Le rapport Colonna sur l’UNWRA récusé par Israël
On croit rêver, et on ne sait quelle métaphore prendre. La paille et la poutre, ce serait trop gentil. Rechercher dans les fables de La Fontaine quand le brigand demande des comptes au volé et que l’avocat de ce dernier se contente de lui trouver des circonstances atténuantes.
Résumons. Après le 7 octobre et parallèlement à son bombardement systématique de la population de Gaza, Israël met en accusation l’UNWRA parce que parmi les milliers de Palestiniens qu’elle emploie quelques-uns auraient participé aux actions du 7 octobre.
Apparemment, pas de preuves d’une participation directe de ces salariés aux actions contre les civils israéliens.
Mais Israël annonce que la direction de l’UNWRA et bientôt le Secrétaire Général de l’ONU lui-même seraient les alliés directs du terrorisme islamique du Hamas.
Que fait l’ONU ? Elle mandate Catherine Colonna, récemment dégagée de la responsabilité des Affaires étrangères françaises, pour un rapport sur l’Agence onusienne, poumon artificiel de survie de la population palestinienne, tant à Gaza qu’en Cisjordanie ou dans les camps de réfugiés hors Palestine.
En diplomate avertie Catherine Colonna s’appuie sur les organisations les plus reconnues pour établir un rapport nuancé sur le fait que l’UNWRA en gros a fait ce qu’elle devait, qu’Israël n’apporte pas les preuves de l’implication de salariés de l’UNWRA dans des crimes de guerre, mais que peut-être dans la totalité des actions qu’elle mène il y aurait peut-être, ici ou là, des contrôles à effectuer ; notamment, retour du serpent de mer, malgré des efforts certains, il reste selon le rapport de l’Institut Eckert qui fait référence des traces de discours antisémites dans des manuels scolaires que l’on pourrait trouver dans des écoles gérées par l’UNWRA – sans que l’on sache d’ailleurs si ces traces sont encore en vigueur.
La réaction d’Israël ? C’est un scandale absolu. En ne reconnaissant pas comme preuves les éléments que (nous) avons apporté, l’ONU, son Secrétaire Général, son Agence, montrent qu’ils sont des agents directs du Hamas, de ses crimes et de ses discours antisémites.
On croit rêver.
Au moment même où Israël, État d’apartheid poursuivant un colonialisme de peuplement, est engagé dans une action génocidaire contre la population de la bande de Gaza, au moment où l’armée israélienne accompagne les colons armés dans des actions criminelles en Cisjordanie,
au moment où des autorités israéliennes comparent les Gazaouis à des animaux, au moment où se multiplient les vidéos où des soldats israéliens se filment dévastant des chambres d’enfants ou tuant à bout portant des mineurs ou des vieillards, Madame Colonna se sent obligée de concéder que tout n’est peut-être pas parfait dans les manuels scolaires palestiniens, et que peut-être parmi les salariés de l’UNWRA certains Palestiniens de Gaza auraient participé à la sortie de cette prison à ciel fermé.
Entendons nous bien. Si on trouve dans un manuel un cliché antisémite, une allusion antisémite, un point de vue antisémite, une référence à un texte tel le Protocole des Sages de Sion, il faut sans faiblesse le dénoncer et exiger que le manuel soit expurgé.
Mais le rapport semble bien aller au delà. Il dit que les manuels ont aussi des traces d’antisionisme. C’est-à-dire que l’on reproche aux Palestiniens, victimes d’une dépossession de leur territoire depuis plus d’un siècle, de ne pas approuver la création d’un Etat juif sur le territoire de la Palestine.
Comment pourrait-il en être autrement ? Et même, comment reprocher aux Palestiniens de considérer qu’ils sont victimes des Juifs, quand l’État qui les dépossède prétend être l’État nation du peuple juif et parler au nom des Juifs du monde entier ?
Mais plus encore, comment, au moment même où Israël est engagé dans l’action génocidaire en cours, chercher des bricoles dans les manuels scolaires palestiniens sans dire un mot du système éducatif israélien qui conduit des gamins en uniforme à se filmer en train de dévaster des chambres d’enfants ? Comment ne pas faire état des études montrant comment les enfants israéliens sont élevés dans l’idée que toute la Palestine est leur pays et qu’ils y ont tous les droits ?
En accusant l’ONU et l’UNWRA d’antisémitisme, Israël est fidèle à sa méthode, celle qui vise à criminaliser la critique de son action.
En défendant l’UNWRA avec nuances, Catherine Colonna est fidèle à la méthode des États occidentaux. Etre sur la défensive par rapport aux critiques israéliennes, ne pas remettre en cause Israël, son action, et notamment l’éducation raciste et suprémaciste qu’elle développe chez ses enfants dès le plus jeune âge.
Nous attendons de l’ONU, du gouvernement français, de l’Union européenne, un changement radical d’attitude, si ces instances veulent être en conformité avec les valeurs qu’elles prétendent défendre.