Abu Amir ne cesse de faire le bilan, de réfléchir, de chercher une issue, de mettre en place des projets concrets avec son équipe pour que la société gazaouie vive dignement, ne se désintègre pas. Mais où va-t-on ? De quel avenir peut-on parler ? Quel futur pour quelle vie ? Que font les institutions internationales dont la responsabilité et la mission sont de s’occuper des populations soumises à un génocide reconnu par la CIJ ?
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La plage est le seul refuge pour des milliers de personnes déplacées dans la bande de Gaza, face à la guerre dévastatrice qui kidnappe leurs proches un par un.
La peur n’est plus un obstacle pour eux, car la mort est partout. Les personnes déplacées attendent le lever du soleil pour se diriger par milliers vers la plage, chacun cherchant son propre but. Certains d’entre eux vont prendre une douche ou laver leurs vêtements à cause du manque d’eau, et certains se plaignent à la mer de leur douleur et de leur souffrance, convaincus que la mer est la meilleure auditrice, tandis que le monde ferme ses oreilles, ne prêtant pas attention à ce qui se passe à Gaza.
Malgré leur souffrance, lorsque ces personnes regardent la mer, elles voient que la mer représente la liberté qu’elles ont perdue depuis longtemps sous le siège.
Des milliers de personnes déplacées fuient l’enfer des camps d’accueil vers la mer, en quête de paix et de tranquillité, espérant que la mer transmettra leur message à l’autre côté. A chaque pas sur la plage, on voit les visages des femmes et des enfants raconter leur souffrance. A chaque pas, on s’enfonce dans ces visages et on lit les lignes de ce qui leur est arrivé, leur peur, leur déplacement, leur besoin et leur perte.
Beaucoup de souffrances sont gravées dans leurs mémoires et il faudrait des milliers de pages pour les écrire.
N’est-il pas temps que le monde prête attention à la souffrance de ces personnes affligées et torturées ? Le monde ne voit-il pas ce qui leur arrive ? Ne voit-il pas la peur et la panique dans les yeux des enfants ? Les cœurs du monde ne s’attendrissent-ils pas lorsqu’ils voient les larmes des femmes et des enfants ? Sommes-nous devenus un monde dépourvu de sentiments et d’émotions ? Avons-nous perdu notre conscience ? Qui sommes-nous devenus ?
Malheur à nous si nous acceptons de vivre dans ce monde.
“Les habitants de Gaza sont épuisés et contraints de fuir presque chaque jour leurs abris temporaires.”
Les déplacés ne savent plus où aller en sécurité. Chaque matin, un nouvel exode se produit, obligeant les déplacés à emporter tout ce qu’ils peuvent et à fuir la mort. Ce scénario se répète fréquemment depuis le début de la guerre à Gaza.
Les habitants de Gaza ont enduré beaucoup de souffrances lors de leurs déplacements, et la guerre a pris tout leur argent, leur famille et leurs amis.
Ces familles ne peuvent plus se déplacer et beaucoup d’entre elles ont décidé de rester chez elles, préférant la mort à un nouveau déplacement vers l’inconnu.
La semaine dernière, l’armée israélienne a déplacé plus de 180.000 personnes de la région de Khan Younis, à l’est et au centre. Ce grand nombre de personnes, dont des enfants et des femmes, a été forcé de quitter leur maison et de dormir dans les rues de la région de Mawasi à Khan Younis et de Deir al-Balah.
Aujourd’hui, le scénario se répète à nouveau, car des ordres d’évacuation ont été émis pour la région de Bureij et l’est de Nuseirat, dans le centre de la bande de Gaza. Les habitants de ces régions ont commencé à partir et dormiront dans les rues comme leurs frères qui ont été déplacés de Khan Younis.
Les questions qui se posent avec force et auxquelles je ne trouve pas de réponse sont les suivantes :
- Où sont la Croix-Rouge et les autres institutions internationales comme l’UNRWA ?
- Pourquoi n’aident-elles pas les personnes déplacées dans leur voyage de souffrance ?
- Pourquoi ne leur fournit-on pas de moyens de transport et pourquoi ne crée-t-on pas de camps pour les accueillir ?
- Est-il permis de laisser les personnes déplacées seules dans leur voyage de souffrance, accompagnées d’enfants, de femmes, de personnes âgées et de malades ?
- Est-il permis de les laisser dormir par terre dans les rues ? Je ne sais pas quel est le travail de ces institutions internationales, n’est-ce pas de fournir de l’aide aux nécessiteux ?
Des questions auxquelles je ne peux pas répondre.
Dans un autre contexte, l’UNRWA a confirmé que neuf Palestiniens sur dix ont été déplacés de force en raison des attaques israéliennes en cours sur la bande de Gaza depuis plus de neuf mois. L’UNRWA a déclaré dans un communiqué que les familles déplacées cherchent un abri partout où elles le peuvent dans la bande, que ce soit dans des écoles surpeuplées, des bâtiments détruits, ou des tentes.
L’UNRWA a souligné qu’aucun de ces endroits n’est sûr et que les gens n’ont plus d’endroit où aller, après qu’Israël a détruit la plupart des bâtiments et des infrastructures et bombardé des écoles et des tentes pour les déplacés.
L’UNRWA a indiqué que l’armée d’occupation a placé 80 % de la bande de Gaza sous ordre d’évacuation et que des milliers de Palestiniens continuent d’être déplacés.
Vendredi dernier [26 juillet 2024], les Nations unies ont rapporté que plus de 180 000 Palestiniens ont été contraints de fuir pendant quatre jours de violents combats autour de la ville de Khan Younis dans le sud de la bande de Gaza, à la lumière d’une opération militaire israélienne visant à récupérer les corps des prisonniers de la zone, et que les récentes hostilités intenses dans la région de Khan Younis ont entraîné de nouvelles vagues de déplacement, tandis que des centaines d’autres sont toujours bloqués à l’est de Khan Younis.
Plus tôt ce mois-ci, le Coordonnateur humanitaire des Nations unies à Gaza a évoqué les estimations du nombre de personnes déplacées dans la bande, qui a dépassé 1,9 million, en raison de la poursuite de la guerre israélienne dévastatrice.
(Voir aussi les chroniques postées par Brigitte Challande du Collectif Gaza Urgence déplacé.e.s sur les sites d’AlterMidi et ISM France)