Dans le contexte actuel, l’UJFP a souhaité publier sur son site ce texte de 2012.
« C’est loin d’être la première fois que l’on maquille, exploite et efface notre histoire mais c’est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, alors… on a créé le Comité des Juifs de Baghdad à Ramat Gan ».
C’est ainsi que l’écrivain, poète et militant Almog Behar décrit la décision d’un groupe de juifs d’origine arabe et kurde de s’élever énergiquement contre les efforts renouvelés de propagande du gouvernement israélien visant à contrer les droits des réfugiés palestiniens en utilisant les revendications des juifs qui ont quitté des pays arabes pour Israël dans les années 1950.
Comme le rapportait le quotidien Haaretz en septembre 2012, les diplomates israéliens « ont reçu pour instruction de soulever la question des réfugiés juifs provenant de pays arabes dans tous les fora appropriés. Le Vice-Ministre des Affaires étrangères, Daniel Ayalon, a annoncé (…) que cela faisait partie d’une nouvelle campagne internationale visant à créer une parité entre le sort des réfugiés juifs et palestiniens ».
« La manière dont Israël utilise notre histoire depuis les années 1950 n’est pas destinée à nous rendre nos droits mais à priver les Palestiniens des leurs et à éviter un accord de paix avec eux », comme l’a écrit à l’Electronic Intifada Almog Behar.
L’idée est que les droits des réfugiés palestiniens et leurs droits à la propriété sont annulés par les prétentions similaires des juifs des pays arabes, absolvant ainsi Israël de son obligation de procéder à toute restitution aux Palestiniens. Les juifs qui ont quitté l’Irak et certains autres pays arabes pour Israël dans les années 1950 ont été privés de leurs biens et de leur citoyenneté.
Le gouvernement israélien « ne nous représente pas ».
Le Comité des Juifs de Baghdad à Ramat Gan, nouvellement formé et dont fait partie Almog Behar, a réagi (…) dans une déclaration extraordinaire publiée sur Facebook :
Nous visons à demander des compensations du gouvernement irakien – et non de l’Autorité palestinienne – pour nos biens perdus et nous n’accepterons pas que la perte de nos biens soit compensée par la perte des biens d’autrui (c’est-à-dire des réfugiés palestiniens) ou que des compensations soient transférées à des organes qui ne nous représentent pas (c’est-à-dire au gouvernement israélien).
La déclaration continuait avec une demande que la complicité d’Israël dans le départ des juifs irakiens de leur patrie fasse l’objet d’une enquête, y compris en matière d’actes terroristes perpétrés contre des juifs :
Nous demandons la mise en place d’une commission d’enquête chargée d’examiner :
1) Si et comment des négociations ont été menées en 1950 entre le Premier Ministre israélien David Ben Gourion et le Premier Ministre irakien Nouri Al-Said et si Ben Gourion a informé Al-Said qu’il serait autorisé à prendre possession des biens des juifs irakiens s’il acceptait de les envoyer en Israël.
2) Qui a ordonné l’attentat à la bombe contre la synagogue Massouda Chem-Tov de Baghdad et si le Mossad israélien et/ou ses agents ont été impliqués. S’il est établi que Ben Gourion mené en 1950 des négociations sur le sort des biens des juifs irakiens et a instruit le Mossad de mener un attentat à la bombe contre la synagogue de la communauté afin d’accélérer notre fuite d’Irak, alors nous déposerons une plainte auprès d’un tribunal international demandant la moitié de la somme totale des compensations pour notre statut de réfugiés au gouvernement irakien et la moitié au gouvernement israélien.
Le rôle des sionistes dans la fuite des juifs d’Irak
On soupçonne depuis longtemps qu’Israël et des agents clandestins sionistes ont joué un rôle dans l’accélération du départ des juifs d’Irak.
Naeim Giladi, un juif irakien qui a rejoint les mouvements clandestins sionistes en Irak alors qu’il était un jeune homme, en est venu plus tard à regretter son rôle dans le départ d’environ 125’000 juifs d’Irak. « Les propagandistes sionistes prétendent toujours que les bombes en Irak ont été posées par des Irakiens anti-juifs qui voulaient que les juifs quittent leur pays », écrit-il, « mais la terrible vérité, c’est que les grenades qui ont tué et blessé des juifs irakiens et ont endommagé leurs biens ont été lancées par des juifs sionistes ».
Naeim Giladi, né Naeim Khalaschi, a donné son témoignage en 1998 dans un article publié par Americans for Middle East Understanding. L’article donne un résumé de son livre, Le scandale de Ben Gourion : Comment la Haganah et le Mossad ont éliminé des juifs.
Après une condamnation à mort en Irak en raison de ses activités sionistes, Naeim Giladi a fui en Israël. Parce que sa langue maternelle était l’arabe, il a été affecté au soutien aux autorités militaires israéliennes d’occupation dans l’expulsion des Palestiniens de leurs foyers à Al-Majdal (Ashkelon) en faisant pression sur eux afin qu’ils signent des documents où ils affirmaient qu’ils partaient volontairement pour Gaza.
J’étais là et j’ai entendu leur peine. « Nos cœurs souffrent lorsque nous regardons les orangers que nous avons plantés de nos propres mains. Laissez-nous donner de l’eau à ces arbres. Dieu ne sera pas content de nous si nous laissons Ses arbres sans soins ». J’ai demandé au commandent militaire de les soulager mais il a répondu « Non, nous voulons qu’ils partent ».
Je ne pouvais plus participer à cette oppression et je suis parti. Les Palestiniens qui ne signaient pas pour le transfert étaient emmenés de force, chargés sur des camions et jetés à Gaza.
Naeim Giladi, qui est mort en 2010, a servi dans l’armée de 1967 à 1970, puis il a rejoint le mouvement anti-sioniste Black Panther des juifs mizrahi, avant de finalement renoncer à sa citoyenneté israélienne et de s’installer au Etats-Unis.
Des juifs d’origine arabe et kurde revendiquent leur histoire
J’ai demandé par e-mail à Almog Behar qu’il me donne plus d’informations sur la création du Comité des Juifs de Baghdad à Ramat-Gan. Il a fait part de mes questions à des membres du comité et a compilé et traduit leurs réponses.
Pouvez-vous m’en dire plus sur le Comité des Juifs de Baghdad à Ramat-Gan ? Quand a-t-il été fondé ? Qui rassemble-t-il ?
Le comité a été fondé en raison de la campagne du Premier Ministre sur les réfugiés mais il traitera aussi d’autres questions. Nous avons décidé d’établir le Comité des Juifs de Baghdad à Ramat-Gan après la tentative du Vice-Ministre des Affaires étrangères et du gouvernement israélien de tirer profit de notre histoire au moyen d’une manipulation politique cynique.
C’est loin d’être la première fois que l’on maquille, exploite et efface notre histoire mais c’est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, alors hier matin(14 septembre 2012), nous avons formé le Comité des Juifs de Baghdad à Ramat-Gan.
Le comité rassemble des jeunes et des vieux, hommes et femmes, de Baghdad, Mossoul et Basra, de même que certains qui sont nés dans ce pays en tant que première, deuxième ou troisième génération, et certains avec des origines mélangées kurdes ou marocaines.
Nous avons établi le comité afin de revendiquer notre histoire et notre culture (et bien sûr nos biens) et afin d’éviter que d’autres, y compris des mouvements sionistes et le gouvernement israélien n’en prennent possession.
Nous avons rédigé notre déclaration le 14 septembre (2012) en réponse au gouvernement et nous continuerons à être vigilants au quotidien dans la revendication de notre histoire. Nous pensons qu’en tant que communauté juive irakienne inter-générationnelle, nous pouvons écrire l’histoire de notre passé, présent et future en Irak et en Israël.
A quel point les sentiments exprimés dans votre déclaration sont-ils répandus ?
Nous pensons que ces sentiments sont très répandus parmi les juifs irakiens – plus bien sûr parmi l’ancienne génération qui est moins influencée par la propagande israélienne, se souvient plus du passé irakien, sait que nos biens en Irak sont quelque chose entre nous et l’Irak et pas entre nous et les Palestiniens et se souvient que presque tous les biens des Palestiniens de 1948 ont été pris par des juifs ashkénazes et par l’Etat et pas par des juifs du monde arabe.
Nous pensons qu’il devrait y avoir un dialogue direct entre des juifs du monde arabe et les Etats arabes et nous espérons qu’après un accord de paix la question de nos biens sera résolue.
La manière dont l’establishment israélien utilise notre histoire des années 1950 n’est pas destinée à nous rendre nos droits mais à se débarrasser des droits des Palestiniens et à éviter un accord de paix avec eux.
Nous ne voulons pas être utilisés, ni notre histoire, ni nos histoires personnelles. Nous espérons que le monde arabe va comprendre qu’un dialogue avec nous, avant même un accord entre Israël et les Palestiniens, est important également pour celui-ci. Nous faisons partie de la mémoire, de l’histoire et de la culture arabe et c’est une erreur pour le monde arabe d’oublier la part qui est la nôtre, tout comme c’est une erreur pour Israël d’effacer notre arabité ou d’oublier notre passé et notre langue.
Connaissiez-vous le témoignage de Naeim Giladi ?
Nous ne connaissions pas le travail de Naeim Giladi mais ce qui s’est passé en Irak dans les années 1950 est une plaie ouverte pour nous. Nous voulons une enquête sur les liens entre Nouri Al-Said et Ben-Gourion.
Vous pouvez en découvrir plus sur le Comité des Juifs de Baghdad à Ramat-Gan sur sa page Facebook.
Par Ali Abunimah, lundi 17 septembre 2012.
Traduction : Robert pour l’UJFP