Par Oren Ziv | +972 Magazine | 22 août 2018. Traduction : J. Ch. pour l’Agence Média Palestine.
Ali Dar Ali a été arrêté pour deux posts qu’il a publiés sur Facebook. Mais l’accusation et le juge s’inquiètent beaucoup plus du nombre de ses abonnés que du contenu de ses posts.
Les forces israéliennes ont arrêté Ali Dar Ali, l’un des journalistes palestiniens les plus renommés de Cisjordanie, chez lui près de Ramallah la semaine dernière, pour incitation à la violence. Lundi, un tribunal militaire israélien a prolongé sa détention préventive jusqu’à la fin des procédures judiciaires.
Ali, qui travaille pour la télévision palestinienne depuis 2007, est connu pour ses reportages en direct des manifestations en territoires occupés dans lesquels il informe régulièrement sur les accrochages entre les jeunes Palestiniens et l’armée, ainsi que sur les raids des FDI dans les villages. Très souvent, il est le seul journaliste à couvrir ces événements pendant leur déroulement, et est ainsi capable d’informer au plus près sur la vie quotidienne sous occupation.
Ali utilise souvent Facebook Live pour diffuser les événements. Il a plus de 245.000 abonnés sur Facebook, élément qui serait répétitivement mentionné et par l’accusation militaire et par le juge au Tribunal Militaire d’Ofer.
Ali a été arrêté dans son village de Braham très tôt mercredi dernier. Lundi, il a été conduit devant le Juge Shimon Leibo ; la femme d’Ali et son père étaient présents pendant l’audience, ainsi que deux militantes israéliennes qui viennent régulièrement dans les tribunaux militaires d’Israël.
Le plus souvent, quand des Palestiniens sont arrêtés pour des documents publiés sur les réseaux sociaux, le réquisitoire révèle généralement une longue liste de dizaines de posts extraits de la page Facebook de l’accusé. Dans le cas d’Ali cependant, l’accusation a choisi de faire une différence entre les posts qui ont été publiés parce que faisant partie de son travail de journaliste, et ceux dans lesquels il exprimait ostensiblement son opinion, constituant ainsi une incitation à la violence.
L’un des deux posts a été publié le Jour de la Nakba qui, cette année, tombait le même jour que l’inauguration de l’ambassade américaine à Jérusalem. Ce post comprenait la photo d’un Palestinien que l’on voit le visage camouflé jetant une pierre sous un signal routier qui dit : « Nous sommes à votre service » en arabe. Ali a sous-titré la photo « Nous sommes à votre service ». Photo de sa collègue Hudeifa Sarur. »
Il semble que l’accusation ait décidé de traiter la légende comme une forme d’incitation ou un appel pour que d’autres Palestiniens rejoignent les manifestations. Mais en voyant la photo, il est clair qu’Ali a simplement cité la pancarte – très vraisemblablement pour essayer d’attirer l’attention du lecteur – plutôt que pour faire une déclaration politique.
Le second post en question a été publié en juillet 2017, pendant les manifestations à Jérusalem Est contre les détecteurs de métaux placés à l’entrée du complexe d’Al-Aqsa. D’après l’accusation, Ali a posté sur sa page Facebook la vidéo d’une chanson qui comprenait les mots « Venge toi, Arabe, venge toi ». L’accusation a déclaré plus tard qu’Ali avait écrit sous la vidéo une légende disant : « Venge toi ».
Cependant, l’accusation n’a pas déclaré qu’Ali avait écrit la chanson ou avait édité la vidéo – simplement qu’il l’avait postée. Bien que les poursuites l’aient accusé d’incitation à la violence, avançant qu’il constituait un danger pour la sécurité publique, l’armée n’a jamais demandé à Facebook de retirer les posts, que l’on peut trouver encore sur la page d’Ali. La page inquiétée ne contient pas de traduction de la chanson en entier.
Pendant l’audition, l’avocat d’Ali, Ihab Al-Jalid, a déclaré que, même si les posts contenaient vraiment une incitation, c’était négligeable, et que pas un seul post publié depuis celui de la Journée de la Nakba n’était inclus dans l’accusation. Alors, a dit Al-Jalid, Ali devrait être libéré et présenté devant les juges en homme libre. Au lieu d’allonger sa préventive, l’avocat a suggéré une alternative à la détention, caution ou engagement signé. Par ailleurs, Al-Jalid a déclaré qu’on peut trouver des photos de jeunes gens lançant des pierres sur toutes les chaînes d’information et qu’il serait cependant ridicule de les accuser d’incitation.
En attendant, il semble que la procédure militaire soit bien plus concernée par le fait qu’Ali soit très connu dans les territoires occupés et soit très suivi. Selon l’accusateur militaire, on devrait considérer Ali comme dangereux principalement à cause de son « profil » et de « l’étendue de ses publications, sans savoir si elles sont de son cru ou s’il fait simplement passer un message ».
Le juge Leibo a semblé lui aussi dérangé par la popularité d’Ali, regardant en détail le nombre d’abonnés d’Ali, le fait qu’il ait 5.000 amis sur Facebook, et les centaines de « J’aime » qu’il reçoit après chaque post. Selon Leibo, c’est le degré d’exposition d’Ali qui a fait pencher la balance en faveur de son maintien en détention.
Ali n’a jamais été arrêté depuis qu’il a commencé à travailler comme journaliste en 2007. Mais ce fait n’a pas été suffisant pour convaincre le juge de le libérer. Selon la Société des Prisonniers Palestiniens, il y a actuellement environ 30 journalistes palestiniens dans les prisons israéliennes. Quant à cet écrit, ni l’Union des Journalistes d’Israël ni les organisations internationales n’ont émis de communiqué au sujet de la détention d’Ali.
Oren Ziv est un blogueur pour Local Call où cet article a d’abord été publié en hébreu.
Traduction : J. Ch. pour l’Agence Média Palestine
Source : +972