Le 8 décembre 2014
L’agression raciste survenue à Créteil le 1er décembre a soulevé l’émoi général et la mobilisation des autorités françaises. Pourtant, comme le souligne l’Union juive française pour la paix (UJFP), dans un communiqué publié le 6 décembre, « Créteil, une agression raciste qui nous indigne mais ne nous étonne pas » : « Si l’UJFP s’indigne de ces actes, elle ne s’en étonne guère. En effet le racisme propagé dans notre société depuis le sommet de l’Etat envers des groupes de personnes ciblées, parce qu’Arabes, Noirs, et ou musulmans, Roms, sans papiers, demandeurs d’asiles… repris sans état d’âme par des médias avides de scoops et de buzzs, des “intellectuels” et éditorialistes venimeux, a pour conséquence d’augmenter les passages à l’acte racistes. Et des passages à l’acte il y en a tous les jours dans ce pays, contre des concitoyens arabes noirs et ou musulmans, des femmes agressées violentées parce que voilées, des Roms attaqués à l’acide, dont les camps sont brûlés, et cela dans un silence médiatique et politique assourdissant. Encore une fois nous devons donc nous interroger sur le traitement politique et médiatique très particulier de cet événement. »
En effet, en arrière-plan de ce traitement, il y a une manœuvre détestable qui vise à se camoufler derrière la mobilisation justifiée contre des actes antisémites pour faire oublier le racisme d’Etat qui s’est installé dans le pays, défendu d’abord par le premier ministre Manuel Valls , lequel peut, impunément, désigner une communauté, les Roms, à la vindicte publique. Racisme d’Etat qui se traduit de mille et une manières — du comportement agressif des policiers jusqu’aux enseignants et autres « bons citoyens » qui humilient, contrôlent les Noirs ou les musulmans de façon abusive. Pendant ce temps, on laisse se répandre l’idée que se manifesterait un antisémitisme spécifique lié au conflit israélo-arabe. Dans une excellente tribune publiée par Le Monde du 6 décembre, « Il faut parler d’antisémitisme avec rigueur » , la sociologue Norma Meyer démonte les sondages récemment publiés afin d’accréditer cette idée.
Lire Raphaël Liogier, « Le mythe de l’invasion arabo-musulmane » , Le Monde diplomatique, mai 2014. La lutte contre le racisme est indivisible, mais il est nécessaire de rappeler qui sont aujourd’hui, en Europe, les premières victimes de ce racisme : les musulmans, les Roms et les Noirs. Alors que plus aucun grand parti ne défend officiellement l’antisémitisme, alors que les formations de la droite extrême ont remplacé celui-ci par l’islamophobie [note]Lire, en guise de contre-exemple, Corentin Léonard, « Une extrême droite qui n’exècre pas l’islam », Le Monde diplomatique, avril 2014.]], alors que les grands partis de droite et de gauche laissent régulièrement percer leur haine de l’islam et défendent les mesures prises par l’Etat (au nom de la laïcité ou ou nom de la défense des femmes), ce racisme ne rencontre pas la riposte qu’il mérite.
C’est dire l’importance de la journée internationale contre l’islamophobie qui se tient le samedi 13 décembre à l’université de Saint-Denis[ [Lire sur notre site l’appel à cette journée et son programme ]] et, en même temps, à Londres, Amsterdam et Bruxelles, sous le titre « Une bataille pour les droits civiques ! ». Il est symbolique que cette initiative ait lieu le même jour où se mobiliseront aux Etats-Unis tous ceux qu’indigne la brutalité de la police américaine contre les Noirs et les minorités, contre la justice à deux vitesses.
Alain Gresh