Cette année a connu des actions victorieuses de militants, d’étudiants, de défenseurs des droits civiques et d’avocats pour faire respecter le droit à boycotter Israël. Konrad K. SIPA
2020 a sûrement été une année comme nulle autre.
Pourtant, malgré la pandémie de COVID-19, elle a été une année pleine de succès pour le mouvement mondial des droits palestiniens. Il y a eu plein d’actions directes, de victoires au tribunal et d’appels importants lancés afin de sanctionner Israël pour ses violations du droit international.
Cette année a connu les réussites de militants, d’étudiants, de défenseurs des droits civiques et d’avocats pour faire respecter le droit à boycotter Israël — alors même que des avocats, des groupes de lobby pro-Israël et le gouvernement israélien lui-même ont essayé de faire échouer, de calomnier, d’attaquer et d’emprisonner les organisateurs.
« Malgré l’investissement massif de ressources financières, politiques et diplomatiques, de la propagande et du renseignement dans sa guerre contre le mouvement BDS, Israël a échoué, comme certains de ses groupes de lobbying l’admettent aujourd’hui », dit le Comité national de Boycott, désinvestissement et sanctions (BNC), le groupe moteur de la campagne BDS lancée par les Palestiniens.
Quelle manière appropriée de marquer les 15 ans de la campagne BDS.
Au début de l’année, les Nations Unies ont publié la liste longtemps attendue des compagnies qui profitent des crimes de guerre d’Israël.
Le rapport publié par le Bureau du Haut-Commissariat pour les droits humains des Nations Unies liste 112 compagnies impliquées dans certaines activités dans les colonies, comme la fourniture d’équipements et de matériaux pour la construction ou la démolition de maisons, la surveillance et la sécurité, le transport et la maintenance, la pollution et la décharge d’ordures et l’utilisation de ressources naturelles comme l’eau et les terres.
Le BNC a salué la publication de cette banque de données, qui a eu lieu « malgré l’intimidation du [Président Donald] Trump et du gouvernement d’extrême-droite d’Israël. »
At last, the UN released a database of companies complicit in Israel’s illegal settlement enterprise, despite bullying by Trump and Israel’s far-right government.
— BDS movement (@BDSmovement) February 12, 2020
These companies must be held to account, including through strategic boycotts and divestment campaigns. pic.twitter.com/G6DhnfYKLk
[Les Nations Unies ont enfin publié une banque de données des compagnies complices de l’entreprise de colonisation illégale d’Israël, malgré l’intimidation de Trump et du gouvernement d’extrême-droite d’Israël. Ces compagnies doivent être contraintes à rendre des comptes, y compris par des bocyotts et des campagnes de désinvestissement stratégiques.]
En avril, le Bureau du Programme de développement des Nations Unies (UNDP) en Jordanie a annoncé qu’il ne renouvelerait pas son contrat avec G4S, une entreprise de sécurité privée qui a une longue histoire d’implication dans les crimes d’Israël.
Cela signifie que les six bureaux des Nations Unies en Jordanie ont maintenant annulé leurs contrats avec la compagnie britannique.
Une compagnie de Jordanie (qui n’a pas été nommée) a aussi annoncé qu’elle ne renouvelait pas son contrat avec G4S, ont affirmé des militants de BDS Jordanie.
Au Royaume-Uni, des militants sont montés sur le toit d’une usine appartenant au fabricant d’armement israélien Elbit Systems. L’usine est accusée de fabriquer des moteurs pour le drone Hermes.
Le drone a été utilisé par l’armée israélienne pour tirer des missiles sur des maisons palestiniennes dans la Bande de Gaza.
Voici quelques-unes des autres principales victoires pour les droits palestiniens couvertes en 2020 par The Electronic Intifada.
Les appels aux sanctions retentissent plus fort
Des personnalités, des politiciens, des syndicats et d’autres organisations du monde entier ont appelé à des sanctions contre Israël à propos de ses plans pour formaliser l’annexion illégale de la Cisjordanie occupée.
Pendant l’été, le Comité national palestinien BDS a demandé instamment à tous les états d’adopter « des contre-mesures effectives, y compris des sanctions, pour mettre fin à l’acquisition illégale par Israël de territoires palestiniens par l’usage de la force, par son régime d’apartheid et par le déni de notre droit inaliénable à l’auto-détermination. »
Ces mesures devraient inclure un embargo sur les armes, la fin des accords de libre échange avec Israël, l’interdiction de tout commerce avec les colonies israéliennes et la reddition de comptes pour les criminels de guerre israéliens, a dit le BNC.
Avec plus de 60 avocats canadiens s’engageant en faveur d’un soutien à des sanctions diplomatiques et économiques contre le plan d’annexion, un sondage a montré en juin que près de la moitié de tous les Canadiens soutiendraient de telles mesures.
Des tribunaux favorables à BDS
Les organisations de lobbying pro-Israël ont connu d’importants revers en 2020 car des tribunaux des Etats-Unis et d’Europe ont contrecarré leurs tentatives pour supprimer le mouvement de boycott.
En février, une Cour d’appel de l’état de Washington a maintenu un jugement de 2018 qui rejetait des poursuites contre d’anciens membres du conseil de la coopérative Olympia Food. En 2010, cette épicerie est devenue la première du genre aux Etats-Unis à enlever les produits israéliens de ses étagères dans le cadre de la campagne BDS.
Pendant près de dix ans, les plaignants, travaillant étroitement avec le groupe de pression pro-Israël StandWithUs se sont efforcés de bloquer le boycott du magasin et d’obtenir des dommages et intérêts de la part des membres de son conseil qui ont voté en faveur de la mesure ; et à chaque bataille juridique qu’ils ont perdue, ils ont fait appel auprès d’un tribunal de plus haute juridiction.
StandWithUs a secrètement aidé à planifier ces poursuites en coordination avec des responsables du gouvernement israélien.
En juin, un panel de trois juges de la Cour d’appel des Etats-Unis à Washington, D.C. a confirmé à l’unanimité un rejet antérieur des poursuites lancées contre l’American Studies Association pour son soutien d’un boycott académique d’Israël.
Ces poursuites, qui avaient été lancées originellement en 2016 après que l’ASA a appuyé le boycott des institutions israéliennes trois ans auparavant, affirmaient que l’approbation du boycott par l’association était contraire à sa charte.
Mais un juge a rejeté cette affirmation clé en 2017.
Il faut noter que les poursuites étaient soutenues par le Louis D. Brandeis Center for Human Rights, une organisation de soutien à Israël qui a travaillé depuis des années à calomnier le militantisme solidaire de la Palestine comme antisémite et qui essaie de le supprimer par des procès frivoles et des plaintes fallacieuses au nom des droits civiques.
L’ancien président de l’organisation, l’avocat Kenneth Marcus, a représenté les plaignants jusqu’en février 2018 – date à laquelle il a été nommé exécuteur principal pour les droits civiques de l’administration Trump au département américain de l’Education.
Marcus a démissionné en juillet à la suite des appels de groupes défendant les droits civiques à enquêter sur des violations possibles de la loi fédérale dans sa manière de traiter en priorité les plaintes des organisations anti-palestiniennes. Il est à présent de retour au Brandeis Center.
Soutenir le droit au boycott
La Cour européenne des droits de l’homme a soutenu le droit à boycotter Israël en infirmant les condamnations pénales contre 11 militants pour les droits palestiniens en France, portant un coup important aux efforts anti-BDS d’Israël.
Le tribunal a jugé à l’unanimité que les condamnations des militants pour avoir appelé des clients à boycotter des produits israéliens violaient la garantie de liberté d’expression de la Convention européenne des droits de l’homme.
Même si la France a a défié le jugement de la Cour en disant aux procureurs de continuer à enquêter sur ceux qui appellent aux boycotts d’Israël, les militants français continuent à s’organiser.
Malgré la pluie et le froid, 10 militant-e-s étaient devant le siège d’AXA à #Lyon avec tracts, panneaux et banderole BDS. Les passant-e-s, bien que rares sous la pluie , ont accueilli positivement tract .https://t.co/SFuYndnbUd#BoycottAxa ! pic.twitter.com/tbIBeJpQz2
— palestine69 (@palestine69) December 4, 2020
Des représentants des Nations Unies ont averti le gouvernement allemand en octobre que sa répression renforcée contre les supporters des droits palestiniens viole la liberté d’expression.
Cinq rapporteurs spéciaux sur la liberté d’expression, la liberté de rassemblement, les défenseurs des droits humains, les droits humains en Palestine et la liberté de religion ont envoyé à l’Allemagne une lettre se plaignant de son comportement répressif.
En avril, la Cour suprême du Royaume-Uni a aboli une loi anti-désinvestissement imposée par le gouvernement en 2016.
La loi affirmait que les conseils ne pouvaient pas utiliser leurs politiques sur les pensions « pour poursuivre des actions de boycott, désinvestissement et sanctions contre des nations étrangères et contre les industries de défense du Royaume-Uni ».
Mais la Campagne de solidarité avec la Palestine a contesté le gouvernement et en 2017 la Haute Cour a tranché en sa faveur.
Cette décision a été infirmée en 2018 par la Cour d’appel, mais avec le jugement final de la Cour suprême, il ne peut plus y avoir d’appels.
Aux Etats-Unis, la journaliste et réalisatrice Abby Martin a intenté un procès à l’état de Géorgie à cause de sa draconienne législation anti-BDS.
Martin devait donner le discours d’ouverture d’une conférence d’éducation aux médias qui se tenait à Georgia Southern University. Quand des responsables lui ont demandé de signer un contrat affirmant qu’elle ne s’impliquerait pas dans un boycott d’Israël, Martin a refusé de le faire et son intervention a été annulée, ainsi que la conférence entière.
Le procès de Martin contre la Géorgie est l’un de ceux intentés par des militants, des avocats, des éducateurs et des journalistes dans des états de tous les Etats-Unis.
En 2020, les gouverneurs du Missouri et d’Oklahoma ont inscrit des mesures anti-BDS dans la loi, mais des défenseurs des droits civils les combattent aux tribunaux.
Reproches de blanchiment et d’instrumentalisation
En septembre, les Palestiniens ont appelé à un boycott de The Next Nas Daily, une entreprise lancée par Nuseir Yassin, un citoyen palestinien d’Israël, que ses critiques accusent de blanchir les crimes d’Israël en égalant à tort un occupant colonial et ses victimes.
Et en décembre, des groupes BDS de pays arabes ont lancé une de leurs plus grandes campagnes récentes dans les réseaux sociaux pour amplifier cet appel.
Après des protestations soutenues de Palestiniens et de supporters des droits palestiniens, la députée américaine Alexandria Ocasio-Cortez s’est retirée en octobre d’un événement en l’honneur d’Yitzhak Rabin, le Premier ministre israélien qui a été assassiné par un extrémiste juif il y a 25 ans.
Son annulation a porté un coup sévère aux lobbystes israéliens qui cherchent à blanchir l’héritage de violence coloniale de Rabin en Palestine.
Plus tôt cette année, plus de 130 réalisateurs et artistes queer du monde entier se sont engagés à boycotter TLVFest, le festival international du film LGBT de Tel Aviv, en reprochant à Israël sa campagne d’instrumentalisation de la communauté LGBT+.
Les étudiants se lèvent
Les étudiants continuent à se dresser en faveur des droits palestiniens, même quand les administrateurs des universités capitulent devant les exigences des lobbys pro-Israël.
L’université de Manchester en Angleterre a désinvesti plus de 5 millions de dollars [4 millions d’euros] de Caterpillar et de l’entreprise à la tête du site de voyage Booking.com.
Les militants ont dit que c’était « une victoire colossale pour le mouvement de solidarité avec la Palestine en Grande-Bretagne » et « un tournant décisif ».
L’université avait été un objectif des militants depuis 2016 à cause de ses investissements dans des entreprises complices de l’occupation israélienne des terres palestiniennes.
Même si l’université a nié que leur désinvestissement ait quoi que ce soit à voir avec la pression croissante des défenseurs des droits humains, la militante Huda Ammori a dit à The Electronic Intifada que le désinvestissement de l’université de Manchester « des entreprises complices montre le pouvoir du mouvement de masse des étudiants pour forcer nos institutions à rendre compte de leurs actions ».
Aux Etats-Unis, les étudiants de l’université Tufts à Boston ont voté en faveur de la fin de tout entrainement militaire étranger du département de police de l’université, et d’autres, sur les campus de l’université d’état de Californie à San Francisco et Fresno, ont passé des résolutions appelant aux désinvestissements d’entreprises qui jouent un rôle actif dans l’occupation d’Israël.
Un référendum au College of Liberal Arts de l’université Columbia à New York appelant l’université à désinvestir des « actions, fonds et donations liés aux entreprises qui profitent des actes de l’état d’Israël contre les Palestiniens ou s’y impliquent » a été soutenu par plus de 60% des étudiants.
Et à l’université Butler dans l’Indiana, deux résolutions qui auraient condamné la campagne BDS et identifié la critique d’Israël avec du sectarisme antisémite ont été mises en échec par les représentants des étudiants.
Bravo pour le militantisme et les victoires de 2020, et les autres qui viendront en 2021.
Nora Barrows-Friedman est rédactrice et éditrice associée à The Electronic Intifada, et l’auteure de In Our Power: US Students Organize for Justice in Palestine (Just World Books, 2014).
Source : The Electronic intifada
Traduction CG pour l’Agence média Palestine