous vois
Vous criez, vous bougez
Bruit char mitrailleuse missile tir tir
Eclats dans ma tête
Rien pour anesthésier désinfecter
Amputée éborgnée étouffée asphyxiée ensevelie milliers
Voyez la terre gorgée de corps martyrisés
Ombres décombres
Plus un espace pour les tombes
Fosses béantes
Silence
Vous êtes à genoux, dans une carrière, quasi nus, yeux bandés, mains ficelées. Derrière vous
les soldats. Vous êtes à genoux, dans la rue, quasi nus, chaussures éparpillées. Derrière vous
les soldats. En tas dans des camions, dans des sacs retour Gaza. Vous êtes debout, mains en
l’air, vous agitez un chiffon blanc. Tir. Sang sur blanc. Vous courez, sur vos épaules un
cercueil, à bout de bras une civière, les quatre coins d’une couverture tachée. Aïcha ta
maison n’a plus de toit. Hind six ans : « J’ai peur venez vite ». Tir. Silence.
Vous êtes un champ de formes blanches ficelées en haut en bas pas d’épitaphe pas de marbre
Juste un nom écrit sur le drap
De Beit Lahia à Rafah
De Jabalia à Al Qarya
Vous marchez droit
Derrière ma vitre je vous vois
Vous êtes maigres
Vous ne laissez rien paraître
Les pieds dans l’eau un enfant dans tes bras
Sur la charrette des enfants un matelas
Vous marchez droit
De Beit Lahia à Rafah
De Jabalia à Al Qarya
Rasez maisons écoles hôpitaux musées bibliothèques églises cimetières
Profanation exhumation expulsion exécution
Extermination
Rasez la mémoire rasez tout rasez la mosquée d’Al Aqsa rasez la Palestine
Dans la nuit fumée grise
Pas d’oiseaux des missiles
Dans la nuit pas d’étoiles des flammes
Tu voulais sortir prendre l’air une petite promenade
Par ce temps cette horreur ce carnage
J’aurais dû rester avec toi
Je serre dans mes bras un drap
Sang des enfants
Larmes des survivants
Regardez-nous bien dans les yeux
La mort a éteint tous les feux
Nous sommes et nous serons couchés
Sous les blocs de béton brisés
Dans les fosses que nous avons creusées
Corps calcinés cœurs écrasés
Sous les gravats
C’était Gaza
Regardez au loin y a du bleu
Je vois un couple d’amoureux
Gaza debout face à la mer
Indomptable Gaza la fière
Regardez au loin y a du vert
Vert c’est l’espoir c’est notre terre
Tu es belle et je t’imagine
Enfin libre et sortie des ruines
Plus belle encore Palestine
René Gaudy, 3 février 2024