Intervention de Pierre Stambul à une réunion zoom organisée par ISPCR (International Commission to Support Palestinian’s Rights) et Palestinian Democratic Forum in Europe.
Les autres intervenants européens étaient Alex Deswaef, Pierre Galand, Luisa Morgantini, Marc Botenga et Jan Fermon
Avant de commencer, je dis quelques mots sur mon association, l’Union Juive Française pour la Paix. Notre association se bat pour une paix fondée sur l’égalité des droits au Proche-Orient. Nous sommes antisionistes. Nous faisons nôtres toutes les revendications de l’appel palestinien au BDS de 2005. Nous dénonçons l’apartheid israélien avec toutes ses conséquences : fragmentation de la Palestine, occupation, colonisation, vols de terres, destructions de maisons, blocus de Gaza, crimes de guerre, crimes contre l’humanité. Nous dénonçons l’instrumentalisation de l’antisémitisme et du génocide nazi par des suprémacistes qui soutiennent un régime colonialiste et raciste.
La Palestine vit des heures terribles. Nos ennemis pensent qu’ils ont aujourd’hui le rapport de force pour imposer ce qui a été, dès le début du XXe siècle, le rêve sioniste : faire des Palestiniens les Indiens du Proche-Orient, privés de tout droit, transformés en mendiants et enfermés dans leurs réserves.
Il est vrai que le rapport de force s’est dégradé, rapport de force militaire et rapport de force diplomatique. Alors qu’Israël viole quotidiennement le droit international, son impunité est assurée par le soutien des États-Unis (pour l’armement comme à l’ONU) et la complicité de l’Union Européenne. S’y ajoutent aujourd’hui le soutien de la réaction féodale et dictatoriale arabe et celui de tous les dirigeants d’extrême droite, racistes et même antisémites. Ce régime suprématiste est un exemple pour ses semblables, il est devenu le laboratoire de la surveillance et de la répression des populations dites « dangereuses ». Sa loi « Israël-État nation du peuple juif » nous ramène des années en arrière à l’époque où l’apartheid sud-africain disait ouvertement que les Blancs avaient plus de droits que les Noirs.
Il serait faux de penser que, c’est parce qu’ils sont mal informés que les dirigeants occidentaux assurent l’impunité d’Israël. C’est tout à fait en connaissance de cause qu’ils ont embarqué l’OLP dans les accords d’Oslo et dans la suite : le « processus de paix », les « deux États vivant côte à côte ». Deux États, ce n’est ni possible, ni souhaitable. Résoudre cette guerre sans combattre l’idéologie sioniste, sans la reconnaissance du nettoyage ethnique commis en 1948 et sans sa réparation, c’est absurde. Abandonner les réfugiés palestiniens alors que le peuple palestinien est un peuple de réfugiés est tout aussi absurde.
Nous savons que les diplomates occidentaux en poste en Palestine, envoient régulièrement des rapports sur les terres volées ou vandalisées, les maisons détruites, les enfants emprisonnés, la population humiliée sur les check-points. Ces rapports partent à la poubelle. Les dirigeants israéliens et ceux de l’Union Européenne appartiennent au même camp, celui des maîtres du monde capitaliste. S’y ajoute de la part de l’Europe une manipulation obscène de l’antisémitisme qui est né et a prospéré en Europe. Ils appuient la définition sioniste : « défendre la Palestine = être antisémite ». Il est symptomatique de savoir que le député français Maillard, qui a fait voter au Parlement une définition de l’antisémitisme l’assimilant plus ou moins à l’antisionisme, a fait une visite dans les colonies de Cisjordanie la veille du vote.
Un des grands atouts du peuple palestinien, c’est que, malgré une situation tragique, une économie étranglée et une répression incessante, la société ne s’écroule pas. La population essaie coûte que coûte de produire, de commercer, d’éduquer les enfants, de les pousser le plus loin possible dans leurs études. Les paysans s’accrochent aux terres qui leur restent, pour vivre de leur travail et nourrir la population.
La Palestine reste globalement une société solidaire où tout le monde s’entraide. Bien sûr des phénomènes nouveaux apparaissent : la mendicité, la malnutrition, les tentatives de départ, la montée d’un sentiment religieux qui imprègne tous les rapports sociaux, mais globalement la société civile tient. Et la richesse du tissu associatif en Palestine permet cette résistance.
Malgré les rêves sionistes, les Palestiniens forment toujours 50% de la population entre la Mer et le Jourdain. Sans compter tous les Palestiniens éparpillés dans le monde.
Durant mes voyages en Palestine et notamment à Gaza, j’ai souvent entendu ce genre de propos : « cette guerre n’est pas née chez nous. Elle est née en Europe avec l’antisémitisme européen et le colonialisme britannique. Elle est née avec l’ONU qui a voté la partition de la Palestine, qui a accepté le nettoyage ethnique de 1948 et qui a accepté Israël en son sein alors que ce pays violait le droit au retour des réfugiés et rasait les villages palestiniens. »
Ils ajoutent : « une solution juste dépend de deux facteurs : de notre capacité à nous, société civile palestinienne de résister, et de votre capacité à vous, sociétés civiles du monde entier, d’obliger vos gouvernements complices à enfin sanctionner l’occupant. »
Notre responsabilité, en Occident, est donc fondamentale. Soutenir la Palestine c’est aussi dire que nous refusons le colonialisme, le racisme, le suprématisme, le militarisme et que nous nous battons pour un monde d’égalité et de respect de l’autre.
Notre arme, c’est le BDS. L’appel de 2005 ne parle pas de la solution politique, d’un État, deux États ou dix États. Il exige que le droit international soit appliqué aux Palestiniens. Qu’ils soient libres, qu’ils ne subissent plus de discriminations et que le crime fondateur, leur expulsion, soit réparé.
Il s’inspire de l’expérience de la lutte contre l’apartheid sud-africain qui aura mis des décennies avant de devenir une cause mondiale. Nous devons nous inspirer de cet exemple.
Le BDS unifie la Palestine, alors que la division politique est une victoire de l’occupant.
Le boycott d’Israël, c’est celui d’un État, pas celui d’individus. Ce boycott doit être total : politique, économique, commercial, militaire, mais aussi syndical, sportif, scientifique, culturel, universitaire.
L’Afrique du Sud était fière de ses sportifs et son exclusion des Jeux Olympiques a été un élément très important.
Israël est une start-up qui vit de sa technologie et de ses universités toutes compromises avec le complexe militaro-industriel. Le boycott culturel et universitaire est sans doute le plus difficile à impulser, mais il est fondamental. Il faut saluer ce qui se passe dans de nombreux pays où des universités rompent leurs relations avec les universités israéliennes. Aux États-Unis, de nombreux jeunes Juifs participent au mouvement BDS au côté de jeunes Arabes et en liaison avec le mouvement « Black Lives Matter », c’est leur façon de dire que le régime israélien est aussi une insulte à leur identité.
Au moment de la chute de l’apartheid sud-africain, tous les Blancs de ce pays qui voyageaient étaient interpellés sur la nature de leur État raciste. C’est notre but avec le BDS : « délégitimer » cet État-voyou pour que nos dirigeants sachent qu’ils seront discrédités s’ils persistent à assurer son impunité.
Pierre Stambul (30 janvier 2020)