« Au Moyen Orient et dans de nombreux autres endroits du monde, une vérité simple s’impose : il n’y a pas de place pour les faibles. Les faibles s’écroulent, sont massacrés, sont effacés de l’histoire, et les forts, pour le meilleur et pour le pire, sont ceux qui survivent. Les forts on les respecte, avec les forts ont fait des alliances, et finalement c’est avec les forts qu’ont fait la paix. » Non, l’auteur de cette saillie n’est pas Benito Mussolini, même si l’on trouve chez le Duce plusieurs déclarations étonnamment similaires. Cette apologie de la force, c’est de la bouche de Benjamin Netanyahou qu’elle est sortie, au cours de la cérémonie de nomination de la « Cité de recherche [sic] du nucléaire » au nom de Shimon Peres, le 29 Aout dernier. « La force fait le droit » – slogan fasciste par excellence, dont le gouvernement israélien a fait sa feuille de route, tout comme le fait également le violent clown qui lui sert de mentor a la Maison Blanche.
Slogan fasciste mais surprenant quand même de la part du fils de l’historien Bentzion Netanyahou : la force non seulement ne fait pas le droit, mais ne garantit pas non plus la pérennité d’un régime ou d’un tat. De puissants empires sont tombes les uns après les autres, de l’Empire perse à l’Empire romain, du Reich des Mille ans a l’URSS, en passant par les empires coloniaux britannique et français. L’écroulement de ces puissances s’est produit non seulement malgré leur force, mais souvent à cause de celle-ci : l’hybris, cette folie qu’enfante le trop de pouvoir, devrait faire réfléchir le premier ministre israélien, qui, contrairement à son modèle états-unien, n’est ni idiot ni dépourvu de culture.
Qui est fort aujourd’hui sera faible demain, même s’íl possède un immense arsenal nucléaire ; Netanyahou n’a qu’à demander ce qu’en sait son nouvel grand ami Vladimir Poutine, lui qui tente de reconstruire une puissance russe qui s’était écroulée en une décennie. Mais Netanyahou et ses compères sont aveugles par leur force et surtout par la faiblesse de leurs ennemis et de leurs voisins.
A l’inverse, le chef de l’extrême droite israélienne ferait bien de relire les écrits de son père sur l’histoire du peuple juif : minuscule et dispersé aux quatre coins du monde, ce peuple a su utiliser sa faiblesse pour survivre aux empires qui ont tenté de l’éradiquer. Mais depuis longtemps le fils de Bentzion Netanyahou a oublié ce que c’est qu’être Juif, au point de se faire dicter par la Pologne un document qui l’absout du massacre de plus de deux millions de Juifs, et de s’acoquiner avec les admirateurs des Croix Fléchées en Hongrie et de les laisser mener une campagne ouvertement antisémite contre le milliardaire et philanthrope Georg Soros.
Libre à Netanyahou de choisir ses amis dans l’extrême droite antisémite européenne (et américaine), et de partager leur philosophie de la force. Mais de grâce, qu’il ne le fasse pas au nom de notre histoire et de nos ancêtres, car ce faisant il viole leurs sépultures et crache sur les cendres de millions de Juifs dont est encore imbibée la terre polonaise.
Publié dans le Courrier de Genève (Octobre 2018)