Défenseur de la cause palestinienne, membre fondateur du mouvement Boycott désinvestissement sanctions (BDS) Maroc, membre fondateur et ancien secrétaire général de Transparency-Maroc, Sion Assidon revient sur la décision du Maroc de rétablir des relations diplomatiques avec Israël. Interview de Sion Assidon par Hicham Mansouri.
Hicham Mansouri. — Après celle des Émirats arabes unis et de Bahreïn, la décision marocaine de normaliser les relations avec Israël est-elle surprenante, sachant que les relations maroco-israéliennes ne datent pas d’hier? Comment expliquer ce «changement» dans la position marocaine?
Sion Assidon. — Si l’on s’en tient aux déclarations du ministre des affaires étrangères Nasser Bourita, qui a été à la manœuvre dans la préparation du deal durant ces deux dernières années, ce qui arrive resterait dans la continuité. On ne ferait que rouvrir le bureau de liaison fermé au moment de la seconde Intifada. Bref, du déjà vu, du déjà fait. Ceci, évidemment, en totale contradiction avec le négationnisme traditionnel du chef du gouvernement et des ministres du Parti de la justice et du développpement (PJD) («Nous n’avons pas de relations»; «cela n’existe pas»).
Alors, business as usual ? Le ministre des affaires étrangères ne débite-t-il pas une évidence?
Réponse : oui. Mais c’est une évidence qui risque de cacher la nouveauté d’ordre géostratégique : la construction régionale d’un axe militaire qui regroupe les monarchies pétrolières du Golfe et l’Égypte de Abdel Fattah Al-Sissi autour de l’armée d’occupation de la Palestine, réputée la plus puissante de la région. Et c’est cela l’élément nouveau.
Même si le Maroc était déjà intervenu dans la guerre d’agression, au Yémen, aux côtés des armées des monarchies du Golfe, la nouveauté, la discontinuité avec le passé, c’est la mise à l’ordre du jour d’une collaboration militaire directe des «normalisés» avec l’État qui occupe la Palestine, au moment où la tension ne cesse de monter autour de l’Iran. Les tensions entre l’Arabie saoudite et le Maroc restent secondaires par rapport à ce changement majeur.