Déclaration de Pierre Stambul (UJFP) à la manifestation de soutien à Florimond Guimard

Étranges étrangers

La création d’un « ministère de l’identité nationale » promise aux électeurs de Le Pen et confié à Hortefeux n’a qu’un seul précédent du même type dans l’Histoire de France : le « commissariat général aux questions juives » du sinistre Xavier Vallat. Certes, nous dira-t-on, la situation n’est pas la même. Les Sans Papiers raflés ne partent pas à Drancy ou à Auschwitz, ils sont « simplement » jetés dans des avions ou des ferrys. Mais l’intention est la même : déshumaniser, traquer, créer la peur permanente.

Les Sans Papiers ne vivent plus l’Etat de Droit. Ils sont passés de l’autre côté du miroir. Contre eux, la France viole tous les textes internationaux qu’elle a signés : droit d’asile, droit de vivre en famille, droit à la santé, droit à l’éducation exactement comme la France de Vichy avait privé de tout droit dès 1940 les Juifs, les Tziganes, les communistes, les homosexuels … La France d’aujourd’hui recopie même le vocabulaire de Vichy. Comme autrefois, les Sans Papiers sont officiellement « en surnombre dans l’économie française ».

Au moment même où le gouvernement et le MEDEF veulent liquider tout ce que le Conseil National de la Résistance a établi à la Libération (sécurité sociale, retraite pour tous, nationalisation des banques, de l’énergie, du chemin de fer …), une diversion est apparue avec la lettre de Guy Môquet. Ne les laissons pas refaire l’Histoire, ne les laissons pas récupérer celles et ceux qui ont combattu la barbarie et le racisme : les étrangers et les Sans Papiers ont joué un rôle fondamental dans la Résistance. À l’automne 1943, seule la M.O.I. (Main-d’œuvre immigrée) avait un groupe actif à Paris. Ils s’appelaient Alfonso (espagnol), Fontanot (italien), Manouchian (arménien), Boczov, Elek, Rayman, Wajsbrot, Olga Bancik (juifs/ves venus de Pologne, Hongrie ou Roumanie). Ils/elles ont été arrêtés et torturés par la police française (les « brigades spéciales ») puis livrés à la Gestapo et exécutés.

60 ans après, la France s’est excusée pour les rafles et les crimes commis en son nom. Elle commémore le Veld’hiv. Elle célèbre les résistants et toutes celles ou ceux qui ont aidé les gens traqués. Elle affirme qu’il aurait fallu désobéir à des ordres injustes.

À quoi bon ces commémorations quand le même cycle infernal du racisme d’Etat et de la discrimination recommencent ? Quand on reparle de quotas. Quand on criminalise les Sans Papiers et leurs soutiens.

Aux fonctionnaires de police, aux juges, aux employés des préfectures, aux pilotes d’avion ou aux capitaines de ferrys, nous disons : « désobéissez à des ordres injustes ! ». Soutenir les Sans Papiers et empêcher l’horreur quotidienne des expulsions est plus que légitime : c’est lutter pour la défense des droits de tous les humains. Le Réseau Education Sans Frontières et Florimond Guimard mènent une lutte indispensable. Le pouvoir ne nous intimidera pas.

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