Enfant caché pendant la guerre, il héberge à son tour un jeune sans papiers –
Par Caroline-Nelly PERROT
LYON, 29 mai 2009 (AFP) – « Son histoire, c’est la mienne qui se répète »:
depuis un an, Georges Gumpel, un septuagénaire juif qui a traversé la seconde guerre mondiale caché dans des familles de résistants, héberge à son tour à Lyon un jeune sans-papiers marocain pour éviter qu’il ne soit expulsé.
Alae-Eddine, 20 ans, est arrivée du Maroc à 14 ans, confié par ses parents à sa tante de nationalité française. Arrêté et placé en centre de rétention peu après sa majorité, en 2007, il est libéré après une mobilisation du lycée professionnel de Bron, dans la banlieue lyonnaise, où il suivait une formation de plâtrier, et il finit son année scolaire, obtenant un CAP.
En août 2008, la préfecture lui refuse le visa qu’il demande pour continuer ses études et il est à nouveau placé en centre de rétention. Un juge le libère, avec assignation à résidence, mais sur les
conseils du Réseau éducation sans frontières (RESF), le jeune homme ne retourne pas chez sa tante.
« Ils m’ont prévenu que la police allait revenir très vite, et c’est ce qui s’est passé, » explique Alae-Eddine. Georges Gumpel, militant de l’Union juive française pour la paix et sympathisant de RESF, est appelé à la rescousse pour l’accueillir quelques jours.
« J’avais dit que j’étais disponible en cas de besoin mais je n’avais pas prévu d’héberger quelqu’un dans la durée. Finalement, cela se passe bien: c’est un peu comme si c’était mon petit fils, nous avons une relation de confiance, nous partageons les repas quand il est là », raconte le bouillonnant retraité, ancien fleuriste de luxe.
« Georges m’a appris beaucoup de choses: on parle souvent de la Palestine, ou alors de la guerre, l’Allemagne, les Juifs. Je lui pose des questions, ça m’intéresse », sourit son jeune hôte, confortablement installé dans le salon. « Il m’a aussi aidé à trouver un peu de travail au noir ».
Alae-Eddine a vécu reclus, dans la peur de la police, les premières semaines. Puis il a repris une vie presque normale et retourne parfois chez sa tante. Mais la police est revenue plusieurs fois l’y
chercher à l’aube, et il ne dort jamais sur place.
« Si je n’habitais pas chez Georges, je serais à la rue », lance le jeune homme, reconnaissant.
« Le drame c’est de se retrouver à devoir faire ça aujourd’hui à nouveau: protéger des enfants, des familles, des jeunes pourchassés par le gouvernement », déplore M. Gumpel.
« Le fichage des étrangers, les quotas d’arrestations, les prisons pour étrangers: les méthodes utilisée aujourd’hui contre les sans-papiers sont les mêmes que le gouvernement de Vichy utilisait contre les
Juifs », s’emporte-t-il.
« Il n’y a pas de comparaison possible entre le nazisme et la politique de l’immigration française. Le sort des sans-papier après l’expulsion, ce n’est pas les camps de concentration ou d’extermination. Mais la démarche est un peu la même: évacuer des hommes, des femmes et des enfants considérés comme +en surnombre dans l’économie française+, dans une totale indifférence quant à leur sort une fois la frontière passée, » détaille M. Gumpel.
Une cérémonie de parrainage républicain était prévue samedi dans la mairie du premier arrondissement de Lyon. Georges devrait officiellement devenir le parrain de son protégé, et la sénatrice socialiste Christiane Demontès sa marraine.
Pour sa part, le Tribunal administratif de Lyon doit examiner le dossier mardi prochain.