Union juive française pour la paix

Israël : résistance contre le génocide

richard wagman 3 Israël : résistance contre le génocide

Intervention prononcée par Richard Wagman lors du rassemblement contre le génocide à Créteil (94) le 22 septembre, jour de la reconnaissance de l’État de Palestine par la France.

Au nom de l’Union Juive Française pour la Paix, association antisioniste, je vous souhaite une bonne soirée et une bonne année. Je trouve ça un peu incongru qu’Emmanuel Macron ait choisi le nouvel an juif pour annoncer la reconnaissance par la France de l’État de Palestine. C’est sans doute un hasard de calendrier. En effet, le couché de soleil qui est intervenu il y a quelques minutes marque le début du nouvel an juif. Il est de tradition de souhaiter une bonne année à tout le monde et d’échanger des bonnes nouvelles. Il faut dire qu’outre la reconnaissance diplomatique de l’État palestinien, il n’y a pas beaucoup de bonnes nouvelles qui nous parviennent du Proche-Orient. Et pourtant, il y en a quelques-unes. Paradoxalement, elles viennent surtout d’Israël.

L’ampleur de la résistance dans l’État hébreu contre le génocide en cours est proportionnelle aux crimes commis par le gouvernement Netanyahou. Bien que la majorité d’Israéliens – indoctrinée par des années de propagande militaire et sécuritaire – affiche un racisme anti-arabe primaire, cette même majorité est aujourd’hui opposée à la poursuite de l’offensive génocidaire à Gaza et elle le faire bruyamment savoir. Le 17 août, plus de 2 ½ millions de travailleurs (dans un pays d’environ 9 million d’habitants) se sont mis en grève et ont manifesté contre la guerre. Mais pas forcément pour de bonnes raisons. Ce n’était pas tellement par indignation face au meurtre de centaines de milliers de civils gazaouis, mais… pour la libération de la vingtaine d’otages israéliens encore en vie. Le sort de plus de 3 000 otages palestiniens en Israël (en l’occurrence des prisonniers politiques incarcérés sous le régime de la détention administrative) n’émeut pas le public israélien, convaincu que ces prisonniers sont tous des « terroristes ». C’est dans ce marécage idéologique et émotionnel qu’interviennent les militant-e-s du « Bloc radical », du « Partenariat pour la Paix », ou encore de la coalition « Il est temps ».

C’est par ces termes qu’on désigne plus d’une centaine d’associations pacifistes, anticolonialistes ou antisionistes, toute sensibilité confondue. Bien que minoritaires, elles ont le mérite d’exister et mine de rien, elles ont un certain impact. Contrairement à ce qui se passe en France, les actions de ces militant-e-s sont reliées par un des principaux média d’information de grande diffusion : le quotidien Ha’aretz, ainsi que par des intellectuels et des personnalités médiatiques de premier plan, allant des journalistes aux universitaires, des musiciens aux médecins, des écrivains aux rabbins et des réalisateurs aux vedettes du cinéma. Comme soutiens, ce n’est pas négligeable. Alors ces protestataires (peu visibles mais présents dans les manifestations de masse contre Netanyahou) finissent néanmoins par se faire connaître en Israël, un pays profondément malade.

Parmi les organisations oppositionnelles il y a tout d’abord trois associations – membres, comme l’UJFP – du Réseau Juif International pour la Palestine. Il y a le collectif « Israéliens Contre l’Apartheid », l’association Zokrot (qui entretient la mémoire des villages palestiniens détruits dans la Nakba) et le groupe « Qui Profite », qui fournit de précieuses informations à la campagne BDS. Viennent ensuite des groupes avec des noms évocateurs, tels Cœxistence, Les Femmes Font la Paix, Rabbins pour les Droits Humains, la Gauche Pieuse, Nouveau Profil, le Bloc de la Paix, Debout Ensemble, le Forum de Cœxistence Juédo-Arabe, Rompre le Silence, Boycott de l’Intérieur ou encore Hadash, le front de masse du Parti communiste israélien. Ce dernier a le défaut – ou l’avantage, c’est selon – de ne pas être exclusivement juif. C’est un parti binational judéo-arabe, très actif dans les mobilisations contre la guerre. Les contours de ces regroupements oppositionnels sont parfois flous, plus ou moins dans le consensus national pour préserver un État juif, parfois carrément opposés à cette perspective, certains sont religieux, d’autres laïques. Mais l’importance, c’est que ces forces extra-parlementaires démocratiques, pacifistes et anticolonialistes se retrouvent dans des actions concrètes sur le terrain.

Parmi ces regroupements, le « Bloc radical » porte bien son nom car il est le plus combatif et le plus à gauche, militant en faveur les droits égaux pour chacun entre la mer et le fleuve. Leurs militant-e-s ont défilé jusqu’à la barrière de Gaza pour soutenir la flottille Global Sumud et réclamer le démantèlement de la structure sioniste de l’État. Ils ont manifesté devant les bases aériennes de Tel Nof et Ramat Dais pour appeler les pilotes de chasse à refuser de bombarder Gaza. Ils ont brandi des photos des enfants tués, défiant de multiples interdictions. Ils comptent dans leurs rangs le plus grand nombre de personnes arrêtées pour des activités « subversives ». Leurs actions audacieuses continuent.

Au mois d’août, des journalistes israéliens ont protesté contre l’assassinat de leurs confrères palestiniens. Au mois de juillet, deux ONG respectées, les Médecins pour les Droits Humains et Betselem (Centre israélien d’information sur les droits humains dans les territoires occupés) ont publié un rapport intitulé « Notre génocide ». C’était relié dans la presse israélienne. Même s’il n’a pas fait la « une » des journaux télévisés, personne en Israël qui veut vraiment savoir ce qui se passe à Gaza ne peut plus dire « Je ne savais pas ». Hier, le 21 septembre, c’était la Journée internationale pour la paix, décrétée par l’ONU. À cette occasion 10 000 manifestants ont marché dans les rues de Paris derrière des banderoles clamant « Pour la Paix, Reconnaissance de l’État de Palestine, Arrêt immédiat du génocide à Gaza ». Pendant ce temps des militant-e-s du « Bloc radical » se sont affrontés courageusement à l’armée israélienne aux abords de la Bande de Gaza,

L’effet le plus spectaculaire de ces protestations s’est ressenti dans l’armée d’occupation. Des officiers – même haut gradés – ont dénoncé la poursuite de cette guerre qui ne répond plus à aucun objectif militaire atteignable. Les jeunes israéliens à qui on demande de tuer (ou d’être tués) répondent massivement aux mises en garde des chefs militaires adressées au gouvernement d’extrême droite de Netanyahou. Pas moins de 200 000 réservistes ont refusé de retourner à Gaza (soit la moitié de l’armée de réserve !) et les jeunes appelés du contingent refusent dans des proportions accrues de se présenter pour leur service militaire, pourtant obligatoire. Dans la deuxième quinzaine du mois d’août, parmi les soldats réservistes, plus de 90 % ne se sont pas présentés à leurs unités. Ce phénomène s’est accru avec la rentrée scolaire : les lycéens en année terminale sont mobilisables à la fin de leurs études secondaires. Autrefois le mouvement des « refuzniks » (objecteurs de conscience) est resté marginal. Aujourd’hui c’est un mouvement de masse. Outre le fait que cela inquiète l’état major et retarde l’ampleur de l’offensive terrestre à Gaza, c’est également une bonne nouvelle pour une partie de la jeunesse israélienne qui remet désormais en cause le rôle de l’armée dans leurs vies et dans la société.

Avec le génocide à Gaza et l’accélération du nettoyage ethnique en Cisjordanie occupée, la société palestinienne ne sera plus jamais la même. La société israélienne non plus. La crise morale sans précédent en Israël annonce l’horizon d’une fin de régime, même si la pugnacité de Netanyahou ne connaît aucune limite. Avec l’isolement grandissant d’Israël sur la scène internationale, y compris parmi les pays du G7, cette séquence annonce peut-être le début de la fin du sionisme. Et par conséquent peut-être le début d’une cœxistence judéo-arabe pérenne dans toute la Palestine historique.

Richard Wagman

22/09/25

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