L’agence des Nations unies, qui vient en aide à six millions de réfugiés palestiniens, est le principal fournisseur d’aide humanitaire à Gaza sous les bombardements israéliens.
L’Agence de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), qui est la principale agence humanitaire à Gaza, est confronté à une crise financière sans précédent depuis que ses principaux donateurs internationaux, au premier rang desquels les États-Unis, ont interrompu son financement en raison d’allégations de « terrorisme ».
Le chef de l’UNRWA, Philippe Lazzarini, a qualifié les mesures de suspension de financement de « punition collective supplémentaire » pour les Palestiniens déjà éprouvés par près de quatre mois de bombardements israéliens ininterrompus.
L’arrêt de l’aide est intervenu rapidement après qu’Israël a accusé 12 membres du personnel de l’UNRWA d’avoir participé à l’attentat perpétré par le Hamas le 7 octobre à l’intérieur d’Israël. L’ONU a pris des mesures contre le personnel de l’UNRWA lié à l’attentat, mais a exprimé son opposition à la suppression de l’aide.
« Alors que la guerre à Gaza se poursuit sans relâche et que la Cour internationale de justice réclame davantage d’aide humanitaire, il est temps de renforcer et non d’affaiblir l’UNRWA », a déclaré M. Lazzarini dans un communiqué publié jeudi.
« Si le financement reste suspendu, nous serons très probablement contraints de mettre fin à nos opérations d’ici la fin du mois de février, non seulement à Gaza, mais aussi dans toute la région ».
Les allégations israéliennes ne sont toujours pas vérifiées
Les Palestiniens ont accusé Israël de falsifier des informations pour ternir la réputation de l’UNRWA à Gaza, qui emploie 13 000 personnes gérant des écoles, des cliniques et d’autres services essentiels. Les experts ont déclaré que les allégations israéliennes n’étaient pas vérifiées.
Le porte-parole de l’ONU, Stéphane Dujarric, a déclaré mardi qu’Israël n’avait pas encore partagé le dossier de renseignements avec l’ONU.
Yasmine Ahmed, directrice de Human Rights Watch (HRW) au Royaume-Uni, a déclaré à Al Jazeera que HRW n’avait pas connaissance que l’ONU, ou tout autre État qui finance l’UNRWA, ait vu des documents écrits ou des preuves établissant ce qui a été allégué par Israël.
« Cela ne veut pas dire que ces preuves n’ont pas été fournies », a-t-elle ajouté.
Mme Ahmed a indiqué que HRW avait demandé au gouvernement britannique quelles étaient les preuves écrites des allégations qui l’avaient conduit à suspendre le financement.
Voici plus d’informations sur l’UNRWA et son rôle essentiel pour les Palestiniens, en particulier à Gaza.
Pourquoi l’UNRWA a-t-elle été créée ?
L’UNRWA a été créé par l’Assemblée générale des Nations unies le 8 décembre 1949 pour fournir un soutien de base, notamment de la nourriture, des soins de santé et de l’éducation, à des dizaines de milliers de réfugiés palestiniens. Plus de 700 000 Palestiniens ont été déplacés de force avant la création d’Israël en 1948, dont les Palestiniens se souviennent comme de la Nakba, ou « la catastrophe ».
Les opérations de l’UNRWA sont réparties entre la Cisjordanie occupée – y compris Jérusalem-Est -, la bande de Gaza, la Syrie, le Liban et la Jordanie.
Que fait-elle ?
L’UNRWA vient en aide à quelque six millions de réfugiés palestiniens qui vivent à l’intérieur et à l’extérieur de la Palestine. Il s’agit d’un quasi-État qui fournit des services directs, tels que des écoles, des centres de santé primaire et d’autres services sociaux. elle accorde également des prêts aux Palestiniens.
Cependant, elle ne gère pas les camps de réfugiés, car le maintien de l’ordre et de la sécurité ne fait pas partie de son mandat.
L’UNRWA fonctionne séparément du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), également créé en 1949. Si le HCR fournit une protection et une assistance temporaires aux réfugiés, il n’a pas de mandat sur les réfugiés palestiniens dans les zones d’opérations de l’UNRWA.
Bien qu’elle fournisse une aide humanitaire aux Palestiniens, l’UNRWA n’a pas pour mandat de réinstaller les réfugiés palestiniens, ce à quoi Israël s’oppose.
En 2021, environ 545000 enfants ont été inscrits dans les écoles de l’UNRWA ; l’assistance du programme de filet de sécurité sociale (SSNP) a atteint 398044 bénéficiaires ; et 1,7 million de personnes ont reçu une aide humanitaire essentielle.
Pourquoi est-ce important pour les Palestiniens ?
L’UNRWA aide les Palestiniens de multiples façons, en leur fournissant de nombreuses ressources.
Depuis qu’Israël a lancé sa guerre contre Gaza le 7 octobre, environ un million de Palestiniens de Gaza, soit près de 45 % de la population de l’enclave, ont trouvé refuge dans les écoles, cliniques et autres bâtiments publics de l’UNRWA. Les écoles et les bâtiments de l’UNRWA fonctionnent au-delà de leur capacité à fournir un abri aux Palestiniens déplacés à l’intérieur de leur pays, qui n’ont que très peu d’endroits sûrs où se réfugier.
La quasi-totalité de la population de Gaza dépend désormais de l’UNRWA pour ses besoins de base, notamment la nourriture, l’eau et les produits d’hygiène.
L’agence des Nations unies emploie des milliers de Palestiniens dans ses écoles, ses centres de soins de santé et d’autres programmes sociaux, offrant ainsi des possibilités d’emploi indispensables aux Palestiniens qui vivent sous l’occupation israélienne depuis sept décennies.
Plus de 30 000 Palestiniens de la bande de Gaza, de Cisjordanie et des vastes camps de réfugiés des pays arabes voisins travaillent pour l’UNRWA. Ses services à Gaza ont pris de l’importance depuis 2005, lorsque Israël et l’Égypte ont imposé un blocus qui a provoqué un effondrement économique avec l’un des taux de chômage les plus élevés au monde.
En décembre 2023, l’Organisation internationale du travail et le Bureau palestinien des statistiques ont établi qu’au moins 66 % des emplois avaient été perdus à Gaza depuis le début de la guerre. L’UNRWA contribue à réduire le taux de chômage parmi les Palestiniens en leur fournissant un emploi.
Qui sont les principaux donateurs de l’UNRWA ?
En 2022, les principaux gouvernements donateurs de l’UNRWA étaient les États-Unis, l’Allemagne, l’Union européenne, la Suède, la Norvège, le Japon, la France, l’Arabie saoudite, la Suisse et la Turquie.
Les États-Unis, l’Allemagne et la Suisse ont suspendu le financement de l’UNRWA à la suite de ces allégations.
L’Union européenne (UE) a annoncé lundi qu’elle examinerait la possibilité de continuer à financer l’UNRWA à la lumière de ces allégations. Toutefois, l’organisme ne prévoit pas de financement supplémentaire pour l’organisation avant la fin du mois de février.
La Norvège, l’un des principaux donateurs, a exhorté les autres pays donateurs à réfléchir aux conséquences plus larges des réductions de financement.
« L’UNWRA est une bouée de sauvetage vitale pour 1,5 million de réfugiés à Gaza. Aujourd’hui plus que jamais, l’agence a besoin du soutien de la communauté internationale. Pour éviter de punir collectivement des millions de personnes, nous devons faire la distinction entre ce que des individus ont pu faire et ce que l’UNRWA représente », a déclaré mercredi à Reuters Espen Barth Eide, le ministre norvégien des affaires étrangères.
Combien de camps et de réfugiés palestiniens l’UNRWA compte-t-il ?
- À Gaza, 1476706 Palestiniens sont enregistrés comme réfugiés dans huit camps de réfugiés palestiniens.
- En Cisjordanie occupée, environ un quart des 871537 réfugiés enregistrés vivent dans 19 camps de réfugiés, tandis que les autres vivent dans des villes et des villages.
- La Syrie compte neuf camps officiels et trois camps non officiels, où vivent 575234 réfugiés palestiniens enregistrés.
- 489292 réfugiés palestiniens vivent dans les 12 camps de réfugiés du Liban.
- 2307011 réfugiés vivent en Jordanie, où il y a 10 camps de l’UNRWA. Il existe trois camps non officiels et d’autres réfugiés vivent autour des camps.
Que signifie le gel de l’aide pour les Palestiniens ?
Maintenant que les principaux donateurs de l’UNRWA ont gelé leur aide, les Palestiniens à l’intérieur et à l’extérieur de la bande de Gaza sont menacés de famine.
« Il est difficile d’imaginer que les habitants de Gaza pourront survivre à cette crise sans l’UNRWA », a déclaré Thomas White, directeur des affaires de l’UNRWA à Gaza et coordinateur humanitaire adjoint des Nations unies pour le territoire palestinien occupé.
« Rafah est devenu une mer de personnes fuyant les bombardements », a-t-il ajouté, faisant référence aux bombardements israéliens incessants qui ont détruit plus de 70 % des maisons de Gaza et déplacé près de deux millions de personnes.
Pourquoi Israël veut-il affaiblir l’UNRWA ?
Israël plaide depuis longtemps pour le démantèlement de l’UNRWA, arguant que sa mission est obsolète. Lundi, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a affirmé que l’UNRWA était « infiltré par le Hamas ».
Les accusations de M. Netanyahu à l’encontre de l’UNRWA n’ont pas été étayées par des faits. Son affirmation selon laquelle l’UNRWA a été infiltré par le Hamas a été mise en doute parce que l’agence des Nations unies partage la liste de son personnel avec Israël.
« Chaque année, l’UNRWA partage la liste de son personnel avec les pays hôtes où il travaille », a déclaré Stéphane Dujarric. « Pour le travail qu’il effectue à Gaza et en Cisjordanie, l’UNRWA partage la liste de son personnel à la fois avec l’Autorité palestinienne et avec le gouvernement israélien, en tant que puissance occupante de ces régions.
Israël cherche depuis longtemps à mettre fin à l’UNRWA, arguant que l’organisme des Nations unies « perpétue » la question des réfugiés palestiniens parce qu’il permet aux Palestiniens de transférer le statut de réfugié d’une génération à l’autre et qu’Israël a refusé d’accepter le droit au retour de ces réfugiés.
Les récentes allégations d’Israël à l’encontre des employés de l’UNRWA sont apparues le même jour que l’arrêt provisoire de la CIJ ordonnant à Israël de prévenir les actes génocidaires et d’augmenter l’aide à Gaza.
« Je ne pense pas que ce soit une coïncidence que ces allégations soient apparues immédiatement après la décision de la CIJ », a déclaré Diana Buttu, experte palestinienne en droit international. « Elles visent à détourner l’attention de l’arrêt de la CIJ et à la concentrer sur l’UNRWA, ainsi qu’à saper toute tentative de responsabilisation d’Israël ou d’arrêt du génocide.
L’ancien ambassadeur du Royaume-Uni en Ouzbékistan, Craig Murray, a écrit que les accusations portées contre les 12 membres du personnel de l’UNRWA « constituent un contre-récit de propagande à l’arrêt de la CIJ et réduisent la crédibilité des preuves apportées par l’UNRWA devant la Cour ».
Selon Zaid Amali, détenteur d’une carte de l’UNRWA et militant de la société civile en Cisjordanie, Israël veut également éliminer l’UNRWA pour forcer les Palestiniens de Gaza et de Cisjordanie à émigrer ailleurs par désespoir.
Il est prouvé qu’Israël a toujours essayé de déplacer les Palestiniens par la force. Outre la longue histoire des colons soutenus par l’État qui déplacent les Palestiniens de Cisjordanie et de Jérusalem-Est, les ministres israéliens Itamar Ben-Gvir et Bezalel Smotrich ont récemment réitéré l’idée d’une « migration volontaire » des Palestiniens hors de Gaza, un euphémisme pour désigner un déplacement forcé.
« Cette mesure visant l’UNRWA s’inscrit dans l’objectif général de déplacer davantage de Palestiniens [de leurs terres] afin de construire davantage de colonies illégales », a-t-il déclaré à Al Jazeera.
(traduction J et D)