Le 26 février, à Huwara près de Naplouse, des centaines de colons israéliens ont incendié, sous l’œil bienveillant de l’armée d’occupation, des dizaines de maisons, une centaine de voitures, tabassé et blessé des centaines de Palestiniens dont l’un est mort. Plus tôt, après un raid de l’armée ayant fait onze morts et une centaine de blessés à Naplouse, un Palestinien y avait tué deux colons.
Cette attaque, qualifiée de « pogrom » par des médias israéliens eux-mêmes, est significative de la volonté de bien des colons de voir disparaître les Palestiniens qui résistent légitimement à l’occupation et à la colonisation.
L’arbre de ce pogrom ne doit pas cacher la forêt des centaines de victimes civiles et combattantes assassinées ou blessées par l’armée « la plus morale du monde » et par les colons armés, depuis l’arrivée au pouvoir du gouvernement Netanyahou et de ses suprématistes juifs ouvertement homophobes et racistes.
Pendant ce temps, depuis plusieurs semaines, des centaines de milliers d’Israéliens juifs manifestent leur opposition au projet de réforme de la Cour suprême, la plus haute juridiction de l’État d’Israël, proposée par le Premier Ministre. Cette réforme, échappatoire sur mesure pour ce politicien corrompu, vise précisément à rogner les pouvoirs de cette Cour et à la soumettre au parlement élu, la Knesset. Cette dernière aurait désormais la main sur les nominations des Ministres (dont le Premier), de leurs conseillers, et des membres … de la Cour suprême elle-même !
Mais ce qui saute aux yeux dans ces manifestations hérissées d’une impressionnante marée de drapeaux israéliens, c’est qu’elles sont organisées et dominées par le cœur de l’establishment politique et économique sioniste : anciens alliés et/ou adversaires revanchards de Netanyahou, bataillons de réservistes de l’armée et du Mossad, puissant secteur de la high-tech étroitement liée au domaine sécuritaire et militaire, gauche travailliste en mal de virginité politique, laïcs et LGBT+ apeurés par les religieux, etc. Même le Président de l’État, Herzog, au rôle purement honorifique, y est allé de ses remontrances « démocratiques ».
Les drapeaux palestiniens sont interdits dans ces manifestations, et les groupes anticolonialistes ont eu beaucoup de mal à y faire exister un petit bloc de résistance qui tente de faire le lien entre question démocratique et occupation de la Palestine.
Ces manifestants ont deux points communs, évidemment liés :
- leur sionisme, idéologie coloniale qui a consisté, depuis toujours, à nier l’existence et les droits du peuple palestinien autochtone, et qui en a fait les maîtres d’œuvre ou, au mieux, les complices de tous les crimes de l’État d’Israël et de ses violations du droit international ;
- l’illusion qu’un État puisse être, en même temps, « juif *» ET démocratique (*ou catholique, ou hindouiste, ou musulman…).
À l’évidence, la Cour suprême qu’ils défendent est essentiellement garante du droit pour les citoyens juifs, les arrêts de la Cour suprême favorables aux Palestiniens ayant été jusqu’à présent exceptionnels ou inappliqués.
Bien peu nombreux sont celles et ceux qui comprennent que cette affaire de Cour suprême est le revers de la médaille du sort infligé au peuple palestinien. Ce n’est pas sa réforme (de la CS of course) mais bien les forces ultra-nationalistes et les fanatiques religieux qui constituent une menace existentielle pour Israël, car il ne peut y avoir de paix et de démocratie sans justice et respect du droit pour toutes et tous. En cela, le mouvement actuel de protestation, et même les refus de servir dans l’armée, qui ne remettent pas en question le consensus sioniste, ne semblent pas prêts à créer le changement profond de mentalité nécessaire pour que la société israélienne rompe avec le régime d’apartheid qu’elle s’est donné très démocra-tiquement, avec la bénédiction de … la Cour suprême.
Les États occidentaux semblent soutenir ce mouvement sans remettre non plus en question le consensus sioniste. S’ils ne font pas pas le lien avec l’occupation et le sort des Palestiniens, ils ne feront que favoriser le retour à une situation d’impasse totale.
Pour l’heure, en Europe, une sanction telle que la suspension de l’accord d’association UE-Israël doit être prise pour stopper le gouvernement israélien et lui imposer le respect du droit international.