Elias Sanbar, historien, poète, ancien ambassadeur de la Palestine auprès de l’Unesco, commissaire de l’exposition « Ce que la Palestine apporte au monde » à l’Institut du Monde Arabe, à Paris jusqu’au 31 décembre 2023, était l’invité de France Inter ce vendredi 15 décembre 2023.
Israël-Palestine : tout rapprochement va être infiniment plus difficile qu’avant.
Elias Sanbar
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« Il est très difficile de dessiner les contours du paysage qui va succéder aux épreuves que nous traversons », estime aujourd’hui Elias Sanbar. « Il y a une hécatombe de la population civile palestinienne, avec un enfant mort toutes les six minutes ; selon l’ONU, 80 % du bâti de Gaza est à terre, nous n’avons pas d’outils pour déblayer et Dieu sait ce que nous allons trouver sous les décombres. Ce drame humain est en train de préparer une période où tout rapprochement entre les deux sociétés va être infiniment plus difficile qu’avant », craint-il désormais.
L’historien, poète, ancien ambassadeur de la Palestine auprès de l’Unecso, poursuit : « Pour moi un enfant palestinien tué n’est pas seulement un enfant tué. C’est une partie d’un sentiment qui a toujours été là, c’est que nous sommes un peuple de trop et que nous n’avons pas de place, qu’on doit sortir de scène », lâche-t-il. « Toute notre histoire depuis 1948 est celle-là. C’est comme ça que je le vis, je vous parle de mon intime. C’est une situation extrêmement dûre humainement, nous nous faisons violence, parce que nous pensons que c’est notre devoir devenir parler et d’expliquer. »
« Ce qui m’inquiète, c’est de savoir si une réconciliation est encore possible »
« Les Israéliens, après cet acte [du 7 octobre, NDLR] qui était un crime de guerre, qui est une chose gravissime, définie par le droit international, sont convaincus qu’ils sont en danger d’existence, que leur armée n’est plus capable de faire ce à quoi elle était dévolue », analyse Elias Senbar. « Nous devrions tous nous inquiéter de la fin du système du droit international, de l’efficacité de l’ONU », alerte-t-il par ailleurs. « Les Chinois, les Russes n’aiment pas l’ONU et les Américains n’ont pas cessé de dire qu’ils n’aimaient pas le droit international. (…) Il permettait pourtant d’être à égalité, pas forcément sur le terrain, mais à la table. »
L’attaque du Hamas, le 7 octobre, est un « crime de guerre », qualifie Elias Senbar, agacé de devoir sans cesse « montrer patte blanche » lorsqu’il évoque la situation entre Israël et Palestine. « Je n’y reviendrai pas, je ne veux pas passer mon temps à essayer de montrer que je suis quelqu’un de fréquentable. Ce qui m’inquiète, c’est de savoir si une réconciliation est encore possible », dit-il. « Je suis absolument opposé à toute mort de cible civile, mais on ne peut pas être réduits, à chaque question-réponse, à faire un acte d’innocence avec des assassins. C’est injuste, et je pourrais d’ailleurs renvoyer la question sur les enfants palestiniens. »
« En France, c’est une question obsessionnelle », note-t-il. « Est-ce que tu es antisémite ? Est-ce que tu es pour la destruction d’Israël ? Alors que j’ai perdu des années de ma vie à négocier ! Nous devons à chaque fois nous disculper de choses que nous n’avons pas commises. Il est temps de commencer à dire que nous ne répondons plus à ça. Si vous pensez que nous sommes des monstres, vous allez voir que la réalité vous montre autre chose. »