La justice de ce pays, aujourd’hui, me met en examen

assa

Lundi 12 avril 2021 à 10h00, Tribunal Judiciaire de Paris, Parvis du Tribunal 75017 Paris.

Voilà où nous en sommes… Bientôt cinq ans que mon frère Adama est mort sur le sol de la gendarmerie de persan. Mort, entre les mains des gendarmes. Ces hommes ont été entendus. Une fois. Ils ont expliqué avoir écrasé mon frère, de tout leur poids. Longtemps, et avec force… Parce qu’il faut du temps pour étouffer quelqu’un, il faut peser lourd pour lui couper le souffle. Les gendarmes sont libres, mon frère est mort.

Nous réclamons la vérité, dans un combat de tous les instants, nous tenons bon, grâce à tous, grâce aux nombreux soutiens, grâce à cette France qui croit encore en la justice, qui croit que la vérité vaincra. La justice française ne mérite pas son nom, quand c’est encore nous, les membres de la famille Traoré, qu’elle continue de prendre pour cible, en multipliant les procédures contre mes frères, contre moi.

Je suis poursuivie parce que j’ose dire que mon frère est mort entre les mains de quatre gendarmes qui ne sont toujours pas mis en examen, pas même inquiétés. Trois gendarmes qui eux-mêmes ont expliqué avoir écrasé mon frère. Trois gendarmes qui l’ont vu mourir, le jour de son anniversaire. Trois gendarmes qui l’ont gardé menotté sur le sol brûlant de la gendarmerie alors que son coeur cessait de battre. Trois gendarmes dont les multiples expertises prouvent qu’ils ont joué un rôle dans le processus qui a conduit à la mort de mon frère.

La justice n’est pas pressé de les entendre. Ni de les mettre en examen. Elle se hâte pourtant de me poursuivre quand je parle, quand je dis haut et fort que mon frère n’aurait pas dû mourir, quand j’explique qu’il est mort violenté par les forces de l’ordre. La justice ne poursuit pas les mains entre lesquelles mon frère est mort, la justice poursuit les mots que je prononce. La justice de ce pays, aujourd’hui, me met en examen, comme si j’étais une cible, comme si c’était la quête de justice et de vérité qu’il fallait réprimer, comme s’il fallait protéger ceux qui ont commis des gestes mortels, ceux sans qui mon frère ne serait pas mort. Je ne suis pas une victime, je ne le serai jamais, je suis une cible, et sachez que les coups glissent sur moi. Je ne baisserai jamais les bras, rien ne m’arrêtera sur le chemin de la vérité et de la justice.

Assa Traoré 

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