À PARIS…
Le 30 décembre, plusieurs milliers de personnes ont manifesté à Paris pour réclamer l’arrêt du massacre, la levée du blocus, la suspension des accords entre l’Union européenne et Israël, des sanctions contre ce dernier et une protection pour la population de Gaza. Appelé par pas moins de 62 associations, syndicats et partis, le cortège, qui marchait vers le Quai d’Orsay, a été stoppé au niveau de la rue de Varenne par un impressionnant déploiement de CRS. La raison d’une telle précaution ? Une réunion des ministres européens des Affaires étrangères, convoquée par Bernard Kouchner à la veille de la fin du mandat de Nicolas Sarkozy comme président de l’Union européenne. Le 1er janvier, la France passe le flambeau de la présidence de l’UE à la République tchèque. Les propositions des ministres des gouvernements européens étaient sensiblement moins exigeantes que celles des manifestants à l’extérieur de la salle de conférences : juste un cessez-le-feu et un retour au « processus de paix ». La grande initiative de la France, pays hôte de la conférence, étant de proposer une trêve de 48 heures.
Mais avant le début de l’offensive israélienne, y avait-il un processus de paix en cours ? Aucune négociation entre Israël et les autorités palestiniennes, poursuite de la colonisation, renforcement du blocus contre la Bande de Gaza, multiplication des déclarations bellicistes de Tel-Aviv et rupture de la trêve par l’armée israélienne (suivie par la rupture, prévisible, de cette même trêve par la résistance palestinienne) : drôle de processus de paix. C’est sans doute cette vision « pacifique » des événements qui avait incité le gouvernement français, et celui de ses voisins européens, à accueillir favorablement la demande de rehausser le statut diplomatique d’Israël auprès de l’Union européenne, et ceci malgré le vote négatif du Parlement européen sur cette proposition. Avec un tel traitement de faveur pour la puissance occupante, il n’est pas surprenant que les responsables israéliens restent sourds aux requêtes européennes en faveur d’un cessez-le-feu. Rehausser, auprès de l’Union européenne, le statut diplomatique d’Israël ne peut en effet qu’encourager cet État à ne pas prendre au sérieux les gesticulations diplomatiques européennes pour une nouvelle trêve. Pas de sanctions, pas de pressions réelles, mais au contraire un traitement de faveur pour Israël. Voilà qui ne risque pas d’empêcher Tel-Aviv à perpétuer ses crimes de guerre à Gaza. Quant à Nicolas Sarkozy, futur ex-président de l’Union européenne, il a laissé savoir qu’il pourrait se rendre en Israël la semaine prochaine.
… ET À TEL-AVIV
En Israël, la droite rivalise de déclarations martiales, entre le Premier ministre Ehud Olmert, son ministre des Affaires étrangères Tzipi Livni (Kadima) et le grand rival de cette dernière pour les législatives anticipées en février, Benyamin Netenyahou (Likoud). Par ailleurs Tzipi Livni est attendue à Paris pour une visite officielle le 1er janvier. Et les va-t’en-guerre n’ont rien à craindre du côté de la « gauche » (sioniste et sociale-démocrate). Car le ministre de la Défense, qui mène les opérations militaires contre Gaza, n’est nul autre qu’Ehud Barak, ancien Premier ministre et actuel chef du parti… Travailliste ! Quant au Meretz (parti, qui, à la Knesset, se présente comme la « gauche laïque »), il soutient l’offensive de l’armée israélienne à Gaza. Tout comme l’association Shalom Archav, proche du Parti Travailliste, dont l’appellation en français se traduit par « La Paix Maintenant ». Avec de tels soutiens pour « la paix », la guerre a de beaux jours devant elle. Il n’empêche, tous les Israéliens ne sont pas complètement aveuglés. Même si les partis institutionnels (à l’exception du Parti communiste et des formations arabes à la Knesset) se sont tous ralliés à « l’union sacrée » comme veut la tradition en temps de guerre, la société civile continue à faire de la résistance. À commencer par les objecteurs de conscience, qui n’ont pas baissé les bras et dont plusieurs militants purgent actuellement des peines derrière les barreaux des prisons militaires pour insoumission et refus de faire leur service militaire (obligatoire) dans les territoires occupés, voire pour refus tout court d’être incorporés dans une armée d’occupation. D’autres groupes de citoyens ne sont pas en reste : des syndicats étudiants, la Coalition des femmes pour la paix, les Médecins pour les droits humains, les Rabbins pour les droits humains, Gush Shalom (le bloc de la paix), les Anarchistes contre le Mur, le Centre d’information alternative de Jérusalem et bien d’autres encore, réunis dans la Coalition israélienne contre la guerre. À cela il faut ajouter un certain nombre de journalistes et d’intellectuels dissidents qui font entendre leurs voix. De cette mouvance critique, allant des pacifistes de conviction aux militants anticolonialistes, la presse israélienne ne parle guère. Pas plus que la presse internationale. Et pourtant, cette dissidence israélienne existe bel et bien et c’est elle, avec ses relais dans l’opinion internationale, qui représente un véritable espoir de paix, car fondé sur l’exigence de justice à l’égard du peuple palestinien. C’est à la résistance légitime du peuple palestinien et à l’activité courageuse des Israéliens antimilitaristes que nous exprimons notre soutien, dans la perspective de créer les conditions pour d’une véritable solution politique sur cette terre où ne cesse de se répandre le sang de victimes innocentes.