La Coordination nationale de l’UJFP, à la suite des résultats des élections, a souhaité faire le bilan de la longue séquence électorale que nous venons de traverser.
Nous vous proposons deux textes :
– Un texte initialement proposé par André Rosevègue et
– Un texte initié par Simon Assoun et Maxime Benatouil.
Texte proposé initialement proposé par André Rosevègue
La première surprise est qu’alors que la guerre fait rage entre deux pays européens avec l’agression russe contre l’Ukraine, alors que d’autres conflits dont nous ne ferons pas la liste se poursuivent dans le monde, les questions internationales ont été pratiquement absentes des deux campagnes électorales.
Bien sûr, nous avons été scandalisés par le deux poids deux mesures : le boycott de la Russie s’imposerait comme une évidence, quand celui de l’État d’Israël serait encore suspect d’antisémitisme. Les quelques mots timides de la NUPES sur la Palestine sont passés inaperçus, et Meyer Habib, le conseiller de Netanyahou, a pu en toute impunité bénéficier du soutien matériel d’Israël pour se faire réélire député français. L’avocat franco-palestinien Salah Hamouri est resté prisonnier administratif dans le silence médiatique, comme le communiste libanais Georges Ibrahim Abdallah à Lannemezan.
Deux autres questions, partiellement liées, auxquelles notre association est attachée sont la question du racisme et celle des migrants. Là, si la droite et plus encore l’extrême droite ont tranquillement bafoué les valeurs de liberté, d’égalité, de fraternité, et y ont opposé des discours de haine, si le tapis rouge a été déroulé devant le multicondamné Zémour faisant des gammes sur le fantasme du « grand remplacement », si Macron, pour reprendre le titre d’un article de Médiapart, a été l’« idiot utile » du Rassemblement national, force est de constater que les candidats de gauche à la présidentielle et de la NUPES ensuite n’ont pas donné la priorité au développement de leur propres programmes sur ces sujets, aussi timides qu’ils aient été sur l’accueil des réfugiés d’où qu’ils viennent.
Avec ces résultats, avec ces attitudes, autant dire que nous devons considérer que nos responsabilités sont accrues.
Contre la banalisation des idées d’extrême droite, et même si nous savons que la remise en cause fondamentale du système capitalisme mondial est une condition de l’éradication de ses idées nauséabondes, il nous faut faire un travail de fond et réfléchir aux voies et moyens pour faire reculer les idées racistes, pour faire reculer les idées fausses sur les migrants, pour décoloniser les imaginaires.
L’UJFP ressent l’obligation de rechercher à participer à un front antiraciste où l’expression collective des racisés discriminés doit avoir toute sa place.
L’UJFP participera aux tentatives de donner aux mobilisations de soutien politique et matériel à la résistance du peuple palestinien. Elle contribuera à ce que les cadres unitaires permanents ou ponctuels ne se développent pas dans un esprit de concurrence, au travers en particulier de sa participation à la campagne BDS France, à la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine, au Collectif National pour une Paix Juste et Durable entre Palestiniens et Israéliens ainsi qu’à la Coordination européenne des comités et associations pour la Palestine (ECCP).
Texte initié par Simon Assoun et Maxime Benatouil
Les résultats de ces élections présidentielle et législatives ont montré l’approfondissement de la crise de légitimité de la classe dirigeante et de ses institutions. Si Emmanuel Macron s’est fait élire sans difficultés, grâce au barrage contre l’extrême-droite des électeurs de gauche, sa base sociale est plus réduite et moins solide qu’en 2017. L’échec de la majorité présidentielle à obtenir la majorité absolue à l’Assemblée nationale confirme cette tendance. Le second quinquennat accuse un démarrage bien plus fragile que le premier, caractérisé par une tripartition du champ politique. Celui-ci est désormais éclaté entre plusieurs blocs de taille relativement équivalente – un bloc bourgeois, un bloc social-écologiste et un bloc d’extrême-droite, auquel s’ajoute une masse abstentionniste dont l’importance numérique doit nous interroger toutes et tous.
Les scores des candidats de gauche à la présidentielle puis, aux législatives, de cette même gauche rassemblée dans la NUPES, ont permis de faire vivre avec une force renouvelée les thématiques du mouvement social et de l’antiracisme, de la lutte contre les inégalités et les violences policières, du féminisme et de l’écologie, dans un contexte où l’espace du débat public est hégémonisé par les thématiques et les discours conservateurs, sécuritaires voire de l’extrême-droite. Rassemblée autour d’un programme qui, non sans limites et contradictions, porte un projet de rupture vis-à-vis de la « Macronie » et de son monde, il revient à cette gauche politique la responsabilité de soutenir les luttes du mouvement social, ainsi que les luttes de l’immigration et de la solidarité internationale.
Nous prenons acte de la percée du RN, tant aux présidentielles qu’aux législatives. Ces scores nous frappent, mais nous ne pouvons être surpris tant ils confirment ce que nous analysons comme une tendance à la fascisation dans les sociétés civile et politique.
Nous notons également que, tout au long de cette séquence, les questions internationales ont occupé peu de place, sauf en ce qui concerne l’Ukraine et la Russie, actualité oblige. Pourtant, la France est impliquée dans de nombreuses opérations militaires dans le monde, directement ou indirectement. Rappelons seulement la guerre abjecte et meurtrière que mènent l’Arabie Saoudite et les Émirats Arabes Unis contre le peuple yéménite, à l’origine de l’une des pires catastrophes humanitaires de l’histoire, permise par l’industrie française de l’armement, qui fournit les armées saoudienne et émiratie et par le soutien politique que leur apporte l’État français sur la scène internationale. Pour les besoins de sa classe capitaliste, la France se lie et encourage de nombreux régimes autoritaires et racistes, de l’Inde de Modi à Israël.
La défense des droits humains fait face à des enjeux terribles. L’agression militaire russe contre l’Ukraine prive les Ukrainiens de leurs droits humains et en jette des millions sur les routes migratoires et semble s’inscrire sur le temps long, renforçant la militarisation de la région. En même temps que nous soutenons la résistance légitime des Ukrainiens, nous dénonçons l’hypocrisie qui conduit nos dirigeants à accorder le droit de résister à un peuple et de le dénier à un autre, le peuple palestinien ; avec qui la solidarité est stigmatisée et combattue comme « forme réinventée de l’antisémitisme » par cette même « Macronie ».
La situation des migrants est, elle aussi, désastreuse. Les récentes images qui nous sont venues du Maroc montrent à quel point les personnes migrantes sont privées de droits et constamment menacées dans leur intégrité physique et morale. Les atrocités commises par le régime marocain ne relèvent pas uniquement de la politique migratoire marocaine, mais font partie intégrante de la politique migratoire européenne, laquelle se déploie dans le cadre de d’une politique de coopération avec les pays voisins qui assument les basses œuvres d’une Europe forteresse aveuglée par son racisme. La focalisation sur l’immigration clandestine, thème privilégié de la droite et de l’extrême-droite, a conduit l’Europe à externaliser le refoulement des personnes migrantes sur les pays voisins.
Nous aurions souhaité que la gauche mette plus en avant ces enjeux et ses combats qui nous sont chers. Nous espérons qu’elle saura agir en ce sens dans la séquence qui s’ouvre, et nous saurons la rappeler à ses obligations.
Nous prenons la mesure des responsabilités qui, face aux enjeux de la période, sont les nôtres et qui sont celles de toutes les organisations se réclamant du mouvement social. Nous chercherons à construire les cadres collectifs qui nous serviront à nous organiser et à lutter ensemble. Nous chercherons à construire un front de l’antiracisme politique pour mener nos combats contre toutes les formes de racisme avec les autres minorités. Nous continuerons de participer à toutes les initiatives en faveur de la lutte du peuple palestinien pour ses droits et contre la colonisation et l’apartheid israélien et, plus particulièrement, de contribuer à la campagne BDS France, à la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine, au Collectif National pour une Paix Juste et Durable entre Palestiniens et Israéliens ainsi qu’à la Coordination européenne des comités et associations pour la Palestine (ECCP).
Nous saluons les prisonniers politiques George Ibrahim Abdallah, communiste libanais emprisonné en France à Lannemezan et Salah Hamouri, avocat franco-palestinien, détenu en Israël sans procès et sans charge. Ils peuvent être assurés de notre solidarité active, pleine et entière.
La Coordination nationale de l’UJFP, le 30 juin 2022