Lettres de l’AURDIP (Association des Universitaires pour le Respect du Droit International en Palestine) à l’Ambassadeur de France en Israël et au Directeur Général de l’École Polytechnique

L’AURDIP s’inquiète de l’existence de deux nouveaux projets de coopération scientifique et universitaire entre la France et Israël.

Lettre de l’AURDIP à l’Ambassadeur de France en Israël

AURDIP | 6 décembre 2013 (lettre du 25 Novembre 2013) |

Monsieur l’Ambassadeur de France en Israël

L’Association des Universitaires pour le Respect du Droit International en Palestine a appris que, dans le cadre du programme de Volontariat international (VI), l’Ambassade de France en Israël se propose de financer la thèse ou le post-doctorat de trois jeunes chercheurs français dans une université ou un laboratoire israélien, sur une durée d’un à deux ans, dans toutes les disciplines des sciences exactes (mathématiques, physique, astronomie, médecine, chimie, robotique, etc.). Deux postes sont à pourvoir le 1er février 2014 et le troisième le 1er avril 2014.

L’Association des Universitaires pour le Respect du Droit International en Palestine est inquiète de l’existence de ce projet et vous rappelle vos obligations en matière de respect du droit international.

Le 9 juillet 2004, la Cour internationale de Justice de La Haye a rendu, à la demande de l’Assemblée générale des Nations Unies, un Avis sur les conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé. Cet Avis déclare illégaux au regard du droit international tant le mur de séparation que les colonies de peuplement israélien construits en territoire palestinien occupé. La Cour indique, en outre, qu’il appartient à l’État d’Israël de démanteler le mur de séparation et les colonies de peuplement.

Cet Avis indique également (§154 à §160) qu’il est de la responsabilité de chaque Etat membre de la communauté internationale mais également des organisations internationales de faire respecter le droit international par l’État d’Israël. La Cour précise bien qu’il s’agit d’un devoir qui pèse sur chaque État membre de la communauté internationale et non seulement une faculté. Cette obligation implique d’exercer toutes les formes nécessaires de pression et de sanctions, dans le respect du droit international et de la Charte des Nations Unies, contre l’État d’Israël pour qu’il se conforme à l’Avis de la Cour. A l’heure où la colonisation israélienne en Cisjordanie et la construction du mur de séparation se poursuivent, nous regrettons que la France ne respecte pas cette obligation, notamment dans sa politique de financement de la recherche et nous estimons que la collaboration scientifique avec les institutions israéliennes va plutôt dans le sens de l’encouragement que de la pression ou de la sanction.

Nos inquiétudes sont aussi fondées sur le risque juridique pénal que vous encourez vous-même et que vous faites encourir à vos collaborateurs chargés de mettre en œuvre cette coopération scientifique ainsi qu’aux trois jeunes chercheurs français concernés par ce volontariat.

En effet, comme vous le savez, de nombreux universités ou laboratoires israéliens contribuent de manière active et délibérée à la politique de colonisation conduite par les pouvoirs publics israéliens en Cisjordanie. Cette politique constitue un crime de guerre tant en droit international (art. 49§6 de la IVème Convention de Genève ; art. 85§4 (a) du Protocole I additionnel ; art. 8, 2.b.viii, du Statut de la Cour pénale internationale) qu’en droit français (art. 461-26 du code pénal). Par conséquent, toute aide ou assistance, même par la simple fourniture de moyens, à cette politique constitue un acte de complicité de crime de guerre, punissable de la réclusion criminelle à perpétuité.

De la même façon de nombreux universités ou laboratoires israéliens sont également impliqués dans des programmes et des activités en lien avec des entreprises constituant le complexe militaro-industriel israélien. L’Association des Universitaires pour le Respect du Droit International en Palestine relève que de nombreux travaux de la recherche scientifique israélienne ont pour objectif direct le développement et la construction de toute une série d’armes (avions, hélicoptères, véhicules, drones, navires, missiles) et de systèmes d’armement, qui ont été vendus à l’armée israélienne et ont facilité leur mise en œuvre par cette armée. Or, il ne vous aura pas échappé que l’ensemble de ces matériels a été et est toujours utilisé par l’armée israélienne dans la bande de Gaza, soumis à un blocus illégal au regard du droit international et à d’intenses bombardements et incursions de l’armée israélienne, dont l’opération Plomb durci en décembre 2008 et janvier 2009 qui a provoqué la mort de 1.400 personnes dont près des deux tiers sont des civils – hommes, femmes et enfants. A titre d’exemple, le véhicule blindé sans pilote, le bulldozer D9, a été développé spécifiquement par la recherche israélienne. Il a été utilisé de manière intensive dans la bande de Gaza pour détruire, en violation flagrante du droit international, les maisons et les cultures de la population civile palestinienne.

Ces armes et systèmes d’armement ont été et sont encore mis en œuvre par l’armée israélienne en Cisjordanie – dans laquelle est conduite une politique active de colonisation, illégale au regard du droit international, tout comme le sont de nombreuses mesures répressives prises contre la population palestinienne -, sans oublier de mentionner leur utilisation au cours de la guerre meurtrière du Sud-Liban en 2006, de triste mémoire avec le bombardement du village de Cana ayant causé la mort de 28 civils, dont des femmes et des enfants.

L’utilisation des armes et systèmes d’armement par l’armée israélienne pour mettre en œuvre le blocus de Gaza, protéger les colonies illégales de Cisjordanie, surveiller le mur de séparation illégal, commettre des assassinats extrajudiciaires (appelés aussi « assassinats ciblés » : ils sont assurément des assassinats mais certainement pas ciblés compte tenu du nombre de victimes civiles qu’ils provoquent) et bombarder sans discrimination des zones densément peuplées de civils palestiniens, est une réalité connue de tous et assumée par les Israéliens eux-mêmes. De même, l’armée israélienne n’hésite pas, dans les zones qu’elle a pour tâche de surveiller (frontières internationales, mur de séparation illégal en Cisjordanie, barrière de sécurité qui enserre la bande de Gaza, colonies illégales de Cisjordanie), à effectuer des tirs de neutralisation, tuant ou blessant gravement des civils et qui ont, en outre, pour effet de terroriser les populations civiles qui vivent à proximité. Ainsi, les armes et systèmes d’armement ont été et sont encore actuellement le vecteur de la commission de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité relevés par de nombreux rapports des Nations Unies, dont le rapport de la Mission internationale indépendante d’établissement des faits sur le conflit à Gaza daté du 15 septembre 2009 (rapport Goldstone).

Or, le droit international considère que la fourniture d’armes et de matériels à l’auteur d’un crime de guerre ou d’un crime contre l’humanité revient à aider et encourager la perpétration du crime et donc à engager la responsabilité pénale du fournisseur en tant que complice (art. 25§ 3 et 30 du Statut de la Cour pénale internationale ; Tribunal spécial pour la Sierra Leone, Jugements des 16 mars 2006, §40 et 26 avril 2011, §149). Il s’en déduit que de fortes présomptions de complicité de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité pèsent sur des entreprises israéliennes mais également des universités ou laboratoires israéliens. Ces présomptions pourraient tout à fait concerner des chercheurs français ayant participé à des programmes scientifiques facilitant la mise au point ou l’utilisation d’armes ou de systèmes d’armement utilisés par l’armée israélienne et bien-sûr ceux qui ont supervisé ou financé leur recherches. De telles présomptions seraient susceptibles de donner lieu à des plaintes pénales en France et à l’ouverture d’une enquête préliminaire ou d’information judiciaire.

L’Association des Universitaires pour le Respect du Droit International en Palestine souhaitait vous le rappeler. Ces éléments devraient naturellement conduire l’ambassade de France à cesser toute collaboration avec les universités ou laboratoires israéliens, dont on peut raisonnablement penser qu’ils contribuent à violer le droit international humanitaire en leur qualité de complices des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité commis par l’armée et les pouvoirs publics israéliens. Nous en appelons donc à votre obligation de respecter le droit international et vous invitons à cesser toute forme de soutien à ces institutions.

A défaut, nous vous remercions par avance de bien vouloir nous indiquer les mesures concrètes qui sont prises et les garanties substantielles que vous avez obtenues de la part des institutions d’accueil pour éviter que vous-même, vos collaborateurs ainsi que les jeunes chercheurs français ne soient exposés au risque pénal exposé ci-dessus.

Je vous prie d’agréer, Monsieur l’Ambassadeur, l’expression de ma haute considération

Ivar Ekeland

Ancien Président de l’Université Paris-Dauphine

Ancien Président du Conseil Scientifique de l’École Normale Supérieure


Lettre de l’AURDIP au Directeur Général de l’École Polytechnique

AURDIP | 6 décembre 2013 (lettre du 28 Novembre 2013) |

Monsieur le Directeur Général de l’École Polytechnique

L’Association des Universitaires pour le Respect du Droit International en Palestine a appris que l’École Polytechnique vient de conclure un accord de coopération avec Technion, 
l’Institut Technologique d’Israël. D’après nos informations, ce partenariat prévoit dans le cadre d’un premier accord l’accueil de professeurs invités et l’échange d’étudiants et le développement de la recherche en partenariat. Un second accord ouvre la voie à un double-diplôme et précise que les échanges concerneront les étudiants de niveau master.

Nous avons aussi appris que plusieurs polytechniciens ont déjà effectué leur stage de 
recherche au Technion, notamment en sciences de l’ingénieur et en informatique.

L’Association des Universitaires pour le Respect du Droit International en Palestine regrette la conclusion des deux accords et la collaboration scientifique existante avec Technion, en raison des obligations en matière de respect du droit international qui pèsent sur les pouvoirs publics français, et notamment sur l’École Polytechnique, établissement placé sous la tutelle du ministre de la défense, obligations que nous nous permettons de vous rappeler.

Le 9 juillet 2004, la Cour internationale de Justice de La Haye a rendu, à la demande de l’Assemblée générale des Nations Unies, un Avis sur les conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé. Cet Avis déclare illégaux au regard du droit international tant le mur de séparation que les colonies de peuplement israélien construits en territoire palestinien occupé. La Cour indique, en outre, qu’il appartient à l’État d’Israël de démanteler le mur de séparation et les colonies de peuplement.

Cet Avis indique également (§154 à §160) qu’il est de la responsabilité de chaque État membre de la communauté internationale mais également des organisations internationales de faire respecter le droit international par l’État d’Israël. La Cour précise bien qu’il s’agit d’un devoir qui pèse sur chaque État membre de la communauté internationale et non seulement une faculté. Cette obligation implique d’exercer toutes les formes nécessaires de pression et de sanctions, dans le respect du droit international et de la Charte des Nations Unies, contre l’État d’Israël pour qu’il se conforme à l’Avis de la Cour. A l’heure où la colonisation israélienne en Cisjordanie et la construction du mur de séparation se poursuivent, nous regrettons que la France ne respecte pas cette obligation, notamment dans sa politique éducative et de recherche et nous considérons que la collaboration scientifique avec les institutions israéliennes constitue plutôt un encouragement qu’une pression ou qu’une sanction.

Nos inquiétudes sont aussi fondées sur le risque juridique pénal que vous encourez vous-même et que vous faites encourir à vos collaborateurs et professeurs chargés de mettre en œuvre cette coopération scientifique ainsi que bien-sûr à vos élèves concernés par cette coopération.

En effet, comme vous le savez, de nombreux universités ou laboratoires israéliens, dont le Technion, contribuent de manière active et délibérée à la politique de colonisation conduite par les pouvoirs publics israéliens en Cisjordanie. Cette politique constitue un crime de guerre tant en droit international (art. 49§6 de la IVème Convention de Genève ; art. 85§4 (a) du Protocole I additionnel ; art. 8, 2.b.viii, du Statut de la Cour pénale internationale) qu’en droit français (art. 461-26 du code pénal). Par conséquent, toute aide ou assistance, même par la simple fourniture de moyens, à cette politique constitue un acte de complicité de crime de guerre, punissable de la réclusion criminelle à perpétuité.

De la même façon de nombreux universités ou laboratoires israéliens sont également impliqués dans des programmes et des activités en lien avec des entreprises constituant le complexe militaro-industriel israélien. L’Association des Universitaires pour le Respect du Droit International en Palestine relève que de nombreux travaux de la recherche scientifique israélienne ont pour objectif direct le développement et la construction de toute une série d’armes (avions, hélicoptères, véhicules, drones, navires, missiles) et de systèmes d’armement, qui ont été vendus à l’armée israélienne et ont facilité leur mise en œuvre par cette armée. C’est précisément le cas de Technion, dont les liens avec les entreprises du complexe militaro-industriel israélien (par exemple les entreprises Elbit System et Rafael Advanced Defense Systems) sont anciens, connus et ont permis l’élaboration d’armes et de systèmes d’armement. Or, il ne vous aura pas échappé que l’ensemble de ces matériels a été et est toujours utilisé par l’armée israélienne dans la bande de Gaza, soumis à un blocus illégal au regard du droit international et à d’intenses bombardements et incursions de l’armée israélienne, dont l’opération Plomb durci en décembre 2008 et janvier 2009 qui a provoqué la mort de 1.400 personnes dont près des deux tiers sont des civils – hommes, femmes et enfants. A titre d’exemple, le véhicule blindé sans pilote, le bulldozer D9, a été développé spécifiquement par la recherche israélienne. Il a été utilisé de manière intensive dans la bande de Gaza pour détruire, en violation flagrante du droit international, les maisons et les cultures de la population civile palestinienne.

Ces armes et systèmes d’armement ont été et sont encore mis en œuvre par l’armée israélienne en Cisjordanie – dans laquelle est conduite une politique active de colonisation, illégale au regard du droit international, tout comme le sont de nombreuses mesures répressives prises contre la population palestinienne -, sans oublier de mentionner leur utilisation au cours de la guerre meurtrière du Sud-Liban en 2006, de triste mémoire avec le bombardement du village de Cana ayant causé la mort de 28 civils, dont des femmes et des enfants.

L’utilisation des armes et systèmes d’armement par l’armée israélienne pour mettre en œuvre le blocus de Gaza, protéger les colonies illégales de Cisjordanie, surveiller le mur de séparation illégal, commettre des assassinats extrajudiciaires (appelés aussi « assassinats ciblés » : ils sont assurément des assassinats mais certainement pas ciblés compte tenu du nombre de victimes civiles qu’ils provoquent) et bombarder sans discrimination des zones densément peuplées de civils palestiniens, est une réalité connue de tous et assumée par les Israéliens eux-mêmes. De même, l’armée israélienne n’hésite pas, dans les zones qu’elle a pour tâche de surveiller (frontières internationales, mur de séparation illégal en Cisjordanie, barrière de sécurité qui enserre la bande de Gaza, colonies illégales de Cisjordanie), à effectuer des tirs de neutralisation, tuant ou blessant gravement des civils et qui ont, en outre, pour effet de terroriser les populations civiles qui vivent à proximité. Ainsi, les armes et systèmes d’armement ont été et sont encore actuellement le vecteur de la commission de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité relevés par de nombreux rapports des Nations Unies, dont le rapport de la Mission internationale indépendante d’établissement des faits sur le conflit à Gaza daté du 15 septembre 2009 (rapport Goldstone).

Or, le droit international considère que la fourniture d’armes et de matériels à l’auteur d’un crime de guerre ou d’un crime contre l’humanité revient à aider et encourager la perpétration du crime et donc à engager la responsabilité pénale du fournisseur en tant que complice (art. 25§ 3 et 30 du Statut de la Cour pénale internationale ; Tribunal spécial pour la Sierra Leone, Jugements des 16 mars 2006, §40 et 26 avril 2011, §149). Il s’en déduit que de fortes présomptions de complicité de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité pèsent sur des entreprises israéliennes mais également des universités ou laboratoires israéliens. Ces présomptions pourraient tout à fait concerner des professeurs, chercheurs ou étudiants français ayant participé à des programmes scientifiques facilitant la mise au point ou l’utilisation d’armes ou de systèmes d’armement utilisés par l’armée israélienne et bien-sûr ceux qui ont supervisé ou financé leur recherches. De telles présomptions seraient susceptibles de donner lieu à des plaintes pénales en France et à l’ouverture d’une enquête préliminaire ou d’information judiciaire.

L’Association des Universitaires pour le Respect du Droit International en Palestine souhaitait vous le rappeler. Ces éléments devraient naturellement conduire l’école Polytechnique à cesser toute collaboration avec les universités ou laboratoires israéliens et avec Technion en particulier, dont on peut raisonnablement penser qu’ils contribuent à violer le droit international humanitaire en leur qualité de complices des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité commis par l’armée et les pouvoirs publics israéliens. Nous en appelons donc à votre obligation de respecter le droit international et vous invitons à cesser toute forme de soutien ou de collaboration à ces institutions.

A défaut, nous vous remercions par avance de bien vouloir nous indiquer les mesures concrètes qui sont prises et les garanties substantielles que vous avez obtenues de la part de Technion pour éviter que vous-même, vos collaborateurs ainsi que vos élèves ne soient exposés au risque pénal exposé ci-dessus.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Directeur Général, l’expression de ma haute considération

Ivar Ekeland

Président de l’AURDIP

Ancien Président de l’Université Paris-Dauphine

Ancien Président du Conseil Scientifique de l’École Normale Supérieure