Hanoucca, « Fête des lumières », vraiment ?

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Ceux qui célèbrent la « Fête des lumières »1 ont allumé la première bougie dimanche. Chaque année, à chacune de cette célébration, quand je faisais mon éducation religieuse, notre rabbin nous racontait avec émotion cette révolte menée par un vieil homme et ses fils qui a libéré les juifs de leur occupant et s’est terminée en apothéose par le miracle de la fiole d’huile sainte (qui a brûlé 8 jours alors qu’avec ce qu’elle contenait elle aurait dû s’éteindre le lendemain).

Magnifique, émouvante, cette histoire de résistance et de libération de tout un peuple… (Chaque année je me demande parfois si les Israéliens ont conscience que cette célébration pourrait donner des idées à ceux qu’ils occupent. Mais revenons à notre sujet).

Magnifique ce Judah Maccabée (notre Charles Martel juif – מקבי , maqabi – veut dire marteau en hébreu), fils du prêtre Mattathias qui officiait dans le Temple de Jérusalem, descendant de la lignée des grands prêtres. Est-ce par mysticisme ? par soif du pouvoir que sa famille avait perdu qu’il défie Antiochos IV, le dernier grand roi séleucide, la part orientale des restes de l’Empire d’Alexandre le Grand ?

En tous cas, fin stratège, de 167 à 164 (avant JC) Judah mène une guerre d’usure contre les Grecs séleucides. Une guerre de mouvements et aussi de la chance: au même moment le roi des Parthes fait sécession ce qui force Antiochos IV à concentrer ses forces vers la Perse. Tout ceci permet à Judah, le 14 décembre 164 (avant JC), de conquérir Jérusalem, pénétrer dans le temple et allumer la célèbre lampe a huile… Il est alors à la tête d’une armée de 3000 hommes qui va défendre victorieusement les Juifs de Galilée et de Transjordanie, des communautés situées hors de la Judée d’alors (limitée 20 à 30 km autour de Jérusalem). Au cours de ces guerres, Judah et Siméon, un de ses frères ferons émigrer un certain nombre de ces communautés en Judée… Des sionistes avant l’heure ?

Judah semble alors avoir pris le gout de la guerre, du sang et des richesses. Il va attaquer les Edomites au sud, détruire leurs villes (dont Hébron) et pousser ses troupes jusqu’à la région de Gaza qui sera pillée consciencieusement. Dommage pour l’image du vieux sage libérateur qui, après quelques nouvelles victoires mourra au cours de la bataille d’Elasa en 160.

Ses frères, successivement Jonathan puis Simon, vont consolider une dynastie, les Hasmonéens. Simon en sera le premier roi. Le minuscule royaume de Judée s’est agrandi: il s’étendu de l’autre côté du Jourdain et atteint la Méditerranée (vers l’actuel Ashkelon).

Le fils de Simon, Jean Hyrcan 1er, va se comporter en chef de guerre, doublant la surface du royaume qui s’étend alors, des 2 côtés du Jourdain depuis le nord de Beer Shéva aux marches de la Galilée et à une bonne partie de l’ancien royaume d’Israël. Au cours de sa conquête du royaume Iduméen au sud de la Judée, Jean Hyrcan 1er contraint les habitants à adopter la circoncision et les lois juives: c’est la première conversion de masse au judaïsme.

Nous nous éloignons de plus en plus de cette émouvante histoire de résistance et de libération… D’autant que, critiqués par les pharisiens (qui s’opposent à l’hellénisation) Jean Hyrcan va se tourner vers les sadducéens, la classe qui bénéficie des avantages de la prêtrise. Ses oncles se sont révoltés contre les Grecs séleucides, signant au passage divers traités avec Rome (ennemis de leurs ennemis); Jean Hyrcan terminera son règne avec la signature d’une alliance avec Athènes…

Nous sommes alors en 104 avant JC. Une suite de conquêtes violentes a multiplié par 7 la surface de la Judée. La conversion forcée des Iduméens a multiplié par 2 le nombre de juifs. Le pouvoir est entre les mains des riches et des puissants… Et nous ne sommes que 60 ans après la révolte de la révolte contre la politique d’hellénisation pour la défense de la religion (miracle à l’appuis) ! Ceux qui vont succéder à Jean Hyrcan vont continuer son travail de conquête, multipliant la surface du royaume (voir la carte), créant une cour, des palais, une monnaie imitée des Grecs, utilisant des mercenaires, chassant les non-juifs des villes côtières. Cette dérive va encore durer une quarantaine d’années jusqu’à ce qu’une stupide querelle dynastique n’offre l’occasion à un général romain, Pompée, d’intervenir et de s’emparer de Jérusalem en 63 avant JC).

La suite est connue les Romains mettent au pouvoir une marionnette, Hyrcan II, qui aura un fils, le dernier Hasmonéen: Hérode.

Le « miracle de Hanoucca » n’aura duré que quelques années avant de rapidement tomber dans toutes les dérives du pouvoir: guerres, pillages, conversions forcées, accumulation des richesses… et certainement plus de misère pour ce peuple dont on ne parle pas mais qui est celui qui paye toujours la folie de ses rois et grands prêtres.

Cette histoire a été décrite par un contemporain dans le Premier livre des Maccabées mais cet ouvrage n’a pas été inclus dans la Bible dans sa version hébraïque (les Chrétiens l’ont inclus ainsi qu’un Deuxième livre des Macchabées dans l’Ancien testament). Seule la célébration du miracle a été retenue par la religion (période rabbinique).

Par contre, la décadence qui a suivi ne sera pas oubliée mais réinterprétée par les divers mouvements sionistes: quoi de plus glorieux et de plus exaltant que ces victoires militaires, ces conquêtes, la force physique (création des Maccabiades, devenues des « Olympiades juives » rassemblant des milliers d’athlètes de 80 pays différents) ?

Une bien triste histoire récupérée selon les besoins de chacun.


Note de la rédaction : à propos de Hanoucca, lire aussi l’analyse d’Emmanuel Lévyne sur notre site


Note-s
  1. Sources: Simon Claude Mimouni, « Le Judaïsme ancien du VIe siècle avant notre ère au IIIe siècle de notre ère »; Elon Gilad Dec 22, 2019 12:14 PM – https://www.haaretz.com/israel-news/the-revolt-of-the-maccabees-the-true-story-behind-hanukkah-1.5343197 . Carte copiée de https://en.wikipedia.org/wiki/Hasmonean_dynasty []
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