Israël-Palestine, les conditions de la paix


Par Mohamed Najim1 et André Rosevègue2 .

Une conférence internationale sur le Proche-Orient s’ouvre à Paris aujourd’hui, sans Israéliens ni Palestiniens, avec pour but affiché la tenue d’une nouvelle conférence, à laquelle ils participeraient, d’ici à l’automne. Cette relance du processus de paix enlisé depuis des mois a-t-elle quelques chances de succès ?

Pour Israël, la fuite en avant continue

Il faut prendre la mesure de l’évolution d’Israël, en particulier depuis l’assassinat de Yitzhak Rabin, alors Premier ministre, en 1995. Depuis lors, Israël poursuit la colonisation de la Cisjordanie, a annexé Jérusalem et construit un mur de séparation. Il en résulte l’amputation et le morcellement du territoire palestinien, qui ressemble de plus en plus à une peau de léopard.

Nous vivons en France dans l’idée d’un Israël « juif et démocratique ». Les lois récentes d’une Knesset (Parlement) de plus en plus à droite remettent en cause cette fiction : possibilité de démettre des députés, d’interdire des candidatures ou d’évoquer la Naqba (terme palestinien pour nommer la catastrophe que fut, à la création d’Israël, l’expulsion de 800 000 d’entre eux), limitation du droit de manifester. À l’opposé des travaux d’historiens israéliens, l’histoire officielle enseignée nie l’existence du peuple palestinien, la légitimité de sa présence.

Par ailleurs, les dirigeants israéliens, s’ils ont voulu faire venir des millions de juifs arabes du Maghreb et du Machrek (Orient arabe), s’échinent à effacer leurs racines arabes, alors même qu’ils auraient pu être un lien avec les pays voisins.
La violence de la colonisation pousse les jeunes Palestiniens au désespoir, et des cadres de l’armée israélienne tirent la sonnette d’alarme en disant que le gouvernement fonce dans le mur en klaxonnant. Dans son discours du 4 mai, commémoration de la Shoah, Yaïr Golan, chef d’état-major adjoint israélien, reconnaît dans son pays les mêmes « processus nauséabonds » qui existaient « en Europe en général, et plus particulièrement en Allemagne, il y a soixante-dix, quatre-vingts, quatre-vingt-dix ans ».

Gideon Lévy et Amira Hass, chroniqueurs du journal israélien « Haaretz », ne disent pas autre chose.

La « communauté internationale » doit imposer le droit

Ce conflit est le premier dossier arrivé sur la table de l’ONU à sa création, en 1945, et, depuis, aucune limite n’a été mise à l’extension d’Israël. Souvenons-nous que l’apartheid sud-africain est tombé sous l’influence conjointe du mouvement d’émancipation noir et des sanctions internationales isolant le pouvoir blanc.

Le rejet par les gouvernements israéliens successifs de toutes les résolutions de l’ONU ou du jugement de la Cour pénale internationale sur l’illégalité du mur de séparation ne s’est traduit par aucune sanction. Le gouvernement israélien vit toujours dans un sentiment d’impunité, humiliant les dirigeants occidentaux en visite alors même que le pays ne peut vivre sans le soutien des États-Unis et de l’Union européenne.

Cette complaisance occidentale n’est pas un service rendu aux juifs israéliens, qui doivent comprendre qu’il n’y a pas de paix possible sans reconnaissance de l’égalité des droits avec les Palestiniens. Et, quand notre Premier ministre assimile critique d’Israël, antisionisme et antisémitisme, ce n’est pas un service rendu aux juifs français, car il alimente le ressentiment de ceux qui sont scandalisés par le déni des droits du peuple palestinien.

Une conférence pour rien ?

En nommant ministre de la Défense Avigdor Lieberman, un colon va-t-en-guerre, à la veille de la conférence de Paris, le Premier ministre Benyamin Netanyahou montre que, quand il préconise des négociations directes entre Israéliens et Palestiniens, il n’envisage rien d’autre que la poursuite du processus de colonisation en cours.

Le cadre multilatéral de la négociation proposé par la conférence de Paris n’aura de chances de faire avancer la paix que si ses propositions sont assorties de réelles sanctions, à commencer par la suspension de l’accord d’association avec l’Union européenne, ce que les gouvernements français et américain semblent exclure. Il relève aussi de la responsabilité des médias de faire comprendre ces exigences.

Tribune parue dans Sud-Ouest le 3 juin.


Note-s
  1. Mohamed Najim, professeur des universités, membre de l’Association des universitaires pour le respect du droit international en Palestine[]
  2. André Rosevègue, coprésident de l’Union juive française pour la paix, coordinateur de l’ouvrage « Une parole juive contre le racisme » (Syllepse, 2016).[]