Le président Emmanuel Macron a fait une scène à Jérusalem-Est occupée mercredi lorsqu’il a dit avec colère aux officiers de la sécurité de sortir de l’Église de Sainte-Anne, qui est traditionnellement sous le contrôle de la France :
« Je n’ai pas aimé ce que vous avez fait en face de moi. Sortez s’il vous plaît »
24 ans après le coup de sang de Jacques Chirac à Jérusalem, Emmanuel Macron s’énerve en anglais contre des policiers israéliens (vidéo prise par @AvaDjamshidi) > https://t.co/rnsdq8TIbm pic.twitter.com/tXYbrjQ9V3— Le Parisien (@le_Parisien) January 22, 2020
« Tout le monde connait les règles. Je n’aime pas ce que vous avez fait devant moi », a ordonné Macron. « Sortez de là, sortez ! ».
La vidéo de l’incident a circulé rapidement et a suscité la comparaison avec une confrontation étonnamment similaire lorsque Jacques Chirac, l’un des prédécesseurs de Macron, avait visité la ville en 1996.
Beaucoup d’observateurs ont suggéré que Macron avait délibérément pris un fort accent français en anglais pour imiter Chirac.
Personne ne devrait confondre cette démonstration théâtrale de colère de Macron – pas plus que celle de Chirac – avec une volonté de contester Israël pour ses crimes contre les droits humains des Palestiniens.
Macron pense que les « règles » sont importantes, mais apparemment pas lorsqu’il s’agit de mettre fin aux violations sans fin du droit international par Israël.
Exploitation cynique de l’Holocauste
Le président français est dans la région pour assister à un événement organisé par Israël pour marquer le 75e anniversaire de la libération par les Soviétiques d’Auschwitz, le camp de la mort en Pologne où le gouvernement allemand a assassiné plus d’un million de personnes pendant le génocide des Juifs européens.
Israël exploite cyniquement cette occasion solennelle, non pour promouvoir le respect des droits humains, mais comme une opportunité pour continuer ses propres crimes.
Le Premier ministre Benjamin Netanyahou se sert du rassemblement pour faire campagne auprès des leaders du monde contre la Cour internationale de justice.
Les fondateurs de la CPI voyaient les racines de sa genèse et de sa légitimité dans le procès à Nuremberg des dirigeants nazis, après la 2e Guerre mondiale.
Bien qu’elle soit loin d’être parfaite – étant donné l’insistance singulière qu’elle met à poursuivre des Africains – la CPI fait partie de l’architecture de la justice et de la responsabilité internationales, dont l’objectif est d’apprendre des leçons des atrocités passées pour prévenir leur répétition.
Mais, pour Israël, la Cour est une nuisance, un obstacle à sa liberté de commettre des atrocités contre les Palestiniens en toute impunité.
Promotion de l’annexion
Netanyahou utilisera peut-être également cette rencontre autour de l’Holocauste pour convaincre les dirigeants du monde de soutenir un autre crime de guerre majeur : son annexion planifiée de grandes parties de la Cisjordanie occupée.
Loin de réagir contre tout cela, Macron a déjà utilisé sa visite pour soutenir les politiques racistes d’Israël à l’encontre des Palestiniens.
Alors qu’il rencontrait le président d’Israël, Reuven Rivlin, Macron a affirmé à nouveau que « l’antisionisme n’est pas différent de l’antisémitisme ».
En décembre, le parlement français a adopté une résolution qui fait l’amalgame entre l’antisionisme et l’antisémitisme – bien que la plupart des parlementaires n’aient pas participé au vote.
Bien qu’Israël et ses lobbys essaient d’imposer cette conception dans toute l’Europe, c’est une distorsion perverse de la réalité.
L’antisémitisme, qui doit être condamné comme toute autre forme de racisme, peut être simplement défini comme les préjugés ou la haine contre les juifs, juste parce qu’ils sont juifs.
L’antisionisme, au contraire, s’oppose à l’idéologie de l’État d’Israël.
Macron soutient le racisme d’Israël
Comme je l’ai expliqué précédemment, le sionisme est raciste.
Les sionistes croient que les Juifs devraient avoir leur propre État en Palestine historique. Et la politique d’Israël est de garantir ce « droit » à n’importe quel prix et par n’importe quel moyen jugé nécessaire.
Cependant, comme la population autochtone musulmane et chrétienne de Palestine était – et est toujours, si on prend en compte les réfugiés palestiniens vivant en exil forcé – majoritairement non juive, le sionisme est intrinsèquement discriminatoire.
Les milices sionistes n’ont pu établir Israël comme État juif en 1948 qu’en perpétrant la Nakba, l’expulsion de près de 800 000 Palestiniens et la destruction de centaines de villes, de bourgs et de villages.
Jusqu’à aujourd’hui, Israël n’est parvenu à maintenir sa majorité juive – originellement obtenue par un nettoyage ethnique – qu’en empêchant le retour des réfugiés palestiniens, en violation du droit international, sur le seul prétexte qu’ils ne sont pas juifs.
Israël poursuit sans relâche l’objectif sioniste d’un État à majorité juive par des politiques ouvertement racistes, allant des lois d’apartheid discriminant les Palestiniens jusqu’aux massacres devenus habituels dans la Bande de Gaza.
Les dirigeants israéliens envisagent régulièrement une expulsion de masse ou de trouver les moyens de pousser les Palestiniens à un nouvel exode massif pour garantir une majorité juive.
Mais même les organes officiels israéliens semblent concéder que dans l’ensemble de la Palestine historique, les Israéliens juifs sont déjà une minorité régnant sur une majorité palestinienne privée des ses droits les plus fondamentaux.
Ainsi, l’opposition au sionisme est une position fondamentalement antiraciste. Les Palestiniens de toutes les appartenances politiques ont bien fait savoir, à maintes reprises, qu’ils n’avaient pas de problème avec les juifs parce qu’ils sont juifs, mais avec Israël et ses politiques racistes violentes.
Comme Israël en fait la démonstration depuis des décennies, le sionisme est incompatible avec le respect du droit international, des droits humains universels et de l’égalité.
Or, en déclarant que l’antisionisme est identique à l’antisémitisme, Macron est en train de dire qu’il est raciste de s’opposer au racisme d’Israël.
De plus, le sionisme est rejeté par un nombre significatif de Juifs. Si de nombreux Juifs laïcs s’y oppose pour des raisons politiques – ce qui les amène à rejoindre des organisations antisionistes telles que Jewish Voice for Peace – un grand nombre de Juifs religieux rejettent le sionisme pour des raisons théologiques.
Toute tentative d’identifier les juifs et le judaïsme d’une part, avec Israël et le sionisme de l’autre, est intrinsèquement antisémite.
Ironiquement, ce sont les antisémites et les soutiens les plus fervents d’Israël qui insistent pour faire cette association.
Il en découle donc que la politique de Macron, comme celle de la plupart des dirigeants occidentaux, est ardemment antijuive et antipalestinienne.
Par Ali Abunimah, 23 janvier 2020.
Traduction : MUV pour l’Agence Media Palestine
Source : [The Electronic Intifada
->https://electronicintifada.net/blogs/ali-abunimah/theatrics-aside-macron-supports-israeli-apartheid]