Je suis Mattan, le directeur exécutif du Refuser Solidarity Network. J’ai été emprisonné en 2018 pour avoir refusé de servir dans l’armée israélienne. La semaine dernière, nous avons célébré la Journée de commémoration de l’Holocauste. J’aimerais partager avec vous un article que j’ai écrit pour +972 Magazine pendant mon emprisonnement il y a sept ans.

« Lorsque j’étais en classe de première, j’ai fait un voyage en Pologne avec l’Hashomer Hatzaïr 1. Avant la séance de préparation au voyage, ma mère m’a raconté pour la première fois l’histoire de sa famille pendant la Seconde Guerre mondiale. Le quatrième jour du voyage en Pologne, j’ai lu l’histoire de ma famille lors d’une cérémonie commémorant les Justes parmi les Nations 2.
La famille de mon père est juive, originaire d’Europe de l’Est. Ma mère est néerlandaise. Lorsque les Allemands ont envahi les Pays-Bas en 1940, mon arrière-grand-père Richte Taklenbroch avait 28 ans, il était marié et avait trois enfants. Les Allemands ont conquis les Pays-Bas en trois jours et ont rapidement forcé tous les jeunes hommes néerlandais à s’enrôler dans des camps de travail pour servir l’armée allemande.
Richte, mon arrière-grand-père, a refusé de s’enrôler et a rejoint la résistance clandestine. Il s’est caché dans la maison familiale de son village. En même temps, il a essayé de rejoindre la résistance, de chercher d’autres moyens de lutter contre les Allemands. Grâce à la résistance, il a rencontré un couple de Juifs âgés et une femme juive. Tous trois ont passé les deux dernières années de la guerre à se cacher dans la maison de Richte. Ils se cachaient dans un grand placard, tout comme mon arrière-grand-père. Ils ne pouvaient sortir de la maison que la nuit pour prendre l’air. La résistance fournissait des rations alimentaires aux invités de Richte. Sa femme achetait la nourriture dans différents endroits de la région pour ne pas éveiller les soupçons.
Pendant la guerre, la famille de Richte a caché d’autres Juifs qui venaient à la maison pour une ou deux nuits. La fille de Richte, qui avait 10 ans à l’époque, était en colère contre ses parents parce qu’elle craignait la punition qui les attendait s’ils étaient découverts en train de cacher des Juifs. Ma grand-mère était jeune à l’époque et ne comprenait pas le danger.
Lorsque l’occupation allemande a pris fin en mai 1945, le vieux couple juif est retourné dans la ville de Groningue. Ils sont restés en contact avec la famille jusqu’à leur mort, quelques années après la fin de la guerre. Aujourd’hui encore, ma famille aux Pays-Bas possède un tableau représentants un paysage dessiné par le vieil homme juif qui s’était caché dans leur maison ; il l’a donné à la famille en signe de gratitude.
Après avoir décidé de refuser de m’enrôler dans Tsahal, j’ai encore eu des doutes occasionnels sur ma décision. Je me suis demandé ce que mon arrière-grand-père aurait fait à ma place. Qu’aurait-il fait s’il avait dû servir dans une armée qui occupe et opprime une autre nation ?
Il ne se serait pas engagé, sa conscience ne le lui aurait pas permis. Richte résisterait, il refuserait de s’enrôler et il en subirait les conséquences : il irait en prison.
Je ne suis pas ici pour comparer les horreurs de l’occupation israélienne et de l’Holocauste. Cependant, l’oppression reste l’oppression. Sauver des Juifs et résister au nazisme, refuser de servir et résister à l’occupation israélienne sont des manières différentes, à des époques différentes, de mener le même combat : la lutte contre l’occupation et la terreur, contre l’esclavage, l’oppression et la servitude. La lutte pour un monde de paix, de justice et d’égalité pour tous.
L’histoire de ma famille m’a fortement impressionné. Elle m’inspire. Richte m’a beaucoup appris. Il m’a appris que la majorité n’a pas nécessairement raison, que la morale et la conscience sont plus importantes que la loi. Et surtout, il m’a appris que la réponse à l’injustice est la résistance. Mon arrière-grand-père est un modèle et je suis fier de suivre son exemple. Face à l’injustice, l’objection de conscience est une obligation morale ».
Une semaine après que le monde a célébré la Journée internationale de commémoration de l’Holocauste, nous continuons à lutter pour mettre fin aux guerres d’agression d’Israël dans l’ombre de son génocide en cours du peuple palestinien. Avec la nouvelle des plans de Trump pour nettoyer ethniquement la bande de Gaza – et l’achèvement d’une riviera sur les cendres de ceux qui ont été tués dans la guerre meurtrière d’Israël – nous poursuivons notre lutte. Notre refus de servir le génocide n’est pas nouveau, il fait partie d’une histoire bien plus longue. Plus jamais ça, c’est maintenant, pour tout le monde. Face au génocide de Gaza et au plan de nettoyage ethnique de Trump, l’objection de conscience est une obligation morale et la résistance est notre devoir.
En pleine solidarité,
Mattan Helman
Directeur exécutif
Réseau de solidarité avec les réfractaires
Soutenez les réfractaires à la guerre de Gaza
Traduction SF pour l’UJFP