Par Michèle Sibony.
Rien ne vient la sortir de sa torpeur estivale.
Ni les migrants qui se noient sous ses yeux et devant ses plages, à qui elle ne tend pas la main en détournant le regard. Ni le harcèlement judiciaire des « passeurs » français, une vielle dame que le parquet persécute après sa relaxe, Cédric Herrou pour qui on invente la garde à vue permanente. Un jour on donnera des médailles d’honneur à ces résistants. Mais ce jour n’est pas aujourd’hui. En attendant les corbeaux croassent sur les ruines de la France terre d’asile. Et Hidalgo ferme la fontaine de la Chapelle, seul point d’eau pour des centaines de sans abri.
En Syrie le massacre continue, aux États-Unis les enfants confisqués à leurs parents mexicains croupissent dans des cages, subissent tortures, sévices sexuels et entrent sur le marché de la chair humaine. De toutes façons, pour beaucoup d’entre eux, on n’est plus capable de retrouver leurs parents.
Les incendies ravagent les forêts californiennes, il faut couper les arbres déclare leur président. Souhaitons qu’il ait mal à la tête, on pourrait lui appliquer sa solution.
Et à Gaza, deux millions de Palestiniens enfermés, sans électricité ni eau potable, ni médicaments, (arrêtons de jouer sur les mots) se font tirer comme des lapins par des snipers suréquipés, qui visent soigneusement enfants et infirmiers, et cette semaine sont bombardés, parce que « une pluie de rockets » vient de tomber sur le sud d’Israël. Tiens la presse nationale vient de retrouver sa langue. « une pluie de rockets ! Hamas ! c’est inadmissible ! » Cela justifie de raser tout un centre culturel par exemple… La propagande israélienne reprise en boucle. Les deux bateaux chargés de médicaments et de militants, arraisonnés violemment en eau internationale parce qu’ils se dirigeaient vers Gaza, là aussi, circulez y’a rien à voir … Ce dont on ne parle pas n’existe pas.
C’est la même presse qui s’offusque des « cerfs-volants incendiaires » envoyés par des adolescents qui suivent le vent et apportent sur le territoire israélien quelques gouttes de la misère vécue à Gaza, vite éteintes par l’eau des piscines. Honte sur nous tous, mais surtout, comprenons-nous bien, l’indifférence entretenue des media et du gouvernement sur Gaza, est très exactement le baromètre qui indique le taux d’indifférence qui nous est ensuite appliqué à nous même. Manifestations : zéro, grèves, zéro (sauf pour indiquer combien ça coûte c’est la nouveauté, aujourd’hui une grève ça coûte tant et on ne parle évidemment pas de combien ça coûte au salarié). On parle du manque à gagner de la SNCF ou d’Air France. Tué par la police, pas de réaction, noyé en Méditerranée pas de réaction, syndicaliste arrêté et jugé pour cause de grève, rien, interdictions privatives de nos libertés toujours rien.
Réagir sur Gaza parce que le traitement que lui réserve l’occupant israélien est immonde, et digne des pires régimes fascistes, et réagir sur Gaza pour sauver nos peaux. C’est cela la bonne formule.
Sinon il faudra espérer que septembre sera chaud… En attendant, à Gaza on brûle.
Michèle Sibony, Paris le 20 août 2018