Ni oubli ni pardon !

1er février 2025

31 janvier 2025 Des prisonniers palestiniens sont libérés et retournent auprès de leurs proches à Gaza
31 janvier 2025 – Des prisonniers palestiniens sont libérés et retournent auprès de leurs proches à Gaza dans le cadre de l’échange de prisonniers négocié entre le Hamas et Israël. Au total, 183 prisonniers palestiniens ont été libérés hier, dont 150 à Gaza. Il s’agit du quatrième échange de prisonniers dans le cadre de l’accord de Gaza. Selon le bureau d’information des prisonniers du Hamas, ce quatrième lot comprend 18 prisonniers condamnés à la prison à vie, 54 prisonniers condamnés à de longues peines et 111 prisonniers de la bande de Gaza qui ont été arrêtés après le 7 octobre 2023. Leur libération intervient après celle de trois prisonniers israéliens – Photo : Doaa Albaz / Activestills

Par Marie Schwab

Les Palestiniens n’ont pas d’État, mais le drapeau de la Palestine flotte dans les villes du monde entier. Ce drapeau salue la résistance du peuple palestinien, sa résilience et son indicible courage.

« Israël a tout détruit à Gaza, tout, excepté le lien sacré qui unit le peuple à sa terre » : la parole de Riyad Mansour à l’ONU. [1]

Nous sommes des millions aux côtés des Palestiniens, et nous ne tournerons pas aussi facilement la page d’un génocide. Nous demandons des comptes à l’occupant pour chacun des crimes qu’il a commis. Chaque criminel doit être jugé, chaque exaction réparée. Ni oubli, ni pardon.

Pendant quinze mois, l’Occident a gommé tout un peuple, le réduisant à un mot (lui-même perverti, « Hamas »), essayant de le désincarner, de lui confisquer son identité, son humanité, son existence, la légitimité de sa lutte. Pendant quinze mois, il n’y avait plus d’hommes, de femmes ni d’enfants à Gaza – ni vivants ni assassinés -, juste des ”opérations”, et, accessoirement, d’inévitables victimes collatérales.

Or une petite fille de six mois, touchée par un éclat d’obus, qui se vide de son sang pendant douze heures, que personne ne peut secourir parce que les snipers visent quiconque s’aventure dans les rues ; une petite Sila de six mois qui pendant douze heures s’accroche à la vie [2] – elle n’a pas eu son content de câlins avec sa maman, de baisers de son papa, de chansons de ses grands-parents : elle en demande encore, elle n’est pas prête à quitter ce monde où elle a reçu tant d’amour, qui promettait tant de bonheurs – ; une petite Sila assassinée à six mois n’est pas un dégât collatéral. Elle est la victime d’un crime de guerre délibéré, planifié, applaudi.

L’occupant doit être jugé pour chaque homme démembré, chaque femme pulvérisée, chaque enfant déchiqueté.
L’occupant doit être jugé pour chaque femme défigurée que ses enfants fuient, pour chacun des dix enfants amputés tous les jours pendant quinze mois d’un ou deux membres, pour chaque homme qu’une explosion a rendu aveugle.
L’occupant doit être jugé pour chaque gramme des 100 000 tonnes de bombes larguées sans relâche, jour et nuit, pendant 470 jours, sur la population de Gaza et ses infrastructures. Pour chaque bombe d’une tonne qui détruit toute vie dans un rayon de 400 mètres, dont le seul souffle rompt les poumons et déchire les cloisons sinusales.
L’occupant doit être jugé pour chaque maison bombardée, chaque école, chaque hôpital, chaque crèche, chaque orphelinat, chaque musée, chaque bibliothèque, chaque mosquée.
L’occupant doit être jugé pour chaque homme, chaque femme, chaque enfant enlevé, abusé, torturé en séquestration.
L’occupant doit rendre des comptes pour chacun des 1.1 millions d’enfants en profonde détresse psychologique, dans certains cas probablement sur plusieurs générations. [3]
L’occupant doit rendre des comptes pour chaque orphelin qui, comme Tareq, 9 ans, et Khamis, 7 ans, qui ont passé six heures sous les décombres, n’ont plus que ces mots sur les lèvres : « La vie n’a plus de sens sans mes parents. Ils me manquent. J’ai été privé de ma famille. Je n’ai pas pu leur dire au revoir. Que Dieu leur soit miséricordieux et leur accorde le paradis. »
L’occupant doit être jugé pour le blocus et la famine organisée qui vont continuer de tuer pendant des années.
L’occupant doit rendre des comptes pour chaque particule d’amiante et d’uranium appauvri inhalée dès leur naissance par les bébés, pour chaque brûlure causée par le phosphore blanc sur la peau et jusqu’aux os des femmes, des hommes, des enfants.

Nous ne laisserons pas le char de l’impunité continuer à saccager le droit en Palestine. Pendant quinze mois, l’Occident bien-pensant a continué à armer Israël, y compris avec des armes non conventionnelles, à lui allouer des fonds, à le soutenir idéologiquement.

Pendant quinze mois, l’Occident, devenu banlieue de Tel Aviv, a fait aux victimes le procès de leur propre génocide, les rendant responsables de leur propre extermination.

Sans le soutien de l’Occident à Israël, sans les mensonges des médias, véritables agents d’influence sionistes, qui ont repris à la virgule le récit israélien, il n’y aurait pas eu de génocide.

Il est temps que ça cesse. Il est temps de mettre un terme à la Nakba en tant que structure, de clore définitivement le génocide structurel qui a commencé il y a un siècle, avec l’apparition des milices terroristes sionistes : la Haganah en 1920, l’Irgoun en 1931, le Lehi-Stern en 1940.

L’occupation militaire a commencé en 1967, mais la dépossession et les massacres en 1948, et les meurtres et la terreur dès 1917.

Il est temps que l’occupant rende des comptes pour les 800 000 Palestiniens expulsés en 1948, pour les 400 villages rasés, pour les centaines de villageois massacrés à Deir Yassin et Tantura.
Il est temps que l’occupant soit jugé pour les 300 000 Palestiniens expulsés en 1967. Qu’il rende des comptes pour le blocus illégal infligé aux Palestiniens de Gaza depuis 1991, pour les offensives meurtrières répétées depuis 2008, qui ont assassiné des milliers de Palestiniens hommes, femmes, enfants.
Il est temps que l’occupant rende des comptes pour les pratiques qui lui sont coutumières depuis 1948 : pour chaque ambulance amie truffée de soldats israéliens, pour chaque homme ou enfant utilisé comme bouclier humain, attaché à l’avant d’une jeep ou d’un char, pour chaque homme palestinien envoyé en « éclaireur », vêtu de force de l’uniforme de l’occupant, pour chaque tank israélien arborant le drapeau égyptien, en 1956.
Il est temps que l’occupant rende des comptes pour les cinq cents enfants emprisonnés chaque année, pour l’enlèvement des enfants de 12 ans, pour la torture et le viol en détention, trois pratiques qui, quoique inscrites dans la loi israélienne, n’en demeurent pas moins des crimes au regard du droit international.
Il est temps que l’occupant rende des comptes pour chaque source, chaque troupeau empoisonnés, pour les 2.5 millions d’arbres déracinés.
Il est temps que l’occupant rende des comptes pour le million de Palestiniens faits prisonniers depuis 1967, au seul motif qu’ils étaient Palestiniens.
Il est temps que l’occupant rende des comptes pour les huit cents barrages militaires, lieux de tous les dangers, qui transforment la vie des Palestiniens en enfer, et toutes les villes de Cisjordanie en prisons. Et attention : il ne s’agit pas de rendre les prisons que sont la Bande de Gaza, Jénine, Qalqiliya, Naplouse, Tulkarem, Jéricho, Ramallah, Bethleem, Hebron plus confortables. Chaque botte de l’occupant, chaque ranger de colon doit vider les lieux. Conformément à la décision de la CIJ du 19 juillet 2024.

À chaque libération de prisonniers, les barrages militaires sont encore plus nombreux (on en dénombre neuf cents ces jours-ci). « Ces check-points n’ont rien à voir avec la sécurité et le contrôle », écrit Abdaljawad Omar. « Mais avec le fait que l’occupant ne supporte pas la joie des Palestiniens. Une joie qui n’est ni simple ni légère.

Cette joie, marquée par les cicatrices profondes de la perte, de la souffrance, défie l’image de domination chère à l’occupant. Cette joie prend ses racines dans la résistance. Les check-points, dans leur brutalité banale, sont le signe que l’occupant est incapable de contenir la résistance, une résistance qui ne vient pas des armes, mais de la vie qui continue de fleurir sur les sourires. »

Notes :

  • [1] No Alternative To Palestinian Govt And UNRWA, Says Palestinian Envoy To UN (vidéo) | Dawn News English, 28.1.2025
  • [2] Lire son histoire et celle de sa famille, comment sa mère, mariée à 18 ans, maman à 19, a perdu son bébé la même année, comment elle a serré contre elle son bébé tout le temps de son agonie, et vingt-quatre heures après sa mort. Dans : Sondos Sabra, Diaries from north Gaza: one woman’s story of survival, Mondoweiss, 29.11.2024
  • [3] Une étude révélait également au mois de décembre qu’un enfant sur deux souhaitait mourir et que 96% des enfants pensaient leur mort imminente.

Auteur : Marie Schwab

– Transmis par l’auteure

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