« L’idée d’accorder la citoyenneté aux Palestiniens annexés ne fera qu’ajouter une autre couche de tromperie la façade de la démocratie israélienne. »
Dans les discussions sur la possible annexion par Israël de certaines parties de la Cisjordanie, le sort des Palestiniens dans les territoires occupés est souvent considéré comme une sorte de large choix.
Certains parlent d’une forme accélérée de nettoyage ethnique, qui réduirait le nombre de Palestiniens dans les zones annexées à Israël. D’autres décrivent la poursuite du statu quo, dans lequel les Palestiniens restent apatrides et sans droits. Et d’autres encore parlent d’accorder aux Palestiniens annexés un droit de résidence israélien, à l’instar des Palestiniens de Jérusalem-Est, qui ont été officiellement annexés en 1980.
Ce n’est pas pour rien que le mot « apartheid » est entré dans le vocabulaire israélien depuis que l’annexion est devenue la politique du Premier ministre Netanyahou pour les territoires occupés. Il est clair pour tous que, de toute façon, Israël n’envisage pas d’accorder la citoyenneté aux résidents palestiniens dont il pillera les terres. L’obsession de la suprématie démographique juive est la pierre angulaire de la politique israélienne depuis la fondation de l’État. On doit certainement supposer que l’annexion ne s’éloignera pas beaucoup de ce principe d’organisation.
Il y a une logique derrière l’idée que les Palestiniens pourraient lancer une lutte immédiate pour la citoyenneté israélienne s’ils étaient annexés. Cette demande touchera probablement le nerf sioniste le plus sensible – exposant le concept frauduleux de « juif et démocratique » – et pourrait encore amener le public à se retourner contre les plans d’annexion de Netanyahou.
Une lutte pour la citoyenneté, cependant, signifiera une stratégie plus large de lutte populaire, plutôt qu’un désir de devenir Israélien. Plus important encore, dans le scénario farfelu où Israël accorderait la citoyenneté aux Palestiniens annexés, cela ne rapprochera pas Israël de la démocratie florissante qu’il prétend être.
Il suffit de regarder Jérusalem-Est pour comprendre pourquoi. Depuis qu’Israël a occupé la partie orientale de la ville en 1967, les résidents palestiniens y ont pour la plupart refusé d’accepter la citoyenneté israélienne, bien que celle-ci leur soit, au moins prétendument, accessible.
Il est vrai que ces dernières années ont vu une augmentation significative du nombre de demandes de citoyenneté israélienne. Pourtant, Israël a rendu le processus de plus en plus difficile et le nombre de Palestiniens de Jérusalem-Est qui ont reçu la citoyenneté reste négligeable. Collectivement, les Palestiniens de la ville rejettent la citoyenneté israélienne malgré les conditions difficiles dans lesquelles ils vivent.
Le public juif israélien pourrait considérer cette stratégie comme une forme de refus obstiné. Après tout, en tant que citoyens, les Palestiniens pourraient voter pour la Knesset et améliorer plus efficacement leur sort. Mais pour les Palestiniens, c’est une question de principe : l’occupation et l’annexion de Jérusalem-Est sont illégitimes, et les Palestiniens ne sont pas disposés à leur accorder une légitimité en acceptant la citoyenneté de l’occupant.
Citoyenneté conditionnelle
Les Palestiniens confrontés à l’annexion considèrent également le statut des citoyens palestiniens d’Israël comme un modèle possible de ce qui est à venir – et ce n’est pas particulièrement attrayant. Après tout, les citoyens palestiniens ont vécu pendant 18 ans sous un gouvernement militaire en Israël, suivi de 54 ans de discrimination systématique dans presque tous les domaines de la vie.
La citoyenneté israélienne est bien moins idéale lorsqu’on examine les différentes façons dont Israël a opprimé ses citoyens palestiniens au cours des 70 dernières années, que ce soit par des tentatives brutales d’étouffer leur identité nationale par le biais de législations telles que la loi sur l’État-nation juif, ou par des confiscations de terres du nord au sud d’Israël. La guerre démographique est la loi de la terre sous le sionisme, et elle ne passe nullement à côté des citoyens palestiniens du pays.
L’absence scandaleuse de plans de construction et de développement dans les communautés arabes n’est pas un hasard. Elle fait partie intégrante d’une politique destinée à étouffer la capacité de la population palestinienne à se développer, à s’étendre et à prospérer sur sa propre terre.
L’interdiction du regroupement familial et, bien sûr, l’interdiction pour les réfugiés palestiniens de revenir dans leur pays ne sont que deux exemples de l’obsession démographique d’Israël. Les dénommés « villages non reconnus » du Néguev/Naqab et la tentative de dépouiller les Bédouins qui y vivent de leur citoyenneté israélienne sont un témoignage honteux de cette même guerre.
Les habitants du village bédouin d’Al-Araqib, qui ont vu leur hameau détruit plus de 200 fois par les autorités, ne sont pas soumis à un régime militaire. Ce sont des citoyens israéliens. Les habitants de Qalansuwa, une ville arabe du centre d’Israël, qui doivent faire face aux bulldozers qui viennent détruire leurs maisons, sont également des citoyens israéliens.
Il en va de même pour les résidents du Triangle – villes et villages palestiniens adjacents à la Ligne verte dans le centre d’Israël – qui ont récemment appris que leur premier ministre envisageait d’annuler leur citoyenneté et de les transformer en citoyens d’un futur État palestinien.
Tous ces exemples nous rappellent que pour les Palestiniens, la citoyenneté est toujours conditionnelle.
L’annexion est une idée vile et criminelle qui doit être combattue becs et ongles. Mais la solution ne viendra pas de l’octroi de la citoyenneté aux Palestiniens annexés à Israël. La citoyenneté est une autre couche de tromperie dans la façade de la démocratie israélienne, qu’Israël a vantée avec succès pendant plus de sept décennies.
L’annexion doit être arrêtée. L’occupation de 1967 doit prendre fin. Et le colonialisme et la suprématie juive dans les territoires de 1948 doivent être démantelés afin de construire une véritable démocratie – une démocratie qui n’a jamais réellement existé ici.
Orly Noy est rédactrice en chef de Local Call, militante politique et traductrice de poésie et de prose en farsi. Elle est membre du conseil exécutif de B’Tselem et militante du parti politique Balad. Ses écrits traitent des lignes qui se croisent et définissent son identité comlme Mizrahi, femme de gauche, femme, une migrante temporaire vivant à l’intérieur d’un immigrant perpétuel, et du dialogue constant entre eux.
Par Orly Noy, le 21 juin 2020.
Traduction : JPB pour l’Agence Média Palestine
Source : +972 Magazine
Voir en ligne : l’article sur le site de l’Agence Média Palestine