Entre mensonges et éléments de langage, la complicité française continue
Beaucoup de bruit pour pas grand-chose ?
Ce samedi 5 octobre, une interview d’Emmanuel Macron sur France Inter à l’occasion du sommet de la francophonie donne lieu à une déclaration qui a beaucoup fait réagir : « la priorité, c’est qu’on revienne à une solution politique, qu’on cesse de livrer les armes pour mener les combats sur Gaza. La France n’en livre pas. »
Ces propos sont rapidement relayés par l’ensemble de la presse française, souvent sans aucune vérification. Peu de temps après, et face à la réaction furieuse de Netanyahou, l’Élysée a rappelé que la France restait « l’amie indéfectible d’Israël » et qu’elle « continuera d’exporter vers l’État hébreu les composants nécessaires à sa défense »
Éléments de langage
D’après de précédentes déclarations du ministère des armées, la France ne vendrait pas de « matériel létal » à Israël, mais seulement des composants lui permettant d’« assurer sa défense ».
En effet, la France vend principalement à Israël des pièces détachées. À elles seules, ces pièces ne tuent effectivement pas. Mais sans elles, les armes israéliennes ne peuvent tout simplement pas tuer.
Si l’on en croit les entreprises d’armement françaises, l’intégralité de leur catalogue est constitué de « systèmes de défense » destinés à assurer la sécurité des acheteurs. Dans le langage de ces industriels, le mot « armes » n’existe tout simplement pas.
Quant à Israël, l’ensemble de sa rhétorique officielle consiste à expliquer que les opérations menées contre les civils palestiniens et libanais sont de nature purement défensive.
Effets d’annonce et mensonges
« la priorité, c’est […] qu’on cesse de livrer les armes pour mener les combats sur Gaza. La France n’en livre pas. » Si l’on écoute la déclaration du président, sa prise de position ne concernerait pas la France, mais d’autres pays exportateurs d’armes.
Pourtant, la France exporte bien du matériel militaire vers Israël : en 2022, le montant des commandes israéliennes auprès des industriels français s’élevait à 15 millions d’euros. En 2023, ce montant avait doublé pour atteindre 30 millions d’euros.
Le média d’investigation Disclose a révélé qu’au moins deux entreprises françaises, Eurolinks et Thales, avaient livré des composants militaires à Israël après le 7 octobre 2023. Ce ne sont là que quelques exemples des exportations directes, généralement inconnues du grand public.
Des liens nombreux et opaques
Outre ces exportations directes, qui ne semblent déjà pas être réellement remises en question par la déclaration du président français, la France nourrit la machine de guerre israélienne de multiples façons :
- la France vend également du matériel « à double usage », qui peut être utilisé aussi bien dans les domaines civils que militaires. On pense au capteur de position vendu par Exxelia, retrouvé dans les débris d’un missile israélien qui a tué trois enfants à Gaza en 2014.
- Les entreprises françaises vendent du matériel à Israël via leurs filiales à l’étranger, comme Thales, qui possède une co-entreprise avec Elbit en Angleterre et l’utilise pour vendre des pièces de drones à Israël.
- Ces entreprises participent également à importer vers l’Europe du matériel de guerre israélien, à l’image de MBDA en Allemagne : ces contrats enrichissent directement le complexe militaro-industriel israélien.
- De nombreux autres lien de coopération existent entre la France et Israël autour des industries d’armement et de surveillance. Nous avons énuméré nombre d’entre eux dans notre Guide des entreprises françaises d’armement complice d’Israël.
→ Que recouvre vraiment l’injonction d’Emmanuel Macron à arrêter de livrer des armes à Israël, si tous ces liens continuent d’exister ?
Pendant qu’Emmanuel Macron joue sur les mots, Israël continue d’assassiner des civils par dizaines de milliers.
→ Le président français ment en affirmant que la France ne vend pas d’armes à Israël.
→ Ses déclarations sont immédiatement nuancées par la diplomatie française, désolée d’avoir froissé l’allié israélien.
→ Malgré un effet d’annonce apparemment spectaculaire, aucun changement de politique réel n’est envisagé.
La pression de la campagne internationale contre les envois d’armes à Israël a sans nul doute pesé dans cette déclaration du président français, malgré sa vacuité évidente.
Pour autant, seul un arrêt effectif de la production et du transport des armes mettra un terme à la barbarie coloniale.
Dans les bureaux, les usines, les ports et les aéroports, organisons-nous pour faire des mensonges de Macron une réalité, et obtenir l’arrêt total de tout commerce d’armement avec Israël.