Depuis des décennies, Israël a recours à une série de mesures destinées à rendre la vie impossible dans des dizaines de communautés palestiniennes de Cisjordanie. Ces mesures font partie d’une tentative visant à forcer les résident.e.s de ces communautés à se déraciner, apparemment de leur propre chef. Une fois cette étape franchie, l’État pourra réaliser son objectif de s’emparer de la terre. Pour atteindre cet objectif, Israël interdit aux membres de ces communautés de construire des maisons, des structures agricoles ou des bâtiments publics. Il ne leur permet pas de se connecter aux réseaux d’eau et d’électricité ni de construire des routes, et lorsqu’ils le font, parce qu’ils n’ont pas d’autre choix, Israël les menace de démolition, et met souvent ses menaces à exécution.
Par B’Tselem, en septembre 2023
La violence des colons est un autre outil utilisé par Israël pour tourmenter davantage les Palestinien.e.s vivant dans ces communautés. Ces attaques se sont considérablement aggravées sous le gouvernement actuel, transformant la vie dans certains endroits en un cauchemar sans fin et privant les habitant.e.s de toute possibilité de vivre avec un minimum de dignité. La violence a privé les résident.e.s palestinien.ne.s de leur capacité à continuer à gagner leur vie. Elle les a terrorisés au point de craindre pour leur vie et leur a fait comprendre qu’il n’y avait personne pour les protéger.
Cette réalité n’a pas laissé d’autre choix à ces communautés et plusieurs d’entre elles se sont déracinées, quittant leur foyer pour des lieux plus sûrs. Des dizaines de communautés dispersées en Cisjordanie vivent dans des conditions similaires. Si Israël poursuit cette politique, leurs habitant.e.s pourraient également être déplacé.e.s, ce qui permettrait à Israël d’atteindre son objectif et de s’emparer de leurs terres.
Contexte
Des dizaines de communautés de berger.e.s palestinien.ne.s sont disséminées en Cisjordanie. Parce qu’Israël considère ces communautés comme « non reconnues », il ne leur permet pas de se connecter aux réseaux d’eau et d’électricité ou au réseau routier. Israël considère également que toutes les structures construites dans ces communautés – maisons, bâtiments publics et structures agricoles – sont « illégales » et émet des ordres de démolition à leur encontre, qu’il exécute dans certains cas. Certaines structures ont été démolies et reconstruites plusieurs fois.
Ces dernières années, les colons ont construit des dizaines d’avant-postes et de petites fermes à proximité de ces communautés avec l’aide de l’État, et depuis lors, la violence à l’encontre des Palestinien.ne.s vivant dans la région a augmenté, atteignant de nouveaux sommets sous le gouvernement actuel. Ces attaques violentes, qui sont devenues une routine quotidienne terrifiante, consistent notamment à chasser les berger.e.s et les agriculteurs.rices palestinien.ne.s des pâturages et des champs, à agresser physiquement les résident.e.s des communautés, à pénétrer dans leurs maisons au milieu de la nuit, à mettre le feu aux biens palestiniens, à effrayer le bétail, à détruire les récoltes, à voler et à fermer les routes. Les résident.e.s palestinien.ne.s ont également signalé que les vannes des réservoirs d’eau avaient été ouvertes et que des troupeaux de colons avaient été abreuvés dans les réservoirs d’eau palestiniens.
Dans ces conditions, les habitant.e.s de ces communautés ne pouvaient plus continuer à se rendre dans leurs pâturages et leurs champs. Une fois les Palestinien.ne.s parti.e.s, les colons ont commencé à cultiver leurs champs sous la protection des soldats. Dans d’autres endroits, les colons ont commencé à faire paître leurs propres troupeaux dans les pâturages qui étaient jusqu’à récemment utilisés par les berger.e.s palestinien.ne.s. N’ayant plus accès aux pâturages, les Palestinien.ne.s ont dû acheter du fourrage et de l’eau pour leurs troupeaux à un prix élevé, ce qui a entraîné des pertes financières considérables, détruisant de fait leurs moyens de subsistance.
Le gouvernement actuel joue un rôle important dans cette situation. S’il n’a pas introduit de restrictions à la construction palestinienne, aux démolitions de maisons et au recours à la violence des colons pour prendre le contrôle des terres palestiniennes, il confère une légitimité totale à la violence des colons contre les Palestinien.ne.s en encourageant et en soutenant publiquement les auteurs de ces actes. Les membres de ce gouvernement ont eux-mêmes mené de telles violences dans le passé. Ce sont eux qui sont aujourd’hui chargés d’élaborer la politique. Ils allouent les fonds qui financent la violence et sont responsables de l’application de la loi aux colons qui attaquent les Palestinien.ne.s.
Ce gouvernement ne s’embarrasse même pas des condamnations vides de sens que l’on entendait autrefois après ces actes de violence, faisant ici au contraire l’éloge des colons violents. Alors que les gouvernements précédents insistaient pour maintenir la mascarade d’un système d’application de la loi opérationnel qui enquête et poursuit les Israélien.ne.s qui s’en prennent aux Palestinien.ne.s, les membres de ce gouvernement s’efforcent d’en effacer toute trace, un ministre appelant à « effacer Huwarah », des membres des partis de la coalition rendant visite à l’hôpital à un Israélien soupçonné d’avoir tué un Palestinien et des ministres refusant de condamner la violence, tout en tolérant l’un après l’autre les pogroms dans les communautés palestiniennes.
Les premières à subir les conséquences de ce changement sont les communautés palestiniennes les plus isolées et les plus vulnérables. Ces communautés vivent dans les conditions les plus élémentaires, entourées d’avant-postes de colonies dont les habitant.e.s ont carte blanche pour leur faire du mal en toute impunité. Si les Palestinien.ne.s des communautés plus établies comme Turmusaya et Um Safa n’ont reçu aucune protection alors que les soldat.e.s et les officier.e.s de police ont collaboré avec les pogromistes, quel espoir les résident.e.s de ces communautés de berger.e.s isolées ont-ils ? Craignant pour leur survie, réalisant qu’eux.elles et leurs enfants ont été abandonné.e.s à leur sort, tout en perdant leurs sources de revenus, il est compréhensible qu’ils.elles n’aient plus aucun moyen de continuer à vivre dans leurs communautés et qu’ils.elles aient été contraints de les quitter.
Les communautés déplacées
Au cours des deux dernières années, au moins six communautés de Cisjordanie ont été déplacées.
Quatre de ces communautés vivaient au nord et au nord-est de Ramallah. Certains de leurs membres vivaient sur des terres appartenant à d’autres Palestinien.ne.s qui avaient accepté de les y laisser vivre après avoir été déplacés d’autres endroits en Israël et en Cisjordanie. Plusieurs avant-postes résidentiels et agricoles israéliens ont été établis autour de ces communautés ces dernières années, avec l’aide de l’État, le premier d’entre eux, La ferme de Micha, ayant été créé en 2018. Comme ailleurs en Cisjordanie, ces avant-postes de colonisation ont été presque immédiatement raccordés aux réseaux d’eau et d’électricité, ainsi qu’au réseau routier. Ils ont bénéficié de l’immunité contre la démolition et leurs habitant.e.s travaillent en parfaite collaboration avec l’armée, qui leur assure une protection. Certains de ces avant-postes ont été établis dans des zones où, officiellement, aucune communauté ne peut être construite, Israël les ayant déclarées « zones de tir », mais ils ont néanmoins reçu le soutien de l’État.
Les quatre communautés déplacées dans cette région sont:
- Ras a-Tin : Le 7 juillet 2022, les quelque 120 membres de cette communauté, dont la moitié environ étaient des mineur.e.s, se sont déracinés. La communauté a été créée à la fin des années 1960 par des Palestinien.ne.s qu’Israël avait déplacés des collines du sud d’Hébron sur des terres palestiniennes privées et enregistrées appartenant à des résidents de Kafr Malik et d’al-Mughayir. Au fil des ans, l’administration civile a émis des ordres de démolition à l’encontre des structures de certain.e.s résident.e.s et, jusqu’à aujourd’hui, Israël a démoli trois structures non résidentielles dans la communauté. L’administration civile a également émis un ordre de démolition pour l’école construite par les résident.e.s de la communauté. En 2018, La ferme de Micha, un avant-poste de la colonie, a été construite près de la communauté et, à la suite de son installation, les résidents de la communauté ont signalé une augmentation significative des incidents violents, y compris le harcèlement, le vol, le vandalisme et la violence verbale, qui sont devenus une routine quotidienne.
- ‘Ein Samia : Le 22 mai 2023, les dernier.e.s résident.e.s de la communauté de ‘Ein Samia, où vivent 28 familles pour un total d’environ 200 membres, ont abandonné leurs maisons. La communauté s’est installée sur le site, sur des terres louées aux habitants de Kafr Malik, une localité voisine, en 1980, après avoir été déplacée par Israël à plusieurs reprises depuis d’autres endroits. Au fil des ans, l’administration civile a émis des ordres de démolition à l’encontre de certaines structures des résident.e.s et, jusqu’à aujourd’hui, Israël a démoli 21 maisons dans la communauté, qui abritait 83 personnes, dont 52 mineur.e.s, ainsi que 28 autres bâtiments non résidentiels. L’administration civile a également émis un ordre de démolition pour l’école de la communauté, qui était censée accueillir ses quelque 40 enfants. En octobre 2022, le tribunal de district de Jérusalem a rejeté une requête déposée par des résident.e.s locaux.ales pour suspendre la démolition. Les habitant.e.s ont quitté les lieux avant que l’ordre de démolition ne soit exécuté. Les habitant.e.s d’Ein Samia ont également signalé une augmentation significative de la violence des colons à partir de 2018. Une semaine avant le départ de la communauté, la police a confisqué des dizaines de moutons et de chèvres à ses résidents sous le prétexte fallacieux qu’ils avaient été volés à des colons. Les colons sont entrés dans la communauté pendant la nuit, ont attaqué les résidents locaux et l’école, ont fait voler un drone au-dessus d’eux et ont incendié des pâturages. Ils ont également lâché leur troupeau dans les champs de la communauté, et les animaux ont consommé toute leur récolte.
- al-Baq’ah : Le 10 juillet 2023, 33 personnes, dont 21 mineur.e.s, ont été déplacées. Le 1er septembre 2023, la dernière famille restante, composée de 5 personnes dont un mineur, a également été déplacée. Leur départ a été précédé d’attaques quotidiennes de la part de colons qui avaient établi une ferme à environ 50 mètres des maisons de la communauté, installé des panneaux solaires, s’étaient raccordés à l’infrastructure d’eau desservant l’avant-poste voisin de Neve Erez et avaient pris le contrôle de la route d’accès de la communauté à la route principale. Les colons ont également fait paître leur troupeau, comptant entre 60 et 70 têtes de moutons, dans les pâturages de la communauté et ont harcelé les berger.e.s de la communauté qui faisaient paître leurs propres troupeaux. Le 7 juillet 2023, vers 6h30, une tente de la communauté, plus isolée que les autres, a été incendiée. La famille était sortie à ce moment-là, car elle passait ses nuits ailleurs depuis l’établissement de l’avant-poste, par crainte des attaques des colons. La famille a vu l’incendie de loin et a appelé la police, mais personne n’est venu sur les lieux.
- al-Qabun : La communauté, qui comptait 12 familles, soit 86 résident.e.s, dont 26 mineur.e.s, a été déplacée au début du mois d’août 2023. La communauté vivait sur le site depuis 1996, après qu’Israël a chassé ses membres du désert du Néguev au début des années 1950. Au fil des ans, l’administration civile a émis des ordres de démolition à l’encontre de certaines structures des résident.e.s et, jusqu’à aujourd’hui, Israël a démoli six maisons, qui abritaient 41 personnes, dont 18 mineur.e.s, et 12 bâtiments non résidentiels. En février de cette année, des colons ont établi un avant-poste près de la communauté, à l’intérieur d’une zone qu’Israël avait déclarée « zone de tir ». Les colons ont harcelé les habitant.e.s, qui ont déclaré qu’ils marchaient autour de leurs maisons, qu’ils y entraient même, qu’ils arrivaient à cheval et en VTT tard dans la nuit, qu’ils les intimidaient, qu’ils s’emparaient de leurs champs et qu’ils les empêchaient de faire paître leur troupeau.
Au moins deux autres communautés ont été déplacées de force dans les collines du sud d’Hébron. La première était Khirbet Simri, un hameau de deux familles appartenant à deux frères et comptant au total 20 membres, dont huit mineur.e.s. En 1998, l’avant-poste de Mitzpe Yair a été établi au sommet de la colline où vivait la communauté, ce qui a entraîné une recrudescence de la violence. Les colons harcèlent les membres de la communauté, les menacent, pénètrent dans leurs maisons, les empêchent de faire paître leurs troupeaux et entrent dans leurs maisons. En 2020, les colons ont fait venir un troupeau de bovins qu’ils ont fait paître sur des terres que les habitant.e.s de la communauté utilisaient comme pâturages. En juillet 2022, les habitant.e.s ont décidé de partir.
La deuxième communauté à partir est celle de Widady a-Tahta, qui compte également 20 résident.e.s, dont 12 mineur.e.s. La communauté vivait sur le site depuis environ 50 ans. Il y a environ deux ans, les colons ont établi un avant-poste à environ 500 mètres des maisons de la communauté. Depuis lors, les colons ont bloqué à plusieurs reprises l’accès des membres de la communauté aux pâturages autour de leurs maisons, notamment en utilisant un drone pour effrayer et disperser le troupeau. Des colons armés ont également pénétré à plusieurs reprises dans les maisons des habitant.e.s, parfois accompagnés d’un chien, à toute heure, attaquant les membres de la communauté, les battant et les menaçant sous la menace d’une arme. En outre, il y a environ un an, l’administration civile a émis des ordres de démolition pour toutes les structures du petit hameau – trois structures résidentielles et un enclos pour le bétail. Le 27 juin 2023, deux colons armés sont entrés dans la communauté et ont menacé l’un des habitants, qui faisait paître ses moutons près de sa maison. Il s’est enfui pour appeler des membres de sa famille à l’aide, et les colons ont essayé de voler les moutons, mais lorsqu’ils ont vu les résident.e.s approcher, ils les ont abandonnés et sont retournés à l’avant-poste. La famille a contacté la police, mais celle-ci a refusé de l’aider. Après cet incident, la famille a décidé que le danger était trop grand et qu’elle devait partir.
Une politique de longue date
Ces communautés n’ont pas pris la décision de se déraciner dans le vide. C’est le résultat direct de la politique d’Israël, qui est conçue pour atteindre ce résultat exact : déplacer les Palestinien.ne.s et réduire leur espace de vie afin de transférer leurs terres aux mains des Juifs.ves. Cette politique repose sur une série de restrictions et de mesures et pratiques abusives de la part de l’État et de ses agents, plus ou moins sévères, appliquées officiellement et officieusement.
La version officielle : Restrictions extrêmes en matière de construction et de développement
Israël interdit effectivement la construction et le développement palestiniens dans la zone C, qui comprend 60 % de la Cisjordanie. Cette zone abrite 200 000 à 300 000 Palestinien.ne.s, dont des milliers vivent dans des dizaines de communautés de berger.e.s et d’agriculteurs.rices. Bien que la plupart des résident.e.s palestinien.ne.s de Cisjordanie vivent dans les zones définies comme A et B par les accords d’Oslo, qui ont été signés il y a une trentaine d’années en tant qu’accord intérimaire de cinq ans, tous.tes les Palestinien.ne.s sont concerné.e.s par l’interdiction de construire. En effet, lorsque les accords d’Oslo ont été signés, les zones A et B étaient déjà largement peuplées, tandis que les zones présentant un potentiel de développement urbain, agricole et économique se trouvaient principalement dans la zone C. Depuis, la population palestinienne a presque doublé.
Pour empêcher la construction palestinienne dans la zone C, Israël a défini environ 60 % de cette zone comme interdite à la construction palestinienne en attachant diverses définitions juridiques à de vastes zones (qui se chevauchent parfois) : La « terre d’État » représente environ 35 % de la zone C, les terrains d’entraînement militaire (zones de tir) représentent environ 30 % de la zone C, les réserves naturelles et les parcs nationaux couvrent 14 % de la zone C et les juridictions des colonies représentent 16 % de la zone C. Israël mène une guerre implacable contre les Palestinien.ne.s vivant dans ces zones, les chassant régulièrement de leurs terres sous de faux prétextes, tels que l’ »entraînement militaire », démolissant leurs maisons et confisquant leurs biens.
Dans les 40 % restants de la zone C, Israël, qui exerce un contrôle total et exclusif sur la construction et la planification en Cisjordanie, applique des restrictions extrêmes à la construction et au développement. L’administration civile refuse de préparer des plans directeurs pour la grande majorité des communautés palestiniennes de cette zone. Les quelques plans directeurs qui ont été approuvés par l’administration civile, représentant moins de 1 % de la zone C et dans des zones qui sont pour la plupart déjà construites, ne répondent pas aux critères de planification acceptés dans le monde d’aujourd’hui.
Les chances qu’un.e Palestinien.ne reçoive un permis de construire, même sur un terrain privé, sont minuscules. Selon les chiffres fournis par l’administration civile à Peace Now, au cours de la décennie 2009-2018, seuls 98 permis de construire résidentiels, industriels, agricoles et d’infrastructure ont été approuvés sur 4 422 demandes de permis soumises (2 %). Selon les chiffres fournis à l’ONG israélienne Bimkom, sur 2 550 demandes soumises entre 2016 et 2020, 24 ont été approuvées (moins de 1 %). Le nombre de demandes de permis soumises ne reflète pas nécessairement les besoins des Palestinien.ne.s en matière de construction, car la plupart des Palestinien.ne.s ne se donnent plus la peine de soumettre des demandes de permis de construire, sachant qu’elles seront de toute façon rejetées.
L’absence de plans directeurs empêche non seulement la construction résidentielle, mais aussi la construction de bâtiments publics, tels que des écoles et des installations médicales, ainsi que la construction d’infrastructures, notamment les raccordements au réseau routier et aux réseaux de distribution d’eau et d’électricité. En raison du changement climatique, les restrictions imposées aux infrastructures rendent la vie des résident.e.s palestinien.ne.s plus difficile d’année en année. Non seulement Israël empêche les habitant.e.s de se connecter aux infrastructures, mais il les empêche également de subvenir à leurs besoins de manière indépendante, en interdisant le creusement de citernes d’eau et l’installation de systèmes solaires et en confisquant régulièrement les réservoirs d’eau. Sans raccordement à l’eau courante, la consommation d’eau dans ces communautés est de 26 litres par jour et par personne, ce qui est similaire à la consommation d’eau dans les zones sinistrées et représente environ un quart des 100 litres par jour et par personne recommandés par l’Organisation Mondiale de la Santé.
Dans ces conditions, les Palestinien.ne.s sont contraint.e.s de faire avancer le développement de leurs communautés et de construire leurs maisons sans permis. Ils ne le font pas parce qu’ils.elles sont des criminel.le.s, mais parce qu’ils.elles n’ont pas la possibilité de construire légalement. L’administration civile émet des ordres de démolition à l’encontre de ces structures et les exécute parfois. Selon les chiffres de B’Tselem, entre 2006 et le 31 juillet 2023, Israël a démoli 2 123 maisons en Cisjordanie. 8 580 personnes ont perdu leur logement lors de ces démolitions, dont 4 324 mineur.e.s. Au cours de cette période, Israël a également démoli 3 387 structures non résidentielles.
Ainsi, en utilisant un vocabulaire juridique et urbanistique stérile et en s’appuyant sur des ordres militaires et des « lois sur la planification et la construction », Israël parvient à chasser les Palestinien.ne.s des vastes zones qu’il convoite et à les enfermer dans des zones plus petites, où il met leur vie en suspens et applique des politiques visant à leur refuser tout développement. Les Palestinien.ne.s sont contraints de vivre dans l’incertitude permanente quant à leur avenir et dans la peur constante que le personnel de l’administration civile vienne délivrer des ordres de démolition ou démolir ce qu’ils ont déjà construit. Ils vivent dans un état de privation constant, dans des conditions qui ne peuvent être comparées à celles des colonies construites à proximité de leurs communautés et souvent sur leurs terres.
La version non officielle : La violence des colons
L’accaparement des terres par Israël se traduit également par des actes de violence quotidiens perpétrés par des bandes de colons qui agissent sans crainte de représailles et qui sont armés, soutenus, encouragés et financés par l’État, que ce soit directement ou indirectement. Ces actes de violence font partie d’une vaste stratégie visant à déplacer les Palestinien.ne.s de la zone C.
Ces dernières années, environ 70 « fermes agricoles » ont été créées en Cisjordanie. La création d’une ferme nécessite beaucoup moins de ressources que la construction d’une colonie et, grâce au pâturage des moutons et des bovins, ces fermes permettent de s’emparer facilement de vastes zones couvrant des milliers de dounams, qui contiennent généralement des pâturages, des ressources en eau et des terres cultivées par les Palestinien.ne.s. Les colons qui résident dans ces fermes terrorisent les Palestinien.ne.s qui vivent à proximité.
Les principales tactiques utilisées par les colons consistent à s’approprier les pâturages en y faisant paître des moutons et des bovins, à foncer en VTT sur les troupeaux palestiniens et à les survoler à l’aide de drones pour effrayer et disperser les animaux, à user de violence physique à l’encontre des résident.e.s palestinien.ne.s des communautés – dans les pâturages et les champs agricoles et à l’intérieur de leurs habitations – et à endommager les sources d’eau.
Grâce à ces tactiques, les colons ont réussi à chasser les berger.e.s et les agriculteurs.rices palestinien.ne.s des champs, des pâturages et des sources d’eau sur lesquels ils.elles comptaient depuis des générations et à en prendre le contrôle. Des recherches menées par B’Tselem il y a environ deux ans ont montré que cinq petites fermes de colons, avec seulement quelques dizaines de résident.e.s – généralement une famille ou deux et quelques jeunes – ont pris le contrôle d’une zone couvrant un total de plus de 28 000 dunams (1 dunam = 1 000 mètres carrés) de terres agricoles et de pâturages utilisés par les communautés palestiniennes depuis des générations.
L’armée, qui est parfaitement au courant de ces actes, évite par principe de se confronter aux colons violents et, au lieu de cela, les soldat.e.s participent parfois eux-mêmes à ces actes ou protègent les colons à distance. L’inaction d’Israël se poursuit après les attaques de colons contre des Palestinien.ne.s, les autorités chargées de faire respecter la loi faisant tout leur possible pour éviter de réagir à ces incidents. Les plaintes sont difficiles à déposer et, dans les rares cas où des enquêtes sont effectivement ouvertes, le système les blanchit rapidement. Les actes d’accusation ne sont pratiquement jamais déposés contre les colons qui s’en prennent aux Palestinien.ne.s, et ceux qui le sont citent généralement des infractions mineures, assorties de peines symboliques, dans les rares cas où une condamnation est prononcée.
Rien de nouveau. Les violences commises par les colons à l’encontre des Palestinien.ne.s sont documentées depuis les premiers jours de l’occupation dans d’innombrables documents et dossiers gouvernementaux, des milliers de témoignages de Palestinien.ne.s et de soldat.e.s, des livres, des rapports d’organisations palestiniennes, israéliennes et internationales de défense des droits de l’homme et des milliers de reportages dans les médias. Cette documentation abondante et cohérente n’a eu pratiquement aucun effet sur la violence des colons à l’encontre des Palestinien.ne.s, qui fait depuis longtemps partie intégrante de la vie sous l’occupation en Cisjordanie.
Cette politique a laissé les Palestinien.ne.s sans aucune protection, privé.e.s même du droit de se défendre contre les personnes qui envahissent leurs maisons. Lorsque les Palestinien.ne.s tentent de repousser les colons qui les attaquent, notamment en lançant des pierres, les soldat.e.s qui, jusque-là, se tenaient à l’écart ou participaient à l’attaque, tirent sur eux des grenades lacrymogènes, des grenades incapacitantes, des balles en métal recouvertes de caoutchouc et même des balles réelles. Dans certains cas, des Palestinien.ne.s sont également arrêté.e.s et certain.e.s sont poursuivi.e.s en justice.
L’État ne légitime pas seulement la violence contre les Palestinien.ne.s, mais aussi les résultats de ces actes, en autorisant les colons à rester sur les terres qu’ils ont prises de force aux Palestinien.ne.s. L’armée interdit aux Palestinien.ne.s de pénétrer dans ces zones et l’État soutient pleinement les colonies qui y sont établies. Des dizaines d’avant-postes et d’exploitations agricoles construits sans autorisation officielle sont encore debout, tandis qu’Israël apporte son soutien par l’intermédiaire de ministères, de la division des colonies de l’Organisation sioniste mondiale et de conseils régionaux en Cisjordanie. L’État subventionne également les projets financiers dans les avant-postes, y compris les installations agricoles, fournit une aide aux nouveaux.elles agriculteurs.rices et aux berger.e.s, alloue de l’eau et défend légalement les avant-postes dans les pétitions visant à les démanteler.
C’est ainsi que les transferts forcés ont commencé, et c’est ainsi qu’ils se poursuivent
Israël s’efforce de rendre la vie des habitant.e.s des communautés situées dans les zones qu’il convoite misérable au point qu’ils n’en peuvent plus et se déracinent, laissant leurs maisons et leurs terres à la disposition de l’État. Cette politique est mise en œuvre par deux voies parallèles. Dans la première, approuvée par les ordres militaires, les conseillers juridiques et la Cour suprême, l’État expulse les Palestinien.ne.s de leurs terres. Dans l’autre, les colons recourent à la violence contre les Palestinien.ne.s, avec l’aide et la complicité des forces de l’État, et parfois avec leur participation. Cette politique a conduit au transfert forcé d’au moins six communautés, mais de nombreuses autres communautés de Cisjordanie subissent la même brutalité et sont sous la menace immédiate d’une expulsion.
Il s’agit d’une politique illégale qui implique Israël dans le crime de guerre qu’est le transfert forcé. Le droit international, qu’Israël est tenu de respecter et s’est engagé à respecter, interdit le transfert forcé de résident.e.s d’un territoire occupé, quelles que soient les circonstances. Le fait que, dans ce cas particulier, les soldat.e.s n’aient pas débarqué dans les maisons des résident.e.s et ne les aient pas physiquement forcés à sortir n’est pas pertinent. La création d’un environnement coercitif qui ne laisse pas d’autre choix aux résidents suffit à rendre Israël responsable de ce crime.
Ces communautés ne sont pas déplacées en raison d’une catastrophe naturelle ou d’autres circonstances inévitables. C’est un choix que fait le régime d’apartheid pour réaliser son objectif de maintenir la suprématie juive dans toute la région située entre le Jourdain et la mer Méditerranée. Ce régime considère la terre comme une ressource destinée à servir uniquement le public juif, et la terre est donc utilisée presque exclusivement pour le développement et l’expansion des colonies juives existantes et pour l’établissement de nouvelles colonies.
En tant que tel, s’opposer au transfert en cours est un devoir, et il n’y a évidemment aucune obligation de continuer à coopérer avec la mise en œuvre des politiques qui le motivent. Des segments croissants de l’opinion publique israélienne ont récemment déclaré leur refus de servir dans l’armée d’un pays non démocratique. Rien n’est plus digne que de refuser de participer à la perpétration d’un crime de guerre et à la mise en œuvre d’une politique de transfert.
Source: B’Tselem