Intervention de la Fondation au contre-sommet Afrique/France

La Fondation Frantz Fanon a participé au contre-sommet Afrique/France à Montpellier du 7 au 9 octobre. Voici l’intervention de Mireille Fanon Mendès France, co-présidente de la Fondation.

Je remercie l’UJFP d’avoir invité la Fondation Frantz Fanon à participer à ce contre-sommet qui pose plus d’une question au-delà des dénonciations qui ont été soulignées lors du colloque demandant l’annulation du sommet Afrique France et qui mettent fort justement en cause les dispositifs coloniaux régissant les relations entre la France et ses anciennes colonies africaines,  je retiens : le respect des souverainetés nationales, des droits et des acquis démocratiques et sociaux démantelés par les programmes d’ajustement structurel et les Accords de partenariat économique (APE), des suffrages populaires, du droit à la paix  auquel est obligatoirement associé le principe de non-ingérence, le droit à la terre et à l’annulation de la dette…tout cela serait incomplet si l’on ne dénonçait pas le rôle délétère joué par les IFIs et particulièrement celui de la Banque mondiale qui fait face en ce moment à un scandale[1] qui l’oblige à mettre fin à sa publication, Doing Business, « véritable escroquerie intellectuelle[2] », ainsi que le souligne Demba Moussa Dembele, économiste sénégalais.

La première question concerne la non présence des chefs d’Etat et de gouvernement africains à ce sommet. Ne seront présents que la diaspora et des membres de la société civile africaine choisis, afin de réinventer le lien avec l’Afrique « avec celles et ceux qui l’incarnent[3]« , ce choix participerait il à la renégociation des relations entre la France et l’Afrique pour lesquelles le président souhaite que le France fasse preuve de virilisme sans qu’à tout bout de champ ne lui soit renvoyé à la figure son passé colonial[4]» ? 

Ce focus sur la diaspora et sur la société civile est curieux lorsque l’on sait que le gouvernement français s’est opposé et s’oppose toujours, avec virulence, à la Déclaration et au programme d’activités qui ont clôturé la conférence de Durban 2001 qu’il a quittée, fidèle petit caniche des Etats Unis, sous le prétexte de l’antisémitisme de la majorité des membres de la société civile qui demandait avec insistance, en soutien aux chefs d’Etat africains, que la conférence statue sur la question des réparations, qui doivent être collectives et de nature politiques,  dues à la suite des crimes contre l’humanité et de génocide que furent à la fois les découvertes et l’expansion territoriale à partir de 1492, la traite transatlantique négrière, la mise en esclavage, la colonisation et le colonialisme.

Depuis nombre de pays occidentaux affirment que le processus de Durban est toxique ! La France, quant à elle, a ignoré, avec mépris la Décennie internationale pour les Afro-descendants –IDPAD[5]-, décidée par l’Assemblée générale de l’ONU. Le président et son gouvernement n’ont pas levé le petit doigt, n’ont pas décillé un œil pour regarder en face la situation des personnes d’ascendance africaine, victimes du racisme structurel quelle que soit la forme sous laquelle ce dernier s’exprime. N’y aurait il pas de négrophobie dans ce pays ?

Société civile, facilement prête à critiquer le colonialisme mais qui préfère ne pas trop pointer la  colonialité du pouvoir et qui ne peut s’empêcher, assez souvent, de lui emboîter le pas dans ses orientations libérales y compris en matière de droits humains. Mobilisons-nous contre la discrimination raciale, voire le racisme systémique mais ne parlons surtout pas du racisme structurel et de ses liens mortifères avec le capitalisme. 

Certes, le président aurait eu du mal à accueillir les chefs d’Etat après Pau, après les leçons de moral et de gouvernance adressées aux chefs d’Etat récalcitrants, auxquelles on peut ajouter les annonces du désengagement de la force Barkane, ses déclarations lapidaires à propos de la transition au Mali et surtout celles concernant le colonel Goïta, auxquelles il est nécessaire d’ajouter les dernières lois contre le terrorisme et le séparatisme sans oublier l’annonce d’une réduction drastique  du nombre de visas accordés aux pays du nord de l’Afrique.

Les critiques d’Achille Mbembe concernant l’intervention française en Afrique sont éloquentes : « Avec ses milliers de soldats présents sur divers théâtres africains, l’armée est devenue, avec l’Agence française de développement, le principal pourvoyeur et consommateur de discours et de récits que des représentations françaises ont du continent  africain(…)[6].

Ce président a réussi à mettre ce continent en ébullition. Dans un tel contexte, on peut penser qu’il a fallu une certaine force de persuasion au philosophe, Achille Mbembe, connu pour être un intellectuel organique, pour convaincre la diaspora et la société civile de le suivre et surtout d’avaler les couleuvres lancées par le président. Mais il est malheureusement fort à parier que ceux qui participeront à cette mascarade, signe d’une colonialité du pouvoir qui instrumentalise les corps noirs, se laisseront bercer d’illusions coloniales et colonialistes.

La colonialité du pouvoir reste du côté de ceux qui ont colonisé, mis en esclavage, pillé, torturé et tue aujourd’hui à coups de drones ou regarde mourir les migrants sur leur parcours. Le destin de l’Afrique et du peuple africain reste entre leurs mains. Ils s’accrochent à cette posture d’autant plus que la Chine et d’autres acteurs avancent sur leurs prébendes. 

Alors pour contrer cette avancée, le président tire dans tous les sens ; il multiple les visites, les discours dont celui de Ouagadougou où il a annoncé que « les crimes de la colonisation européenne sont incontestables[7], de celui d’Alger où il a affirmé que « la colonisation fait partie de l’histoire française. C’est un crime, un crime contre l’humanité, c’est une vraie barbarie et ça fait partie de ce passé que nous devons regarder en face en présentant aussi nos excuses à l’égard de celles et ceux envers lesquels nous avons commis ces gestes[8] », de Dakar où il n’a pas hésité, pour assurer la sécurité collective, de lier les enjeux d’éducation et de migration; il ne recule pas devant les interviews proposées par différents media dont Jeune Afrique ;  il commande des rapports  visant à démontrer sa « volonté inébranlable » de changer les termes de la relation France/Afrique : Rapport sur la mémoire de la colonisation et de la guerre d’Algérie, celui sur la Restitution des biens culturels : une promesse tenue pour une nouvelle page des relations entre l’Afrique et la France, et celui de la commission sur le Rwanda

Ce type de rapports n’engage pas; ils restent des actes vides, combien d’objets d’art volés au continent africain ont-ils été rendus ? Ils restent à la surface des relations, tentant de transfigurer la violence coloniale ; ils sont mis en avant pour masquer ce que dénonce la jeunesse africaine manifestant dans les rues de nombreux pays. 

Lors d’un rassemblement mémoriel contre la mise en esclavage, il vante le « métissage des cultures, la créolisation du monde, c’est tout cela la mémoire de l’esclavage[9]« , niant la persistance du racisme structurel et systémique alors que ce racisme mortifère persiste à ignorer les corps noirs, ceux subissant les violences policières, les délits de faciès, la ségrégation spatiale et les dénis de justice. Il serait mieux pour le pouvoir colonial que le noir se métisse en se blanchissant afin qu’il s’intègre et s’assimile tout en oubliant l’histoire d’une humanité coupable d’avoir introduit la hiérarchisation raciale. 

Il n’hésite pas à sortir de la naphtaline le Napoléon qui a, entre autres, rétabli la mise en esclavage en 1802 et tant pis si les Afro-descendants sont indignés! « Napoléon est une part de nous »[10]souligne t-ilCertes, certes ; mais alors pourquoi l’histoire fondatrice de notre société actuelle : celle de la race, fondation du système capitaliste, de la traite transatlantique négrière qui a posé les bases de la mondialisation ; celle des propriétaires de mis en esclavage pour lesquels la république a organisé l’impunité, n’est elle pas prise en charge avec le même engagement politique?

Changer sans changer! Jongler avec le paradoxe. Ce président est le bon élève d’une communauté internationale malade du paradoxe qu’elle manie à l’envi avec pour conséquence une violation massive des principes fondateurs de la charte et une humanité lancée en pâture aux financiers et aux forces impérialistes.  

Mbembe vient à la rescousse de ce président, il affirme qu’il est « pugnace et vif d’esprit », dès lors on peut être sûr qu’il va cadrer les participants pour qu’ils acceptent de modérer leurs critiques afin que les débats viennent appuyer les orientations du président qui a comme objectif de réhabiliter l’image de la France en Afrique.

Face à ces changements dans l’inertie, à l’instar de l’effet du discours de La Baule[11], lorsque F. Mitterand affirmait ne « pas vouloir intervenir dans les affaires intérieures. Pour nous, cette forme subtile de colonialisme qui consisterait à faire la leçon en permanence aux Etats africains et à ceux qui les dirigent, c’est une forme de colonialisme aussi perverse que tout autre(…)[8] », le président actuel occupe le terrain, s’autorise à débrider son langage, oubliant qu’il est tenu à la retenue dans ses échanges avec ses alter-ego afin de ne pas plomber les relations diplomatiques. Il ne manie plus la « forme subtile de colonialisme », il est brutal, arrogant, prétentieux et ne connaît d’autre façon de fonctionner que la condescendance à peine masquée ; en un mot il est le parfait exemple illustrant ce qu’est la colonialité du pouvoir. 

Revenons à ce sommet Afrique/France et à la participation de la diaspora et de la société civile, l’enjeu du côté du président français ne serait-il pas de prendre de vitesse l’Union africaine qui n’a jamais réussi à donner une existence réelle à la diaspora, devenue 6me Région du continent africain lorsqu’elle a décidé, en 2003, « de reconnaitre la Diaspora africaine comme une entité effective contribuant au développement économique et social du Continent et d’inviter ses représentants en qualité d’observateurs aux sessions du Sommet de l’Union africaine[12] »?

Cette diaspora suscite bien des envies. Selon la Banque mondiale, l’épargne de la diaspora s’élève à 53 milliards de dollars par an et est non seulement supérieure aux envois de fonds annuels vers le continent mais échappe aux gouvernements de départ et d’arrivée.

« Si l’on pouvait convaincre un membre de la diaspora sur dix d’investir 1 000 dollars dans son pays d’origine, l’Afrique collecterait ainsi 3 milliards de dollars par an pour financer le développement » mentionnaient deux rapporteurs[13] de la Banque mondialeLe gouvernement français ne fait que mettre ses pas dans ceux de cette même Banque mondiale, qui en 2007 avait réuni la diaspora pour (…) envisager le rôle de la diaspora dans le développement de l’Afrique d’un point de vue stratégique[14]”.

La diaspora est courtisée de tous côtés : institutions internationales, y compris financières, Etats, ONG et autres. Il s’agit, dans le contexte actuel de crise économico-financière touchant nombre de pays, de réduire l’Aide au développement et de faire porter l’évolution de cette aide à des entités privées, favorisant ainsi la privatisation du développement de certains pays. Par exemple, USAID travaille avec une société de conseil en gestion, Accenture[15], qui offre des formations aux organisations à but non lucratif de la diaspora aux États-Unis voulant travailler dans leur pays d’origine. 

C’est ce que font aussi certaines organisations de la diaspora en France positionnées sur ce segment, ainsi de la Verticale-Afrique-Méditerranée-Europe[16] dont « l’objectif est d’arrimer l’Europe et l’Afrique par l’économie et notamment via la Méditerranée » ainsi que l’affirme Elisabeth Guigou. Tout un programme dont on peut facilement anticiper le côté vers lequel iront les avantages et de comprendre qu’il s’agit aussi de favoriser les entreprises françaises pour qu’elles aient une part belle des appels d’offre lancés par l’Agence française de développement ; ainsi d’après le rapport de Disclose[17], sur 495 lots de marché public analysés, 320 lots concernent les entreprises françaises !

Le président veut envers et contre tous du changement et de préférence incarner ce changement, y compris en guidant les membres de la diaspora à investir dans des projets de développement. Une façon de réduire l’Aide au développement et de faire porter, après avoir pillé les ressources naturelles, le poids du développement sur la diaspora africaine?

Il reprend les vieilles recettes, entre autres l’instrumentalisation de la diaspora, celle qui réussit et voudrait participer au développement de son pays tout en en tirant quelques avantages mais aussi celle qui pourrait peser sur le plan politique, comme force d’opposition ou de soutien, selon les besoins de la diplomatie française ; pour ce faire, il s’appuie sur un Conseil présidentiel pour l’Afrique[18] au prétexte “que c’est en Afrique que se joue l’avenir du monde[19]”.

Les membres de ce conseil ont été choisis, entre autres, “pour leur volonté d’engagement pour un partenariat d’opportunités partagées entre la France et l’Afrique ». Nous demandons à connaître les opportunités partagées ! Mais ce n’est pas la première fois que ce président courtise la diaspora, il l’a déjà fait en 2017, lors de la conférence des ambassadeurs, où il affirmait que les stratégies françaises doivent désormais se “concevoir avec nos partenaires africains” et être portées “avec eux et pour eux[20]”. Il ajoutait même qu’“une relation avec l’Afrique basée sur un sentiment ou parfois des réalités d’asymétrie” n’était plus d’actualité[21]. Inutile de souligner qu’une fois encore, il manie à l’envi l’injonction paradoxale.

Quelle opportunité Achille Mbembe partage t il avec ce président? Que signifie pour lui de s’inscrire dans ce contexte colonial alors qu’il l’a dénoncé et le dénonce encore en convoquant Frantz Fanon qui reste, pour lui, une référence épistémologique incontournable?  


« Que diable (Achille Mbembe) allait-il faire dans cette galère » pour quelque peu paraphraser Molière ? D’autant que dans un article, en date du 27 novembre 2020, il taclait assez vertement ce même président à qui il reprochait de ne pas « mesurer la perte d’influence de la France en Afrique[22] ?»

Il y notait aussi qu’il était temps de prendre «acte du fait que, constamment, le rapport des chefs d’État de la Ve République avec l’Afrique aura été avant tout motivé par des intérêts militaro-commerciaux». Quelques mois plus tard, il sert ce président en essayant de faire prendre des merles pour des grives à une société civile invitée alors qu’il ne s’agit que d’accords militaro-commerciaux.

Qu’est-ce qui a donc amené Achille Mbembe à jouer le rôle d’interlocuteur choisi ?

Il est intéressant pour répondre à cette question, surtout dans le contexte français où la pensée anticoloniale et décoloniale sont supposées mettre la nation en danger, d’en référer à Frantz Fanon qui, dans le chapitre 5 des Damnés de la terre[23], « Guerre coloniale et troubles mentaux », explore la question de l’administration de la torture qu’elle le soit par l’électricité, par l’administration du sérum de vérité ou par le lavage de cerveau.

A propos des effets du lavage de cerveau, après avoir précisé que la torture n’est pas simplement une situation extrême, mais une activité «inhérente à toute configuration colonialiste[24]», Frantz Fanon analyse ses effets à la fois sur les intellectuels et les autres. Cette analyse nous concerne toujours, nous vivons toujours à une époque où la « configuration colonialiste » n’a pas a cessé d’exister.

Dans ce contexte, le lavage de cerveau vise souvent à obtenir de certains intellectuels qu’ils condamnent toute pensée dénonçant les perversités du racisme systémique, de la négrophobie et de la colonialité ; cela permet ainsi au pouvoir de sélectionner, comme interlocuteurs valables, les quelques intellectuels qui sont apparemment critiques et de laisser volontairement dans l’ombre ceux qui argumentent et assument une vision anticoloniale et décoloniale, et qui de plus sont liés aux mouvements sociaux anticoloniaux et décoloniaux.

Dans le cas des intellectuels ‘élus’, ce lavage de cerveau les oblige à justifier leur collaboration ; n’est-ce pas ce que fait Achille en écrivant quelques mois après l’article où il critiquait le président, un autre article dont le titre en lui-même, « Pourquoi j’ai accepté de travailler avec Emmanuel Macron[25] » est une belle justification de sa collaboration avec la colonialité du pouvoir.

Fanon note aussi que les intellectuels soumis à un lavage de cerveau « reçoivent l’ordre de discuter ‘librement’ avec leurs adversaires et les récalcitrants afin de les amener sur le terrain des dominants». Pour ce faire, les collaborateurs exercent une pensée critique, apparemment anti-et décoloniale mais en fait elle ne touche que les activités traditionnelles de la vie intellectuelle bourgeoise du champ de la pensée ré-évolutive.

Leur objectif est clair, il faut éliminer de l’espace public la pensée anticoloniale et décoloniale tout en glorifiant une forme libérale de « la critique », à travers laquelle ils cherchent à délégitimer les mouvements décoloniaux. Et bien évidemment, dans ce contexte, le champ universitaire, à prédominance blanche et libérale, se targue de n’avoir aucun lien avec ces mouvements.

Fanon l’avait souligné à propos de la guerre de libération de l’Algérie, le rôle de l’intellectuel de l’époque, soumis au lavage de cerveau, était de « prendre les arguments en faveur de la Révolution algérienne et de les éliminer un à un », par exemple de répéter, tel un mantra, que « l’Algérie n’est pas une nation, n’a jamais été une nation et ne le sera jamais » ; n’est-ce d’ailleurs pas ce que vient de répéter notre colonial président qui affirme que depuis son indépendance en 1962, l’Algérie s’est construite sur « une rente mémorielle », entretenue par « le système politico-militaire » tout en critiquant « une histoire officielle totalement réécrite » par Alger « ne s’appu(yant) pas sur des vérités » mais sur « un discours qui repose sur une haine de la France[26] » ?

C’est ce même président qui a choisi la société civile et la diaspora comme interlocuteur élu et Achille Mbembe comme interlocuteur et collaborateur ; ce même Achille s’est vu confier le rôle de gardien assurant en même temps la perpétuation vulgaire et violente de la colonialité tout en acceptant de jouer un rôle dans la désactivation de la dimension combative de la pensée anticoloniale et décoloniale. Ce qui, compte tenu de sa notoriété et de ses écrits, n’est pas neutre.  La colonialité du pouvoir, quant à elle, perdure et perdure….

Si la colonisation a évolué, -mais est-ce réellement le cas si l’on considère la situation de la Palestine, de la Kanaki, de Mayotte, et des autres colonies françaises que sont entre autres la Martinique, la Guadeloupe, la Réunion, la Guyanne…-, les éléments de la colonialité sont toujours présents, aussi bien dans les relations internationales, dans les accords bilatéraux, quelle que soit leur nature, que dans la gestion des corps noirs et arabes et dans ce sommet Afrique/France. 

Inutile de préciser que la Fondation Frantz Fanon, qui défend une pensée combative anti coloniale mais surtout décoloniale, un travail de création en action, est contre ce sommet de type colonial. Nous pensons que la colonialité continue de structurer le monde moderne et que les penseurs, artistes et militants décoloniaux permettent d’identifier les continuités et les discontinuités avec le passé que refusent de prendre en compte ou parfois acceptent de prendre en compte mais d’une manière qui renforce la modernité euro-centrée les acteurs de la domination.

Par ailleurs, nous nous opposons aux appropriations du travail de Fanon visant à délégitimer son énergie combattante et à en faire une marchandise pouvant être utilisée par des entreprises savantes modernes/coloniales ; ce que d’une certaine manière fait Mbembe lorsqu’il le convoque dans nombre de ses livres tout en «étant devenu un intellectuel collaborateur d’un Etat qui ne cesse d’exprimer son pouvoir colonial. 

Les travaux de Frantz Fanon nous enseignent que la recherche de la décolonialité n’a pas pu et n’a pas été épuisée par les luttes pour l’indépendance. C’est un principe majeur de la pensée anticoloniale et décoloniale qui est présent dans le travail d’un grand nombre de penseurs noirs et autochtones partout dans le monde. La décolonialité reste un projet inachevé, qui combine la sagesse des ancêtres et des anciens avec une innovation constante menée de manière exemplaire par ceux qui agissent, créent et pensent sur le terrain. L’innovation surgit grâce au mouvement collectif, pas de manière isolée. La seule collaboration acceptable est celle qui vient d’en bas et entre ceux qui, ensemble, cherchent à créer un autre monde et non à s’arranger avec l’ancien. Le projet décolonial est un projet de rupture d’où pourra émerger l’homme nouveau.

Mireille Fanon Mendes France

Fondation Frantz Fanon


[1] Lire l’article de Demba Moussa Dembele, économiste, Dakar, Banque mondiale d’un scandale à l’autre http://arcade-afrique.org/mailman/listinfo/arcade_arcade-afrique.org

[2] Idem

[3] https://www.midilibre.fr/2021/10/04/sommet-afrique-france-a-montpellier-emmanuel-macron-veut-reinventer-le-lien-avec-celles-et-ceux-qui-lincarnent-9829286.php

[4] Idem

[5] Résolution A/RES/68/237 ;   du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2024 

[6] https://www.jeuneafrique.com/1080513/politique/tribune-achille-mbembe-emmanuel-macron-a-t-il-mesure-la-perte-dinfluence-de-la-france-en-afrique/

[7] https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2017/11/28/discours-demmanuel-macron-a-luniversite-de- ouagadougou

[8] https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2017/12/07/discours-du-president-de-la-republique-emmanuel-macron-devant-la-communaute-francaise-a-alger